dimanche 24 novembre 2024

Ecoutes téléphoniques

IMG 20190329 WA0004L’épisode des écoutes téléphoniques continue de se dérouler au tribunal militaire de Ouagadougou dans le cadre de ce procès emblématique du coup d’Etat du 16 septembre 2015.  Selon le parquet militaire, les éléments sonores diffusés à l’audience de ce vendredi 29 mars 2019 montrent qu’il y a un paradoxe entre le général Gilbert Diendéré à la barre et le président du Conseil national pour la démocratie (CND) qui était à la manœuvre pendant les évènements. Egalement, il estime qu’il ne souffre aucun doute que durant les faits, il y avait une connexion entre le général Djibril Bassolé et le général Diendéré. Aussi, pour Alioun Zanré et ses pairs, il est indéniable que dame Fatoumata Diendéré et dame Fatoumata Thérèse Diawara, ex-belle fille de Diendéré, ont travaillé d’arrache-pied à consolider le coup d’Etat. Ces pièces à conviction révèlent enfin selon eux les deux faces de la CEDEAO à travers l’attitude de son président en exercice au moment des faits.

A l’audience de ce jour des communications téléphoniques émises pendant les évènements du 16 septembre 2015 et jours suivants, entre le général Gilbert Diendéré, présumé cerveau du coup d’Etat et son fils Ismaël Diendéré, son épouse Fatoumata Diendéré/ Diallo, son ex-belle-fille Fatoumata Thérèse Diawara, et Guillaume Soro, ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne ont été diffusées par le parquet militaire. A travers ces interceptions téléphoniques qui sont une partie du dossier, Alioun Zanré et ses pairs veulent emporter la conviction du tribunal sur le fait que contrairement aux déclarations  du père spirituel de l’ex Régiment de sécurité présidentielle (RSP), celui-ci était à la manœuvre en septembre 2015 pour mettre un coup d’arrêt à la Transition, et ce, avec l’onction de son entourage et de certaines personnalités étrangères. Toutefois, le parquet note qu’au regard de la détermination du peuple burkinabè à ne pas cautionner ce énième coup d’Etat dans son pays, le général Diendéré, malgré les conseils et les encouragements de son entourage à résister et à créer le chaos, était obligé de reculer et de s’en remettre à la justice de son pays pour dit-il sauver sa peau.

Dans ses communications avec son père, Diendéré fils disait au général qu’aucunement, il ne devait accepter de se rendre à la gendarmerie, car des gens à l’extérieur, notamment l’ancien président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro, le président togolais Faure Gnassingbé et le président sénégalais Macky Sall travaillaient à l’exfiltrer du pays vers d’autres horizons, afin de lui éviter la prison ou la mort. Mais, Golf au regard de la situation qu’il vivait rétorquait à chaque fois à son fils que tout était fini et que résister ne servirait à rien. Le 30 septembre 2015 à 21h33mn, Ismaël Diendéré communiquait avec son père en ces termes « (…) Maman m’a envoyé un message de vous dire de ne pas aller avec la gendarmerie (…) Il faut tenir bon (…) On est en train de passer des appels, d’ici demain ou après-demain, ça va aller (…) Il faut nous faire confiance s’il vous plaît, ça va aller (…) Tenez bon (…) » et le général de répliquer « non ça ne va pas marcher ». Le 1er octobre 2015, peu avant l’arrestation de Golf, son fils lui disait entre autres « (…) Faure a appelé Kafando pour qu’on trouve un moyen de vous faire sortir de là (…) Vous avez eu maman au téléphone ? (…) Appelez-la (…) » et le général de répondre « (…) Non non, je ne peux plus. Ils sont en train de taper à ma porte pour me dire de sortir. Ce n’est plus la peine de résister (…) Le cardinal, le Nonce apostolique, le président JBO et l’ambassadeur des Etats-Unis (…) ». Face à cette attitude défaitiste du président du CND, son ex-belle-fille Fatoumata Thérèse Diawara retira le combiné des mains de son fiancé pour essayer à son tour de le convaincre de ne pas se rendre à la gendarmerie « Tonton, pardon écoute-nous pour la dernière fois. Ils ont appelé le Vatican et des chefs d’État. Le Vatican a dit que s’ils te prennent, c’est qu’ils ont enfreint une loi. Il  faut ouvrir la porte et dis-leur que tu ne bouges pas. Faure est rentré de New York. Il est en train de s’occuper de ton cas. Ils sont en train de tout faire pour vous. Il n’y a pas que toi. Il y a l’autre aussi. Lui, il n’est pas en train de subir des pressions comme toi. On ne va rien faire à l’autre. Mais toi, s’ils te prennent, ils vont t’éliminer. C’est cela la différence entre vous deux. L’autre est tranquillement assis dans son coin parce qu’il sait qu’après, on va le libérer. Il faut nous faire confiance. Attends une heure ».

IMG 20190329 WA0005Une rébellion en gestation à Pô et dans le Bazéga

Avec sa femme, l’ancien chef d’état-major particulier de la Présidence du Faso avait la même attitude de résignation. C’était dans sa communication du 30 septembre 2015 avec elle. Il lui disait qu’il n’y avait plus rien à faire pour le sauver de cette situation et la fin de cette aventure pour lui était la condamnation à la peine maximale. Pour le parquet, cette communication du général avec son épouse montre clairement que contrairement à ses déclarations à la barre, c’est lui qui a orchestré l’arrestation des autorités de la Transition. « Quand le général lui-même dit qu’il ira en justice et qu’il sera condamné à la peine maximale, quelque part, il facilite la tâche du ministère et la vôtre aussi (Ndlr:  le tribunal). Objectivement, au regard de ses infractions caractéristiques, c’est la peine maximale qu’il se donne. Il y a lieu de ne pas occulter cet élément quand vous allez entrer en délibération. Avec sa femme, lui-même reconnaît que c’est la peine maximale qui lui revient, mais curieusement, à la barre, il n’a ni prémédité, ni planifié, ni commandité, ni exécuté », s’empresse de faire observer le parquet militaire. Au regard de cette déclaration du ministère public, Me Olivier Yelkouni, conseil du général de brigade dit connaître d’ores et déjà la réquisition du parquet concernant son client car dit-il « je n’ai jamais vu dans aucun procès, un accusé prédire sa peine. Je n’ai jamais vu un prévenu ou un accusé demander une peine à un tribunal ».

Voyant son mari entre le marteau et l’enclume, Mme Diendéré avait dès le 26 septembre 2015 proposé au général de faire naître une rébellion, notamment à Pô et dans le Bazéga. Cela dans le but de créer le chaos et de l’aider à reprendre le dessus sur les évènements qu’il n’arrivait plus à contrôler vu que beaucoup de ses alliés l’abandonnaient avec la patate chaude dans les mains. Mais connaissant le terrain sur lequel voulait s’aventurer sa femme, Golf a émis des appréhensions concernant notamment la logistique. Ce qui a offusqué dame Diendéré qui a estimé qu’à chaque fois qu’elle faisait des propositions pour permettre au général de sortir la tête de l’eau, celui-ci trouvait à redire. « Moi-même j’ai peur de te parler maintenant. Quand je te parle, tu deviens plus malade », avait-elle déclaré à son époux qui ne partageait pas sa stratégie de sauvetage. Cette attitude du général face à cette proposition machiavélique de son épouse a été félicitée et remerciée par le parquet qui estime du reste que cette conversation est l’un des éléments matériels qui fonde la poursuite de dame Fatoumata Diendéré née Diallo dans le cadre de cette affaire de coup d’Etat de septembre 2015.

La CEDEAO ou le négociateur caméléon de la crise

En ce qui concerne les interactions avec l’ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne, il ressort que celui-ci faisait des pieds et des mains afin que le président Macky Sall du Sénégal, Faure Gnassingbé du Togo et dans une certaine mesure Alassane Ouattara du Togo pèsent de leur influence pour exfiltrer le général Diendéré du Burkina Faso vers d’autres horizons où il ne sera pas inquiété par la justice burkinabè. De ce qui a été diffusé à l’audience de ce vendredi 29 mars 2019, le ministère public conclut que de la Côte d’Ivoire, Guillaume Soro rédigeait des messages au compte du RSP qu’il faisait balancer dans les téléphones des Burkinabè et des éléments de la garde prétorienne burkinabè. Cela, dans le but de changer la conscience et le regard de l’opinion publique sur le déroulé des évènements afin que celle-ci prenne fait et cause pour le général. Ces manœuvres de Guillaume Soro durant les évènements aux côtés du général l’ont amené sur un ton de plaisanterie à demander au père spirituel du RSP de prendre un décret qui le nommerait numéro 2 du RSP. Cette ironie de la situation reflète néanmoins pour le parquet, la réalité des faits, car dit-il « cela veut dire que le numéro 1 du RSP c’est le général. Bien que n’ayant pas de fonction officielle au sein du régiment, c’est lui qui imprime sa marque ».

Dans leurs communications avec le président du CND, les interlocuteurs étaient unanimes sur le fait que le président du Sénégal Macky Sall, alors président en exercice de la CEDEAO et le président du Togo, Faure Gnassingbé travaillaient sous la table à trouver une issue autre que la prison pour le général. Ce qui fait conclure au parquet militaire que dans cette affaire, la CEDEAO avait deux faces bien distinctes. « Cette communication nous fait dire qu’heureusement que les Burkinabè ont pris leur destin en main sans compter sur la CEDEAO qui avait une position officielle et une position officieuse », a-t-il souligné.

Le général Djibril Bassolé débouté par la Haute cour de justice de la CEDEAO

Prenant la parole, Me Guy Hervé Kam n’a pas manqué le plaisir de porter à la connaissance du tribunal et surtout de la défense que le général Djibril Bassolé et ses conseils ont été déboutés par la Haute Cour de justice de la CEDEAO, suite à sa saisine sur les interceptions téléphoniques les incriminant dans le cadre de ce procès du coup d’Etat du 16 septembre 2015.

On se rappelle que depuis le début de ce procès, le général Djibril Bassolé et ses conseils demandent d’écarter les écoutes téléphoniques du dossier, estimant entre autres, qu’elles empiéteraient sur la vie privée du général de gendarmerie. N’ayant pas eu d’échos favorables auprès des juridictions burkinabè malgré les multiples requêtes faites, l’ancien chef de la diplomatie burkinabè et ses avocats se sont tournés vers des juridictions supranationales. Une première décision rendue en juillet 2016 par la Haute cour de justice de la CEDEAO ne les avait pas satisfaits. Ils sont donc revenus à la charge. Cette fois encore, la décision de la Haute Cour de justice de la CEDEAO est favorable à l’Etat burkinabè. En effet, selon une décision de la Haute Cour de justice de la CEDEAO lue au tribunal militaire de Ouagadougou ce vendredi 29 mars 2019 par Me Guy Hervé Kam, la Haute Cour de justice de la CEDEAO suite à une saisine du général Bassolé et de ses conseils, a une fois de plus débouté les plaignants sur cette question de conflit entre le droit à la vie privée, les libertés individuelles et la sûreté de l’Etat. Pour cette juridiction supranationale, on ne saurait critiquer la simple existence des écoutes téléphoniques du moment qu’elle n’est pas illégale. Il faut prouver que ces interceptions téléphoniques ont porté atteinte aux droits de la personne, notamment qu’il y a eu immixtion dans sa vie privée.

Malgré la diffusion de ces éléments qui resserre l’étau autour du général, son épouse et son ex-belle fille, les conseils restent fidèles à leur stratégie de défense. Pour les uns, les propos contenus dans ces éléments sonores ne sont pas constitutifs des infractions pour lesquelles leur client est à la barre. Pour les autres, rien ne permettrait à cette étape du procès de rattacher ses voix qui résonnent à celle de leur cliente.

Candys Solange Pilabré/ Yaro

 

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