De plus en plus, les retards constatés dans l’exécution des marchés suscitent l’indignation des populations au Burkina Faso. Actuellement, le cas le plus illustratif et qui irrite plus d’un est l’aménagement de la section urbaine RN4 allant du croisement de la RN3 à l’échangeur de l’Est à Ouagadougou, y compris la réalisation d’un mini-échangeur et le prolongement jusqu’au croisement de l’avenue de la Liberté. Exécutés par l’entreprise COGEB International SA et sous le contrôle au Cabinet AGEIM, ces travaux d’aménagement et de bitumage piétinent depuis le commencement du chantier, selon le rapport du suivi citoyen des grands projets de l’Etat du Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC).
C’est un secret de Polichinelle, le délai d’exécution des travaux d’aménagement et de bitumage de la section urbaine RN4, allant du croisement de la RN3 à l’échangeur de l’Est à Ouagadougou, y compris la réalisation d’un mini-échangeur, et le prolongement jusqu’au croisement de l’avenue de la Liberté est largement dépassé. Dans son rapport du suivi citoyen des grands projets de l’Etat, le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) décèle des manquements dans ce projet depuis sa phase de lancement. En effet, le lancement du marché ou de la consultation restreinte a eu lieu le 10 février 2015, mais la délivrance des ordres de service n’est intervenue que le 03 mai 2016, soit 15 mois plus tard. A l’analyse de cet intervalle, on se rend compte que les délais sont plutôt longs entre la date de lancement et la délivrance des ordres de service pour le démarrage effectif des travaux sur le terrain. Idem pour le lancement officiel des travaux et le démarrage effectif des travaux sur le terrain. En effet, le premier coup de bulldozer faisant office de lancement officiel a été donné le 16 novembre 2015 et le démarrage des travaux sur le terrain par l’entreprise COGEB n’a été effectif qu’en mai 2016. Ce sont donc jusqu’à 6 mois qui se sont écoulés entre le lancement et le démarrage effectif des travaux. Cette situation n’est parfois pas de nature à calmer le climat social chez les populations affectées par la dégradation accrue de la voie, surtout lorsqu’il n’existe pas de mécanisme à même de faire circuler de l’information.
Débutés en mai 2016 donc, les travaux étaient censés durer 18 mois (décembre 2017), mais jusqu’à l’heure actuelle, COGEB n’a pas encore livré l’infrastructure. Selon le rapport du REN-LAC, le 28 mai 2018, les travaux étaient à un taux de réalisation de 63% pour un taux de décaissement de 65%. En octobre 2018, le taux de réalisation était de 66,5%. Il est évident donc que le délai d’exécution est largement dépassé. Des discussions du REN-LAC avec l’entreprise et le bureau de contrôle, on retient que plusieurs facteurs expliqueraient cette situation. Il s’agit du déplacement et du dédommagement incomplets des occupants de l’emprise de la voie qui a pris plusieurs mois, du déplacement des réseaux concessionnels, notamment l’ONEA, la SONABEL et l’ONATEL, du travail qui se fait en demi-chaussée (sous circulation) et de la période de suspension due à la saison des pluies.
Pourtant dans le dossier d’appel d’offres, il est clairement spécifié que les travaux s’effectueront en 18 mois, y compris la saison des pluies. A deux reprises, la question du pont reliant la RN4 à la RN3, qui devait être repris, a causé un grand retard qui serait dû à l’ONEA, lequel n’aurait pas pris les dispositions à temps pour le déplacement de ses réseaux d’eau. Mais le REN-LAC note que d’autres types de travaux auraient pu se poursuivre, tels que les passerelles piétonnes et autres parties de la chaussée qui connaissent aussi des retards de réalisation sur le terrain. Selon le regard citoyen du REN-LAC, l’entreprise semble être embourbée et ses engins lourds sont parfois très peu visibles sur le terrain. C’est pourquoi il se demande si elle n’a pas des occupations contraignantes sur d’autres chantiers, ce qui expliquerait plus objectivement son retard.
En rappel, pour la passation de ce marché, le ministère du Désenclavement et des Transports (actuel ministère des Infrastructures) a formulé au ministre des Finances, en septembre 2014, une requête pour passer le marché en procédure exceptionnelle. Ainsi, le ministre des Finances a formulé à son tour une requête à la BOAD, partenaire financier, pour la passation du marché selon une procédure de consultation restreinte en raison de la complexité du projet, de la qualité et de la célérité recherchées. Quatre entreprises ont donc été sollicitées pour faire des offres. Il s’agit de SOGEA-SATOM, de COGEB International, d’EGK et Suzy Construction. Trois entreprises ont soumissionné. SATOM, qui n’a pas soumissionné, s’est excusé. Selon le P-V de la sous-commission technique en charge de l’évaluation des offres, seule l’offre de COGEB International a satisfait à l’ensemble des critères retenus pour l’évaluation.
Toutefois, à l’analyse des critères de conformité technique du matériel proposé, le REN-LAC s’étonne de l’étrange coïncidence de l’exactitude de la quantité de matériel proposée par COGEB (22 quantités sur 22) pour ce marché, ce qui a été demandé dans le dossier d’appel d’offres. La Commission d’attribution a approuvé les travaux de la sous-commission technique et attribué le marché à COGEB International pour la variante pont dalle béton armé pour un montant de 24 322 912 596 FCFA TTC avec un délai d’exécution de 18 mois et pour la variante pont métallique pour un montant de 26 936 901 551 FCFA TTC. Par ailleurs, un arrêté du ministre des Finances N°2016-0071/MINEFID/SG/DGI a mis en place une commission chargée de conduire les opérations d’expropriation pour cause d’utilité publique pour la libération de l’emprise de la RN4. Cette commission a pris en compte des représentants des mairies des arrondissements 1, 2 et 5 de la ville de Ouagadougou.
Il faut noter que le suivi citoyen des projets routiers du REN-LAC est une approche citoyenne qui vise à identifier sur le terrain les préoccupations des acteurs impliqués ou concernés par la réalisation des infrastructures routières en vue d’anticiper et de corriger autant que possible certaines situations telles que la dégradation prématurée des infrastructures. Espérons donc que ses différents rapports couronnés de recommandations soient pris effectivement en compte afin que la transparence soit totale, tant dans l’octroi des marchés publics que dans l’exécution des travaux pour des infrastructures de qualité ; car nul ne l’ignore, « la route du développement passe par le développement de la route ».
Candys Solange Pilabré/ Yaro