La violence conjugale est un problème social préoccupant et elle peut être présente avant la grossesse, pendant son déroulement ou après la naissance du bébé. En ce qui concerne les violences de différents types durant la gestation, elles comportent des répercussions aussi bien sur la mère que sur le fœtus, répercussions dont on ne mesure pas toujours l’ampleur, surtout lorsqu’il s’agit des violences psychologiques.
Qu’est-ce qui pourrait justifier la violence physique ou psychologique qu’inflige un homme à sa compagne enceinte ? A cette question, les psychologues ne manquent pas de théories pour justifier un tel comportement. Pour certains, l'arrivée d'un bébé fragilise les deux futurs parents mais également le couple, car la grossesse vient rompre le lien exclusif de l'homme avec la femme. Le bébé fait alors « effraction » dans le couple et le père peut le ressentir menaçant, comme un agresseur potentiel qui viendrait lui prendre sa femme. Pour d’autres encore, la grossesse réactive chez l'homme ce qu'il a vécu dans son enfance. Il peut avoir été lui-même témoin de ce genre de violences, avoir été battu ou bien ne pas avoir eu de père, ce qui le fragilise quand, à son tour, il va vivre la paternité. Aussi, un homme qui a toujours été violent pour quelque raison que ce soit avant la survenue de la grossesse peut continuer à l’être tout le long de sa durée.
Le phénomène est bien réel. « Nous recevons par moments des femmes enceintes victimes de violences conjugales. La plupart du temps, elles ne veulent pas admettre que ce sont leurs conjoints qui leur ont porté main, ou bien elles affirment que c’est juste arrivé une fois suite à une dispute ou parce que le mari avait trop bu. Elles veulent juste que nous leur apportions des soins sans parler de la cause de leurs blessures. Nous essayons de les rassurer et de les convaincre de trouver une solution, sinon elles pourraient perdre leur bébé ou même la vie. Et les fausses couches du fait des coups, ce n’est pas ce qui manque », confie Germaine Sandwidi, sage-femme.
Les violences conjugales, qu’elles soient physiques ou verbales, ne sont évidemment pas sans conséquences sur la santé de la mère et du futur bébé. En effet, selon une étude de l’OMS réalisée en 2013 , la violence physique du conjoint pendant une grossesse augmente la probabilité de fausse couche, de naissance d’enfant mort-né, de décollement placentaire d’origine traumatique, d’accouchement prématuré et d’insuffisance pondérale à la naissance. La même étude révèle des risques augmentés de plus de 48 % pour le diabète et plus de 40 % pour l’hypertension artérielle chez les femmes enceintes victimes de violences. Les nouveau-nés de ces femmes ont un risque de prématurité significativement augmenté jusqu’à 37 %. De plus, les enfants de femmes violentées lorsqu’elles étaient enceintes sont plus susceptibles de développer certains problèmes, plus particulièrement lorsqu’elles ont été frappées au ventre. Ces bébés sont plus nombreux à présenter une insuffisance pondérale, ce qui peut provoquer des maladies, des déficiences et même la mort. Ils risquent aussi d’avoir des lésions permanentes affectant le développement de leur cerveau.
Armand Sawadogo, psychologue, affirme que la violence conjugale, surtout celle psychologique, pendant la grossesse présente un lien avec la dépression et l’anxiété avec des troubles affectifs, de traitements psychotropes, de dépressions graves. Il ajoute que le stress et la dépression ont des effets directs sur la croissance du fœtus, tout comme ils pourraient conduire la future mère à l’adoption de comportements préjudiciables au déroulement de la grossesse comme le tabagisme, la consommation d’alcool ou encore des tendances suicidaires. Sans compter que certaines femmes victimes de violence pendant la grossesse ont plus de difficulté à éprouver un lien d’attachement solide avec leur enfant.
Pour éviter que les enfants nés de mères victimes de violences durant leur grossesse perpétuent ce cercle vicieux, il est important que les proches des victimes les soutiennent en les aidant à s’ouvrir à une assistance médicale. Il n’est pas non plus négligeable d’aider le conjoint violent à prendre conscience de son problème et avoir recours à un accompagnement médical.