A côté du traitement médicamenteux, l’alimentation joue un rôle non négligeable dans le rétablissement du malade. Un régime alimentaire adapté permet ainsi au malade de recouvrer la santé et surtout d’éviter la dénutrition qui peut parfois conduire à la mort. C’est alors qu’intervient la diététique, qui consiste à apporter un soutien nutritionnel au patient. Découvrons ensemble le rôle combien important de cette spécialité dans les formations hospitalières avec Yasmine Zerbo, diététicienne.
RIB : Qu’est-ce qui différencie la diététique de la nutrition ?
YZ : La nutrition est une science pluridisciplinaire qui met en relation l’homme et la nourriture. C’est un domaine qui est assez vaste, puisqu’on y retrouve la nutrition communautaire, celle fondamentale, appliquée, etc. Mais lorsqu’on parle de diététique, cela renvoie à une discipline de la nutrition qui représente le côté clinique. Elle étudie la physiologie de l’aliment, comment il est ingéré, digéré, absorbé et excrété.
RIB : Quel est le rôle du diététicien en milieu hospitalier ?
YZ : S’il est vrai que le traitement médicamenteux joue un grand rôle dans le processus de guérison du malade, il est incontestable que la nutrition y contribue aussi. Le diététicien est donc celui qui s’occupe particulièrement de la prise en charge nutritionnelle des malades souffrant de toutes sortes de maladies, surtout celles chroniques. Par exemple, il aide le diabétique, l'hypertendu, l'ulcéreux ou la personne souffrant d’un cancer à bien manger. Il prend aussi en charge les personnes bien portantes en élaborant des régimes spécifiques pour les enfants, les adultes, les personnes âgées, etc. Il utilise les aliments pour composer ces régimes spécifiques au kilo calorie près selon l’âge, le sexe, le poids, l’activité physique, les habitudes alimentaires, les émotions. Le diététicien est donc un éducateur nutritionnel qui apprend aux gens à bien manger. Son rôle premier, c’est de s’assurer du bien-être des patients dans les hôpitaux à travers le soutien nutritionnel. Il est celui qui compose les régimes avec la cuisine en quantifiant les aliments utilisés et en fonction de plusieurs paramètres, pour pouvoir les transmettre aux malades. Dans une structure hospitalière il est primordial d’avoir un diététicien, car c’est lui qui compose les menus en fonction des pathologies, autant pour ceux qui viennent consulter que pour ceux qui sont hospitalisés. Le diététicien éduque non seulement le malade mais aussi son accompagnateur, qui s’occupe très souvent de son alimentation. Il aide à lutter contre la dénutrition hospitalière, parce que souvent restés assez longtemps hospitalisés, certains patients finissent par être dénutris.
RIB : Est-ce que les hôpitaux au Burkina Faso disposent d’assez de diététiciens ?
YZ : Malheureusement, il n’y a pas de diététiciens dans nos centres hospitaliers. Et notre combat, c’est d’arriver à faire en sorte que chaque hôpital dispose de diététiciens pour le bien-être des malades. Le seul diététicien que j’ai connu est resté au centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo au service de néphrologie pendant plusieurs années et a pris sa retraite en 2014. J’ai suivi en 2009 une de ses interviews, dans laquelle il demandait à l’Etat burkinabè d’envoyer des jeunes se former en diététique pour assurer la relève car il se faisait vieux. Et c’est là que j’ai osé aller étudier la diététique. Je me suis particulièrement intéressée à la nutrition entérale qui permet d’alimenter un patient sous sonde, parce que j’avais remarqué lors de mes stages qu’en service de réanimation, on ne donnait que de la bouillie aux malades. J’ai donc réfléchi sur ce qui pouvait être fait pour mieux nourrir mes patients par sonde naso-gastrique. C’est ainsi que j’ai élaboré un produit que j’ai testé et analysé et dont je suis en train de faire l’agrégation. Et lorsque je suis rentrée à l’issue de ma formation en 2016, je suis restée à Yalgado deux ans durant comme volontaire et je me suis fait de l’expérience avant de partir en septembre 2018. J’espère que l’hôpital pensera à recruter bientôt un diététicien, parce que j’ai réalisé une petite étude personnelle qui m’a permis de comprendre que sur 4 patients, 2 souffraient de dénutrition hospitalière, tout simplement parce qu’ils n’avaient pas de soutien nutritionnel. Les patients souffrent beaucoup parce que les médecins leur interdisent souvent certains aliments, sans pour autant leur dire pourquoi et quoi consommer à la place. C’est là alors que le diététicien intervient pour accompagner le malade dans sa guérison.
RIB : Votre mot de fin ?
YZ : La diététique demeure indispensable et tout le monde a besoin de diététicien, qu’on soit bien portant ou pas. Je lance donc un cri du cœur à l’Etat burkinabè afin qu’il songe à recruter des diététiciens dans les formations sanitaires. Cela permettra de sauver des patients, parce qu’ils sont nombreux à souffrir de dénutrition hospitalière, surtout au service de réanimation.
Propos recueillis par Armelle Ouédraogo