dimanche 24 novembre 2024

Naël Melerd : Le slameur qui s’attaque au terrorisme

minoung uneNaël Melerd, à l’état civil Nathaniel Minoungou, est un jeune artiste slameur, musicien et instrumentiste burkinabè. Double champion du concours « Je slame pour la patrie » en 2016 et  2017 et champion de la SNC 2018, Naël Melerd affirme être venu au slam par un « parachutage », car ayant effectué un cursus scientifique qui ne le prédisposait aucunement à la pratique de cet art qu’est le slam. Se sentant investi d’une mission, il consacre sa carrière à la lutte contre le terrorisme. Radars Info Burkina l’a rencontré pour évoquer non seulement son actualité, mais aussi en savoir plus sur le titre hommage qu’il a composé en l’honneur des soldats tombés à Koutougou.

RIB : Vous avez été deux fois champion du concours « Je slame pour la patrie », comment avez-vous réussi cet exploit ?

NM : A la finale de ma première participation en 2016, lorsque j’ai reçu mon trophée et que je rentrais chez moi, un de mes challengers m’a dit : « Tu es champion, mais tu n’as pas le niveau ». Alors en 2017 je l’ai contacté pour que l’on se retrouve une fois de plus au concours, pour voir de nous deux qui ferait des exploits. Je me suis inscrit, mais pas lui. Et j’ai encore remporté le titre. Ce qui est important dans cette anecdote, c’est qu’il avait quand même raison, parce que vu ma performance en 2017, je me suis rendu compte qu’en 2016 je n’avais vraiment pas le niveau. J’ai atteint une autre dimension d’écriture que je n’avais pas avant, parce qu’après sa remarque j’ai innové, j’ai travaillé mes textes, et cela m’a permis d’être encore plus performant.  Après cela, il y a eu aussi la Semaine nationale de la culture en 2018, où j’ai remporté le titre. Et c’est là où j’ai eu la casquette du seul slameur qui a fait se lever le président du Faso.

RIB : Comment évolue actuellement votre carrière ?

NM : Je n’ai pas d’album pour le moment, et je pense que c’est parce que je ne veux pas en faire. J’ai un single officiel qui a pour titre « dans 100 millions d’années », dont le texte m’a fait remporter la SNC. Le slam que je fais, ce n’est pas forcément pour être populaire, c’est plutôt pour répondre à un besoin précis. Même le texte « dans 100 millions d’années », c’était dans un contexte d’insécurité et de terrorisme. L’évènement était nouveau, les gens ne savaient pas à quel saint se vouer. Donc ce message est venu comme un réconfort et tout le monde l’a ressenti comme tel. Donc je peux dire que mon slam vient au besoin d’une chose, je ne fais pas les choses juste pour les faire. J’ai d’autres singles qui ne sont pas officiellement sortis. J’ai un single qui est sorti pendant les fêtes de fin d’année, « Boule de neige », et un autre sollicité par le ministère de la Culture à l’occasion du cinquantenaire du FESPACO, intitulé « Cinéma ». Hormis cela, je fais beaucoup de créations dans les cérémonies.

minoung 2RIB : Au lendemain de l’attaque meurtrière de Koutougou, au cours de laquelle 24 soldats sont tombés, vous avez composé un slam dans lequel vous leur rendez hommage et invitez le peuple à rester debout. Dites-nous-en plus.

NM : Je précise que ce n’est pas le premier slam en hommage aux forces de défense et de sécurité. Souvenez-vous de la mission effectuée par l’unité spéciale à Rayongo. François de Salle y avait perdu la vie dans des conditions d’héroïsme assez particulières. J’avais alors fait un slam en son honneur. Et nous assistons encore aujourd’hui à un évènement malheureux, c’est la plus grande perte en soldats depuis le début des attaques. 24 âmes parties d’un coup, c’est énorme ! Et là encore, je ne pouvais pas rester de marbre. J’ai d’ailleurs dédié toute ma carrière à la lutte contre le terrorisme. Je me sens investi d’une mission à chaque fois qu’il y a quelque chose à dire, un message que je dois transmettre aux gens. C’est le jeudi 22 août que je suis entré en studio à une heure assez tardive, parce que je sentais que le devoir m’appelait. C’est une fois sur place que j’ai rédigé le texte et posé la voix, en précisant à l’arrangeur l’esprit dans lequel je voulais le produit fini. Et il se trouve que la date que j’avais choisie pour sortir le son coïncidait avec le deuil national décrété. Et pour moi, c’était un signe que le message devait circuler, pour donner un peu plus de courage aux Burkinabè qui semblent baisser les bras. La chanson est disponible sur ma chaîne YouTube et aussi sur Facebook. Et je précise que le but de ce texte, ce n’est pas d’avoir beaucoup de vues, mais de faire passer un message qui, à mon avis, peut aider. Je lance un appel aux autorités et aux bonnes volontés qui peuvent m’apporter un soutien dans la réalisation du clip de cette chanson.

RIB : Quel est votre regard sur l’univers du slam?

NM : Je crois que les slameurs sont en train de mériter le titre d’artistes. Dans un passé récent, dans les spectacles on entendait dire : « On fait passer rapidement les slameurs et après les artistes ». Nous sommes en train de faire un travail énorme qui force le respect et fait que le slam est en vogue. Le seul problème peut-être du slam, au regard du fort taux d’analphabétisme dans notre pays, c’est le fait qu’il soit en français. Néanmoins, nous essayons de faire nos textes dans différentes langues locales. Et je pense que si nous maintenons le cap, dans trois ou cinq ans, le slam pourra faire des merveilles. Et avec de l’innovation, nous pourrons nous imposer.

RIB : Quelles sont vos perspectives en ce qui concerne votre carrière ?

NM : J’ai un single en préparation qui sortira bientôt et en 2020 l’album sous la production d’Ombre Blanche Label, où l’on va retrouver du chant et du slam. Il y a également d’autres projets sur lesquels je travaille avec ma structure de production, au premier spectacle de fusion artistique qui va être une innovation sur toute la ligne. Ce sera un spectacle au cours duquel nous retrouverons sur la même scène du théâtre, de la musique, de la danse et de la poésie. L’idée est que ce soit un spectacle qui pourra être comme un film ou une série. Le spectacle s’appelle « les chirurgiens paroliers ». Ce sera de l’innovation pure et dure.

RIB : Un dernier mot ?

NM : Je présente d’abord mes condoléances aux familles des soldats disparus. Je lance également un appel à la retenue et à la compassion, une vie perdue ne peut plus être rattrapée, quoi que l’on fasse. Mais le plus important, c’est de faire en sorte de ne plus perdre d’autres vies. Et surtout que Dieu console les cœurs, parce que l’on croit en Lui et les phénomènes que l’homme n’est pas capable de résoudre, c’est à Dieu de les résoudre. A toute la jeunesse, je voudrais dire qu’elle doit se battre. C’est vrai que l’Etat est là pour tout le monde, mais chacun est là pour lui-même. Il faut donc se battre, proposer des choses, innover et saisir les opportunités qui se présentent à nous. Je remercie également tous ceux qui me soutiennent en tant qu’artiste. Continuez à me faire confiance parce que je n’ai pas l’intention de vous décevoir.

Armelle Ouédraogo

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