Le talent et les dons innés n'ont pas besoin d'attendre les années de maturité pour s'exprimer. Passionné des lettres et des arts, Pazouknam Jean-Baptiste OUEDRAOGO a bravé tant de défis afin de vivre sa passion dans toute sa plénitude. Du haut de ses trente-trois ans, il a su par la force de son travail, écrire en lettre d’or, son nom dans l’univers du cinéma burkinabè et même mondial. Aujourd’hui, le Cid de corneille se confirme avec lui : « aux âmes bien nées la valeur n'attend point le nombre des années ». Passionné, il se construit une carrière internationale tout en restant dans l’esprit de l’apprentissage et de se nourrir de l’expérience des autres. Avec ses films, il a maintes fois porté haut le flambeau du Burkina hors de nos frontières. Son premier projet de long métrage est retenu à Ouaga Film LAB.
Aujourd’hui, il est difficile de parler du cinéma burkinabè, sans citer le nom de ce jeune prodige. Pazouknam Jean-Baptiste OUEDRAOGO, de par la profondeur de ces textes et la maîtrise de la caméra, force le respect. Pourtant, malgré son amour pour les lettres et l’art, il n’avait jamais pensé être un jour cinéaste. Il se voyait plutôt dans l’univers de la communication. Ainsi, après l’obtention de son baccalauréat et du test de communication/journalisme de l’université de Ouagadougou, il commença les « études de son cœur » avec une spécialisation en communication pour le développement. Dans l’optique d’être un bon communicateur social, il se présenta au test de l’Institut supérieur de l’image et du son (ISIS), lorsqu’il était en 2e année, et il fut retenu. Pour lui, c’était le chemin royal pour acquérir des outils pour savoir utiliser les TIC afin d’impacter ses cibles. Mais, ses encadreurs et enseignants étaient sceptiques quant à son succès. Pour eux, il n’allait pas pouvoir tenir simultanément dans deux écoles professionnelles. Seulement, Pazouknam qui adore les défis a su faire mentir les gens, car rien n’a pu assombrir ses études. Au bout, le cinéma qui devait appuyer la communication a transcendé sa carrière de communicateur pour faire de lui un cinéaste.
Pazouknam qui signifie littéralement en mooré « il n’a pas volé le pouvoir », lui colle à la peau. En effet, son succès, il ne l’a pas volé. Il n’est que le fruit de son travail acharné empreint de rigueur et la matérialisation de son amour pour la culture, la recherche, la photographie et l’art. Au FESPACO 2013, alors qu’il était en train d’achever ses études dans le cinéma, il reçu le prix du meilleur film d’école avec son court-métrage « Une Partie de nous ». L’étudiant voit aussi son film « CON FESS » tourner dans plusieurs festivals internationaux. C’est le début de la reconnaissance pour cet amoureux du 7e art. Il a représenté le Burkina Faso avec ses films à des festivals. Ainsi, FESTIMAJ, POITIERS FILM FESTIVAL, FESTIVAL D’ANGOULEME, TROPHEES FRANCOPHONES, FICMEC, FESTICAB, TOKYO AFRICAN FILM, ont accueilli le jeune artiste burkinabè. Le scénario de son dernier film « Silence du jour » est déjà adapté en roman.
Très attaché aux valeurs culturelles africaines, toutes ses œuvres sont empreintes d’un style africain mêlant poésie, rythmique africaine, le tout s’inspirant des structures des contes africains. Panafricaniste, les œuvres de Jean-Baptiste défendent la cause de l’Afrique à travers sa culture. Il est également un grand défenseur des droits de la femme et de l’enfant d’où l’enfant constitue son sujet principal dans sa vie de photographe. C’est ce qui fait donc la marque de fabrique de Pazouknam et aiguille son originalité et sa particularité. Cette marque de fabrique fait porter à ses frêles et jeunes épaules des prix et des reconnaissances qui font sa renommée.
Pazouknam Jean-Baptiste OUEDRAOGO
Toutefois, le vent en poupe dont il est l’objet actuellement ne lui monte pas à la tête. Il a conscience qu’il n’est qu’au début de sa carrière et que ses récompenses l’appellent à davantage d’abnégation au travail afin de pouvoir vendre le cinéma burkinabè hors des frontières. « Je suis dans une continuité, dans la première phase d’un plan de carrière que je construis moi-même sur près de 10 ans et il me reste environ 5 ans. Je ne suis pas pressé », explique t-il.
Aussi, s’il est aujourd’hui sur le piédestal, il le doit en partie à ses « pères du cinéma » qui ont su le manager et lui ont permis de tracer les sillons de son avenir cinématographique. « J’ai beaucoup bénéficié du soutien du feu Idrissa OUEDRAOGO. Quand j’étais à l’école et avant même qu’il nous quitte, il avait pris mon projet actuel à bras le corps. Il m’avait trouvé des personnes ressources pour les recherches. Gaston KABORE, lui, il m’a permis de faire beaucoup de formation à l’institut Imagine et de participer à plusieurs projets. Il a été mon enseignant en scénario de ma 3e année jusqu’au master. D’autres ainés comme Emmanuel SANON, Guy Désiré YAMEOGO et bien d’autres m’ont aussi beaucoup soutenu dans ma carrière », souligne t-il. Des jeunes comme Hubert Nassigui COMPAORE et bien d’autres l’accompagnent aussi. Mais, il regrette que la vieille génération ne fasse pas toujours confiance à la génération montante. « Les anciens n’ont pas trop confiance en nous les jeunes. Ils se disent qu’on est fougueux et qu’on n’a pas la tête sur les épaules. Pourtant, ce qui est un peu bizarre, c’est que nous les jeunes on arrive à défendre le pays à des instances internationales, où nous constituons une force de proposition et d’innovation. Par exemple j’ai participé comme expert à la réunion des experts de l’UEMOA sur le cinéma où j’ai représenté le Burkina. Humblement, cela veut dire quand même que les jeunes ont le potentiel pour discuter de certaines choses et pour être une force de changement », note-t-il.
Pazouknam qui a beaucoup bénéficié de ses devanciers veut en faire de même pour ces cadets. Ainsi, actuellement, il est plus investi dans l’écriture et l’accompagnement des projets. Faiseur de rêves grâce à Dream Makers/Graphic studios SARL, une entreprise de production audiovisuelle et de musique qu’il a créée avec d’anciens étudiants de l’ISIS, ce jeune donne la chance à d’autres jeunes comme lui, de mieux arpenter le chemin du cinéma. « Je me suis rendu compte que les ainés n’avaient pas la même vision que nous et en plus, ils n’ont plus assez de temps pour prendre un jeune, le considérer comme un projet et s’investir pour lui, l’accompagner à se dévoiler sur le plan artistique le suivre sur 10 à 15 ans jusqu’à sa réalisation. Il n’ya pas de plan de carrière pour les jeunes. Comme je suis jeune, je me suis dit que comme j’ai déjà fait mes premiers pas et que je suis déjà connu, je peux aider d’autres jeunes pour qu’ils soient eux aussi à leur tour sur la scène comme moi. C’est pourquoi, j’ai commencé à bosser comme producteur, à choisir des projets de jeunes et à les accompagner jusqu’à la production, la réalisation et l’accompagnement à travers les festivals », explique-t-il. Près d’une centaine de jeunes sont déjà passés entre les mains du jeune Pazouknam. Il collabore aussi avec plusieurs maisons de productions internationales et locales.
Avec juste une trentaine d'années, il est aujourd’hui le secrétaire général de l’Association des réalisateurs du Burkina. Même si à la prochaine grand-messe du cinéma burkinabè et africain, il ne présente pas de film, il a tout de même des idées pour innover et revaloriser le FESPACO. « J’ai un projet de hub que je veux présenter au comité d’organisation du FESPACO. Ce n’est pas un hub créatif, mais un espace de rencontres pour que tous les cinéastes puissent rencontrer d’autres partenaires africains et étrangers. Le cinéma est un monde de contacts et les jeunes doivent avoir les meilleurs contacts pour la visibilité de leurs projets. Il y aura de grands producteurs, de grands diffuseurs et autres marqueteurs. Ce sera l’occasion parfaite de batailler pour que le cinéma africain reconquière sa place au concert du cinéma des nations », explique-t-il.
Le défi du jeune Pazouknam aujourd’hui, c’est de travailler à faire du cinéma burkinabè une véritable industrie et de mettre un accent particulier sur la formation des jeunes. Il rêve de voir un jour le cinéma burkinabè devenir une véritable machine qui puisse permettre à tous les acteurs et à tous les composants d’en vivre décemment.
Candys Solange PILABRE/ YARO