A l’audience de ce mardi 05 février 2019, la déposition des témoins s’est poursuivie au tribunal militaire de Ouagadougou. Le témoin Mohamed Rachid Ilboudo dit Le Baron et les accusés Fayçal Ousseini Nanéma et Adboul Karim Baguian dit Lota étaient à nouveau face à face pour dissiper les contradictions. Mais c’est avec le sentiment que le témoin cherche à l’enfoncer que Fayçal Ousseini Nanéma est retourné dans le box des accusés. Après cette confrontation, c’est Eddie Komboïgo, président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), qui a été à la barre. Sur le film de la journée du 16 septembre 2015, il embouche la même trompette que son camarade politique Achille Tapsoba. Toute chose qui serre la vis à l’ancien député Salifou Sawadogo.
Dès la reprise du procès du putsch de septembre 2015, ce mardi 05 février 2019, le témoin Mohamed Rachid Ilboudo dit Le Baron et les accusés Fayçal Ousseini Nanéma et Abdoul Karim Baguian dit Lota ont une fois de plus été invités à la barre pour terminer leur confrontation.
Concernant Fayçal Ousseini Nanéma, le témoin maintient que l’accusé a essayé de le soudoyer avec la somme de 500 000 francs CFA et une moto afin qu’il fasse un faux témoignage à la barre. Cela, dans le but de faire condamner Mathias Ouédraogo dit Matico. Toute chose que Fayçal Nanéma réfute. Ainsi, Me Zaliatou Aouba, avocate de l’accusé, face à cette déclaration, note que dans ses différents procès-verbaux, le témoin n’a jamais fait cas d’un tel témoignage.
Dans ses explications pour se dédouaner, il fait la révélation que le général Gilbert Diendéré, depuis la MACA, l'a envoyé chez le Baron pour chercher une carte mémoire. « J’ai visionné la carte mémoire et ce n’était pas bon, donc j’ai dit au général que la carte est perdue », a-t-il déclaré. Toute chose qui a fait sursauter le général Gilbert Diendéré depuis le box des accusés. Il s’est donc levé et ne s’est pas gêné de dire que son coaccusé disait des contre-vérités.
Après maintes questions sur la fameuse carte mémoire, Nanéma Fayçal a fini par déclarer qu’elle ne contenait pas des éléments en rapport avec le procès. « La carte mémoire contient des films et des musiques. J’ai dit que ce n’était pas bon, mais je n’ai pas dit qu’elle a quelque chose à voir avec le procès », a-t-il souligné.
Quant à Adboul Karim Baguian dit Lota, le témoin explique que c’est grâce à son intervention qu’il n’a pas subi les sévices que les militaires infligeaient aux jeunes devant le domicile de feu Salifou Diallo. Il dit qu’à ce domicile, il n’a à aucun moment vu l’accusé en posture incendiaire. Et le conseil de Lota de saisir la balle au rebond pour montrer que son client est clean dans cette affaire. « Adboul Karim Baguian est constant dans ses déclarations. Il n’a jamais nié s’être rendu au domicile du feu Salifou Diallo. Seulement, il a expliqué l’avoir fait sur la demande de Paul Sawadogo qui était avec les jeunes du CDP afin qu’il intercède auprès des militaires pour leur libération eu égard du fait que Lota est bien connu au quartier », a souligné Me Latif Dabo.
Le témoin qui a été acquitté après avoir passé des mois à la MACA a quitté la barre, tout en martelant que Nanéma Fayçal met tout en œuvre pour qu’il retourne derrière les barreaux. « Fayçal Nanéma m’a dit à la MACA que c’est lui m’a enfermé. Nanéma ne veut pas reconnaître sa culpabilité dans cette affaire… Nanéma se joue à l’anormal. Il est normal. Il est en train de jouer à la comédie. C’est lui qui m’appelait pour me donner des instructions en ce qui concerne mes auditions », a martelé le témoin.
Voyant l’étau se resserrer autour de son client, Me Zaliatou Aouba fait remarquer au tribunal que le témoin voue une haine viscérale à Fayçal Nanéma. « Vous avez affaire à un accusateur, pas à un témoin », a-t-elle insisté.
Eddie Komboïgo enfin à la barre
Après avoir manqué l’appel du vendredi dernier, Eddie Komboïgo, président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), a répondu présent ce matin. En sa qualité de témoin, ses déclarations au lieu de disculper son camarade politique Salifou Sawadogo, alors 4e vice-président du parti chargé des relations extérieures, l’enfoncent. En effet, si l’accusé insiste que dans la soirée du 16 septembre 2015, une deuxième rencontre s’est tenue au siège du parti pour parler de la situation sécuritaire du moment eu égard à l’arrestation des autorités de la transition, le président du parti, lui, affirme le contraire. A l’instar de son 1er vice-président, Achille Tapsoba, il affirme la main sur le cœur qu’il n’y a eu qu’une seule réunion, celle de la matinée dont l’objet était la validation des listes électorales.
En s’alignant derrière Achille, ce comptable de profession affirme que les 10 millions dont on fait souvent cas dans ce procès ont été remis pendant la réunion du matin à l’ex-député Salifou Sawadogo en sa qualité de coordonnateur des élections au Kadiogo pour la préparation de la campagne.
Après la journée du 16 septembre 2015, Eddie Komboïgo affirme n’être plus entré en contact avec ses camarades politiques pour quoi que ce soit. Ainsi malgré sa casquette de président du parti, il dit n’avoir été informé ni de l’organisation des manifestations durant les évènements, ni de la circulation d’argent, notamment les 20 millions de francs CFA remis à l’ex-député par le biais de Moïse Nignan Traoré, 3e vice-président du parti. « Quand j’ai quitté mes camarades après la réunion du 16 septembre 2015, je n’ai plus eu de contact avec eux au cours des évènements, donc je n’ai pas instruit les manifestations du 17 et du 19 septembre 2015. Pour les 20 millions, je ne crois pas que c’était pour mon parti, sinon j’allais signer pour les récupérer au nom du parti. Personne ne m’a informé de cet argent. J’ai tout appris pendant l’instruction ».
C’est cette même posture que prend le témoin quand il s’agit aussi de la déclaration de soutien au Conseil national de la démocratie (CND), organe des putschistes. « Je n’ai pas pris part à la rédaction de la déclaration de soutien au CND et je n’ai donné aucune instruction en la matière. Ceux qui l’ont fait n’ont pas reçu mandat, donc ça ne peut pas être au compte de mon parti, le CDP », a-t-il soutenu. Il va plus loin en affirmant que contrairement à ce qui se dit, le CDP a au cours des évènements du 16 septembre 2015 et jours suivants, condamné le coup d’Etat perpétré contre les autorités de la Transition. « Il n’y a aucune réunion qui a été faite quand j’étais à l’extérieur pour condamner le coup d’Etat. C’est le camarade Moïse Traoré qui a pris la parole. Quand je suis rentré, c’est le point qui m’a été fait », a-t-il souligné.
Si l’accusé Salifou Sawadogo avait accueilli le témoignage de son camarade politique Moïse Nignan Traoré à la barre comme du pain béni, celui du président de son parti vient une fois de plus faire basculer la balance. Avant que le témoin n’affronte les questions de la partie civile et de la défense, l’audience a été suspendue sur le coup de douze heures. Elle reprendra demain matin à 9h, toujours au tribunal militaire délocalisé à la salle des banquets de Ouaga 2000 pour la circonstance.
Candys Solange Pilabré/ Yaro