Il est l’une des figures les plus populaires du théâtre, voire du cinéma burkinabè. Hippolyte Ouangrawa, plus connu sous le sobriquet M'ba Bouanga, a une carrière de comédien vieille d’une quarantaine d’années qui s’est bonifiée au fil du temps. Au-delà du rôle d’acteur, il a développé plusieurs activités liées à sa profession. Radars Info Burkina est allé à la rencontre de l’homme de culture.
C’est un acteur qui s’est rendu célèbre par sa capacité à incarner le rôle de paysan et de citoyen lambda des quartiers populaires. Un rôle qu’il joue avec une habileté qui s’accompagne d’un style vestimentaire reflétant le terroir, cela appuyé par une maîtrise du mooré, sa langue maternelle. C’est un «jeune», nous dira même un de ses proches.
Un talent qui lui a valu plusieurs distinctions dans son pays et ailleurs et qui suscite l’admiration des jeunes acteurs qui voient en lui un modèle de réussite. Derrière ses scènes qui arrachent le sourire à plus d’un téléspectateur lors des séquences où il apparaît se cachent en réalité de longues années d’expérience qui ont bonifié son jeu d’acteur.
A l’origine, Hippolyte Ouangrawa est un autodidacte et c’est à l’église qu’il a fait ses premiers pas dans le théâtre en 1974, comme lui-même nous l’a confié : « Je n’ai aucun diplôme. Au début, on faisait le théâtre devant l’église pour mieux véhiculer le message de la Bible. On imitait Jésus et d’autres personnages bibliques afin de faciliter la compréhension de la parole de Dieu aux fidèles. Et ils appréciaient nos sketchs, car c’était mieux que le simple parler. »
Après quelques années de prestations dans des espaces restreints, notamment les lieux de culte, Hippolyte Ouangrawa entre véritablement dans l’univers du théâtre en 1978 « C’est avec Prosper Kompaoré que je suis entré à l’Atelier théâtre burkinabè (ATB) en 1978. Et mon premier film a été produit par Gaston Kaboré», a-t-il affirmé.
Plus de 40 ans après, l’acteur a derrière lui une longue carrière marquée par plusieurs films dans lesquels il a joué. L'un des plus connus est « Vis-à-vis », une série télévisuelle satirique qui sensibilisait aussi bien les gouvernants que le citoyen lambda. « La série Vis-à-vis était une contribution de tous les acteurs pour une société plus équilibrée. C’est un film qui s’inspirait réellement des faits de notre société. Nous avions cru que plus tard nous aurions un meilleur traitement mais rien n’a changé alors que nous avions des familles à prendre en charge ».
Le Burkina Faso est la capitale du cinéma mais il ne dispose pas de chaîne de télévision spécifique pour donner de la visibilité aux productions des cinéastes. Un fait que l’acteur déplore.
« Le Burkina Faso est l’un des premiers pays de la sous-région à avoir eu une chaîne de télévision. En matière de cinéma, nous sommes également les premiers à avoir réussi l’organisation d’un grand festival comme le FESPACO. Des fils du pays se sont battus pour que le cinéma décolle. Malheureusement jusqu’à présent, nous n’avons pas de chaîne de télévision dédiée à la diffusion de nos productions », regrette M'ba Bouanga.
Il ne manque pas non plus de donner son appréciation de la jeune génération d’acteurs. «La plupart sont pressés d’être stars. Ils ne sont pas patients. Ils courent tellement vite qu’ils finissent par dépasser le lièvre. Pourtant la base, c’est la formation.»
Hippolyte Ouangrawa, en plus d’être un acteur, se consacre également à la formation des jeunes. En 2000, il a ainsi créé un centre de formation. « C’est un centre que j’ai lancé sur fonds propres pour former et accompagner ceux qui veulent faire du théâtre. Nous y avons formé plusieurs groupes et jeunes », affirme-t-il.
A présent, il s’est lancé dans un gigantesque projet de trois milliards de francs CFA en matière de production cinématographique : « Je suis en train de lancer « Laadowood » comme Nollywood au Nigeria ou Bollywood en Inde. C’est un projet de plus de trois milliards de francs CFA. On y trouvera des sites et du matériel adapté de tournage, des studios de production… En gros, ce sera un village complet de production cinématographique pour le futur que je compte réaliser avec le soutien de nombreuses bonnes volontés. On m’a même déjà fait don d’un terrain de 5 hectares sur lequel les travaux ont commencé. J’entends réussir ce projet avec le soutien de tous.»
Au quotidien, des hommes et des femmes, à l’image d’Hippolyte Ouangrawa, s’investissent pour le développement du Burkina Faso. Un travail qu’ils abattent dans l’anonymat sans forcément attendre un quelconque apport des décideurs publics. Et certains aboutissent à des résultats qui contribuent au rayonnement de la nation.
Péma Néya