Le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication ont bouleversé et opéré de grands changements dans les habitudes des Burkinabè. En effet, une décennie plus tôt, les moyens de distraction de la population étaient entre autres la radio, les salles de ciné, le théâtre et bien d’autres. Mais, de nos jours, plusieurs de ces loisirs souffrent du désintérêt de la population au profit de nouveaux loisirs. Malgré tout, certaines distractions à l’instar du théâtre continuent leur petit bon homme de chemin, même si celui-ci est truffé d’épines.
Au Burkina Faso, le théâtre associe l’expression théâtrale traditionnelle aux influences coloniales et aux efforts postcoloniaux pour inciter la production d’un théâtre national authentiquement burkinabè, inspiré par le théâtre de rue et destiné à instruire de façon ludique les populations.Toutefois, il est confronté à bon nombre de difficultés qui entravent son épanouissement, notamment le manque de moyens et celui d’espaces de travail et de recherches. Or, pour que le théâtre puisse répandre ses tentacules et influer sur la société, il lui faut un public et une politique culturelle. Pour ce faire, il est indispensable que les décideurs politiques prennent conscience de l’importance du théâtre dans la vie d’une société et mettent les moyens à la disposition des acteurs du théâtre afin de leur permettre de créer des œuvres attractives tirées du vécu des populations.
C’est un secret de Polichinelle, il n’y a pas de théâtre sans public et sans espaces de représentations régulières. Même si l’espace de création offert est important, il faut aussi pouvoir montrer un spectacle, partir en tournée, bref, le diffuser. Pour l’homme des planches, Martin ZONGO, Administrateur du Carrefour International de Théâtre de Ouagadougou, (CITO), le principal défi aujourd’hui du théâtre burkinabè est celui des infrastructures qui se pose avec acuité et qui est indispensable pour une meilleure explosion des arts de la scène, en général. « Il faut l’érection des salles polyvalentes, conçues pour pouvoir abriter les activités artistiques, c’est ce que nous conseillons fortement à nos autorités, au gouvernement», insiste-t-il.
« Il faut infrastructurer nos cultures. Des cultures qui ne sont pas infrastructurées, c’est comme du vent qui passe », martelait déjà à une époque le Professeur Joseph KI-ZERBO. Pour l’Administrateur du CITO, il y a plusieurs disciplines artistiques qui peuvent être confinées au théâtre, tels le conte, le slam, l’humour, le théâtre des marionnettes. Il est difficile de trouver des infrastructures qui correspondent vraiment comme il faut à l’expression de toutes ces disciplines artistiques. « Le CENASA, le palais de culture Jean-Pierre GUINGANE, même l’immense maison de la culture de Bobo-Dioulasso par exemple ne se prêtent pas au théâtre », déplore-t-il.
En outre, à l’instar des autres domaines, les acteurs du théâtre burkinabè doivent travailler en synergie afin de parler à chaque fois non seulement le même langage, mais aussi d’une seule et même voix. Pour ce faire, Martin ZONGO estime qu’il faut un renforcement de l’organisation et de la structuration des filières culturelles. Cela implique donc que le monde de la culture se réorganise pour représenter une force de propositions et un partenaire devant les décideurs qu’ils soient internes ou externes.
A cela, s’ajoutent les difficultés d’accès au financement qui ne permettent pas toujours aux acteurs du monde du théâtre de déployer pleinement leurs génies pour le plaisir, l’éducation et la sensibilisation des populations .
Malgré toutes ces difficultés qui peuvent tirer le théâtre burkinabè vers le bas, les acteurs de cet art arrivent tout de même à se sortir de la mêlée et à produire des pièces de bonnes factures, inspirées et peignant la réalité, le quotidien et le vécu des populations. Toute chose qui montre que le théâtre burkinabè dans l’ensemble malgré « la fièvre », se porte bien. « Ce n’est pas parce qu'il y a des difficultés que l’on se porte forcément mal, encore moins que l’on est moribond ou comateux », explique Martin ZONGO.
Pour lui, à l’instar du CITO, il y a quelques structures qui contre vents et marrées, tirent leurs marrons du feu. « Nous pouvons citer entre autres l’Atelier Théâtre Burkinabè (ATB) de Prosper KOMPAORE qui vient de célébrer ses quarante ans d’existence, et continue de tracer la voie, une voie royale d’ailleurs. Il y a également l’espace culturel GAMBIDI etc. », égraine-t-il.
Même s’il peut sembler à bien des égards et de néophytes que le théâtre burkinabè, n’est toujours pas celui des grandes scènes, on peut soutenir au regard de la qualité des pièces qu’il est sur le piédestal et a encore beaucoup a montrer et à prouver au monde. « Pour ceux qui ne sont pas aux cœurs de notre métier et qui observent de loin, ils ne sentent pas beaucoup les choses. Maisnous qui sommes dans le feu de l’action, nous pouvons affirmer pour rassurer les uns et les autres que ça va plutôt bien dans le monde du théâtre au Burkina Faso » rassure l’Administrateur du CITO.
Edwige SANOU
Alexiane YAMEOGO