Dans leurs plaidoiries devant le tribunal militaire le mercredi 03 juillet 2019, plusieurs avocats affirment que leurs clients ne sont pas pénalement responsables parce qu’ils estiment que ces derniers n'ont pas intentionnellement participé au coup d’Etat. Pour eux, ces accusés n’ont fait qu’exécuter des ordres de leur hiérarchie, ce qui est un principe cardinal dans l’armée. Pour les uns, ils se sont trouvés au mauvais endroit au mauvais moment ; pour les autres, leurs actes ne sortent pas du cadre de leur mission régalienne.
Maître Flore Toé, conseil de Sawadogo Nobila, relate que le jour de l’arrestation des autorités de la transition le 16 septembre 2015, son client était descendu de garde et a effectué des courses familiales en ville. Après ses courses, Sawadogo Nobila a reçu un appel d’un ami civil qui voulait se renseigner sur ce qui se passait au palais présidentiel. N’ayant pas d’éléments de réponse, il va lui aussi à l’information en appelant son binôme. Celui-ci lui fit savoir qu’il devait se rendre immédiatement au palais, ce qu’il fit aux environs de 17h. Une foi là-bas, le chef de poste lui intima l’ordre de monter la garde malgré le fait qu’il fût de repos. Le lendemain 17 septembre 2015, il fut affecté à la sécurité du général Gilbert Diendéré dans sa garde rapprochée et ce jusqu’au 21 septembre 2015. Pour Maître Toé, ces faits ayant été confirmés par Yonli G. Jean, binôme de son client ainsi que par Nebié Moussa dit Rambo qui le dédouane de toute implication dans l’arrestation des autorités de la transition, son client doit purement et simplement être acquitté vu qu’il n’a fait qu’exécuter des ordres et n’a commis aucun fait grave.
Il en a été de même pour le colonel Omer Bationo, dont d’ailleurs le parquet militaire a demandé l’acquittement dans ses réquisitions. Pour son conseil Maître Mariam Kanyili, c’est parce que son dossier est vide que le parquet a requis son acquittement. En ce qui concerne son client, dès qu’il a appris l’arrestation des autorités de la transition, il est allé à la rencontre du général Diendéré pour lui signifier qu’il ne voudrait pas de près ou de loin être mêlé à cette affaire, a-t-elle indiqué. N’ayant pas eu la chance de le rencontrer à la présidence, c’est finalement à l’hôtel Laïco après la rencontre avec la communauté internationale qu’il a pu rencontrer le général Diendéré qui l’a compris dans sa position. Elle demande alors au tribunal d’entériner la réquisition du parquet.
Pour un de ses clients, Samuel Coulibaly, soldat de 1re classe, maître Kanyili demande aussi l’acquittement. Selon elle, la réquisition du parquet militaire d’une peine d’emprisonnement de 25 ans de prison ferme est très lourde par rapport à ce qu’il a eu à poser comme actes. Dans les faits, Maître Kanyili explique que son client était en permission du 13 au 17 septembre à Nouna pour assister un malade. Il serait revenu de sa permission le 17 septembre 2015 à Ouagadougou. Arrivé au camp aux environs de 15h 30mn, il fut affecté au poste intermédiaire avec comme chef de poste le sergent Badoum Lamoussa. Et c’est sous les ordres de celui-ci qu’il a conduit l’équipe du sergent-chef Sanou Ali le 18 septembre à Zorgho sans savoir pourquoi. Sa mission, c’était la conduite du véhicule et une fois sur les lieux, elle martèle que son client n’est pas descendu du véhicule et a attendu l’équipe là-bas. De retour de Zorgho il a été affecté chez le président Michel Kafando du 19 au 27 septembre 2015 date à laquelle il a été affecté. Pour ce faire, maître Kanyili trouve que son client Samuel Coulibaly n’a pas participé à incendier la radio laafi de Zorgho. Elle demande la clémence du tribunal à l’endroit de son client car elle estime que nul n’a le droit de travestir les faits. Son client n’a pas personnellement et intentionnellement posé un acte allant dans le sens de la complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat ni les autres faits qui lui sont reprochés.
En ce qui concerne les accusés que sont le caporal Pascal Moukoro et le sergent Coulidiati, leur conseil maître Pascal Ouédraogo estime que ses clients ont été embarqués dans ce putsch manqué sans en savoir les implications réelles. Etant au bas de l’échelle de la hiérarchie de l’armée, ils n’ont fait qu’exécuter des ordres venant d’en haut. Précisément pour le caporal Moukoro, maître Ouédroago estime qu’il a été au mauvais endroit au mauvais moment car après avoir rempli sa tâche quotidienne il allait pour laver sa mobylette et c’est sur son chemin qu’il a été interpellé par le major Badiel sous le hall ou s’est tenue la réunion décisive de l’arrestation des autorités de la transition. Selon lui, son client a certes agi mais sous les ordres de sa hiérarchie et ne devrait pas en être pénalement responsable. Il demande que ce dernier soit donc purement et simplement acquitté des infractions d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires.
De même pour maître Dieudonné Willy et maître Timothée Zongo, tous deux conseils du colonel Abdoul Karim Traoré, leur client ne peut être inculpé de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat car ayant agi en patriotes. Pour eux, le colonel Traoré est un expert en résolution de crise ayant fait ses preuves dans la résolution de plusieurs crises de en Côte d’Ivoire, au Mali et bien d’autres pays de la sous-région. Et c’est à ce titre qu’il s’est rendu au palais quand il a appris que le pays était en passe de plonger dans une crise pour aider au dénouement de la situation.
Pour ce qui est de l’accusé Abdoul Compaoré, soldat de 1re classe, son conseil maître Paul Kéré, rappelle que son client est un mécanicien de mobylettes et c’est sa tâche quotidienne qu’il accomplit au sein du RSP. Au moment des faits, c’est à ce titre qu’il fut convoyé sur une mobylette pour dépanner une autre qui était au camp Guillaume. Une fois le dépannage fini, c’est sur le chemin du retour qu’ils ont fait face à des manifestants. Pour se frayer un passage, il a alors fait des tirs de sommation sans qu’il y ait mort d’homme. Pour cela, il demande la clémence du tribunal pour son client.
Maître Bali Bazemo conseil du lieutenant Dianda, estime que son client n’a pas outrepassé sa mission de lieutenant. Car dans cette crise, il aurait assuré rien que la sécurité des médiateurs venus pour la résolution du problème. Ayant agi sous les ordres du commandant Korogo Aziz il a respecté le quartier de sécurité et n’a commis aucun acte d’exaction.
Pour Maître Badini Idrissa, avocat commis d’office et conseil du soldat de première classe Lie Amandou, d’Ardjouma Kambou, sergent-chef, et de Mohamed Zerbo, sergent-chef, les avocats commis d’office n’ont pas été logés à la même enseigne que les autres. Il rapporte qu’ils n’ont pas eu droit au dossier complet de leurs clients, chose qui leur aurait permis de défendre avec plus de qualité ceux-ci. Il martèle que cette manière de faire est déloyale et ne saurait garantir une justice équitable.
En conclusion dans les plaidoiries de ce jour, les conseils criaient pour les uns à l’acharnement pour les autres à l’intention de nuire de la part du parquet militaire. Mais ils disent faire confiance au sens de responsabilité du tribunal et ne pas douter de sa sagesse pour rendre une justice équitable.
Saâhar-Iyaon Christian Somé Békuoné