Dans la plupart des quartiers de Ouagadougou, il existe des sociétés de fabrication et de duplication de clés. Ces entreprises rendent service à des individus qui ont perdu leur clé ou à ceux qui ont besoin d’une copie de leur clé pour la garder comme secours. Lesdites sociétés sont en principe soumises à des consignes de sécurité qu’elles doivent respecter scrupuleusement dans la reproduction et la fabrication des clés, quel qu’en soit le type. Nous avons rencontré des serruriers pour savoir en quoi consiste leur activité ainsi les risques sécuritaires auxquels leurs entreprises et les populations sont exposées.
N’importe qui peut se rendre dans un lieu de reproduction de clés et faire dupliquer une clé, quel qu’en soit le type. Ces sociétés sont légion dans la ville de Ouagadougou. Ibrahim Tiendrébéogo, jeune garçon, après avoir arrêté les études, a hérité de la société de fabrication et de duplication de clés de son père. Il dit être dans le domaine depuis 4 ans. Il a appris pendant les vacances scolaires avec son père le métier de reproduction des clés. Selon lui, le travail est soumis à des consignes auxquelles toute société de reproduction de clé doit se plier. D’abord, il y a l’autorisation d’ouverture de la maison à prendre au ministère de la Sécurité, précisément à la Direction de la sécurité publique ; ensuite il faut tenir un registre dans lequel sera inscrite l’identité de toute personne désirant faire reproduire une clé et, enfin, il faut présenter ce registre aux agents de contrôle. Dans le cadre de son travail, il a recours à deux machines : l’une sert à confectionner les nouvelles clés et l’autre sert à la duplication des clés pour ceux qui ont besoin de plusieurs copies de clé. «Par exemple en cas de perte des clés de sa mobylette, nous pouvons confectionner à l’intéressé une nouvelle clé qui convient au contact de la mobylette», a-t-il expliqué.
Quant à Abdoul Rasmané Nikiéma, propriétaire d’une société de duplication et de fabrication, il exerce cette activité depuis 19 ans. Dans son entreprise, il emploie environ cinq personnes. «Avec l’évolution de la technologie, nous travaillons avec des logiciels de programmation et des machines sophistiquées. Nous les achetons depuis la Chine et Les Émirats arabes unis. Un logiciel coûte environ 300 000 F CFA et la nouvelle machine pour la duplication coûte environ 1 000 000 de F CFA », a déclaré M. Nikiéma. Avec 10 machines à sa disposition, il parvient à dupliquer n’importe quel type de clé, surtout les clés à puce pour certaines voitures et mobylettes. «Le prix de la duplication varie selon le type de clé. Il y en a de 1000 F, 3000 F, 10 000 F et même 150 000 F pour certaines clés de voiture », fait savoir Rasmané Nikiéma.
A l’en croire, le métal destiné à la reproduction des clés est importé de Chine. Et c’est en terre libanaise, grâce à un de ses amis, qu’il a appris la duplication des clés à puces. Pour ce type de formation, il faut débourser environ 400 000 F CFA par jour, précise-t-il.
Malgré les consignes de sécurité auxquelles elles doivent se conformer, la réalité est que certaines de ces sociétés foulent aux pieds ces principes, exposant de ce fait les populations et leurs biens. «Depuis que j’exerce ce métier, je n’ai jamais bafoué les consignes. Mon registre est toujours à jour. Si un individu vient ici avec une clé et sa carte d’identité, quelle que soit la somme qu’il va me proposer, si je doute de lui je refuse la reproduction», assure Ibrahim Tiendrébéogo. Selon lui, des personnes malintentionnées peuvent prendre la clé d’une connaissance ou d’un parent à son insu et aller dans une société de duplication pour s’en faire établir une copie.
«Souvent, des individus viennent ici avec des empreintes de clé dans du savon, ou sur une feuille pour reproduction. En plus, il y a des enfants qui viennent avec des clés de coffre-fort, de voiture, de chambre de leurs parents pour reproduction. Dans de tels cas, il nous est formellement interdit de satisfaire à leur demande », a-t-il ajouté. «Des gens peuvent arriver chez nous avec la photo d’une clé de coffre-fort pour duplication et nous proposer 500 000 F CFA. Nous avons eu à alerter la gendarmerie de cinq cas où des gens sont venus avec des empreintes de clé sur du savon pour duplication», renchérit Rasmané Nikiéma.
Mais si nous deux interlocuteurs semblent rigoureux dans le respect des consignes, ce n’est malheureusement pas le cas de certains de leurs collègues, qui foulent allègrement aux pieds les règles en la matière. Monsieur Tiendrébéogo a confié qu’un de ses collègues a fait de la prison parce que ce dernier n’avait pas pris le soin d’enregistrer l’identité de son voisin venu faire reproduire une clé. Selon ses explications, le voisin de son collège, grâce à la clé dupliquée, est allé cambrioler une boutique. Ainsi, son collègue a été également appréhendé après l’arrestation du voleur.
Hamidou Ouédraogo, s’est déjà rendu dans une société de son quartier pour se faire dupliquer une clé de la porte de sa maison.
«Quand j’y suis arrivé, j’ai été enregistré avant la duplication de la clé. J’ai payé 2 500 F CFA. Mais j’en connais où tu peux y aller faire la reproduction sans donner ta carte d’identité, à condition que tu proposes une importante somme », a-t-il indiqué.
Paul Kinda, qui est allé faire confectionner une nouvelle clé pour sa mobylette puisqu’ayant perdu l’unique, nous confie qu’il a eu à présenter seulement sa carte d’identité. «Il faut qu’en plus de la carte d’identité, pour la confection d’une nouvelle clé d’engin, la société exige la présentation de la carte grise dudit engin», suggère-t-il.
Ibrahim Tiendrébéogo conseille aux gens d’éviter de mettre ensemble sur un porte-clés leurs clés de portes et celles de leur engin. « Un parent, une connaissance ou un voisin malintentionné peut solliciter l’engin d’une personne pour un déplacement et en cours de route, il peut faire dupliquer la clé de la maison de cette dernière », argumente-t-il.
Si une personne est victime d’un vol d’engin ou du cambriolage de sa maison et que ses soupçons portent sur des proches ou des gens du voisinage, Rasmané Nikiéma lui conseille de se rendre à la société de duplication de clés la plus proche pour faire vérifier dans le registre les identités des clients. «Une fois un commerçant du quartier où est installée ma société a perdu 3 millions dans sa boutique alors qu’il n’y avait pas eu d’effraction. Il a pris les cartes d’identité des employés et de ses enfants, est venu nous voir et a demandé qu’on vérifie les identités des clients dans le registre. C’est ainsi qu’il a remarqué que l’identité d’un de ses neveux venu du village y figurait à une date proche du jour du vol. Sur-le-champ, il en a informé les forces de sécurité et le jeune garçon a été arrêté», raconte M. Nikiéma.
Vu son caractère extrêmement sensible, le secteur de la reproduction des clés doit être bien encadré pour éviter que des personnes malintentionnées profitent du laxisme de certains serruriers pour faire main basse sur les biens d’autrui.
Aly Tinto (Stagiaire)