Après le clap de lancement, les projections des films ont démarré dans les salles de cinés de Ouagadougou. Parmi ces films projetés, certains sont en compétition pour l’Etalon d’or du Yennenga. Dans la matinée de ce mardi 26 février 2019, la presse nationale et celle internationale ont découvert au ciné Neerwaya le film « Desrance » de la réalisatrice burkinabè Apolline Traoré, en lice pour l’Etalon d’or. Ce film a ému plus d’un cinéphile.
Abordant plusieurs thèmes tels le vivre-ensemble entre différents peuples ou différentes nationalités en période de crise, les stéréotypes autour du rôle de la femme dans la société , « Desrance » dépeint la culture du peuple africain et de sa considération traditionnelle selon laquelle la femme ne peut être considérée comme une héritière.
Dans cette œuvre filmique d’Apolline Traoré, l’acteur principal, Francis, a quitté Haïti suite au décès de ses parents, massacrés par des soldats du régime dictatorial en place. Installé à Abidjan avec sa femme ivoirienne, Aïssey, et sa fille Haïla, 12 ans, il attend avec impatience la naissance d’un héritier. Alors qu’Aïssey est sur le point d’accoucher, une guerre civile éclate à Abidjan suite à la proclamation des résultats d’une élection présidentielle. Il n’aura pas cette chance de voir la naissance de son héritier tant attendu, car sur la table d’accouchement, sa mère et lui y sont restés. Après ce choc, Francis découvrira donc le courage insoupçonné de sa fille et comprendra qu’elle est la digne héritière de son illustre ancêtre. Sa fille Haïla, dans son jeu d’acteur, a fait preuve d’ingéniosité, de courage et de bravoure. Avec ces qualités, elle a pu sauver plusieurs fois son père de la mort.
Pour l’acteur principal, Francis, les différents thèmes abordés dans ce film sont de nature à montrer le vécu quotidien de l’Afrique et véhiculent plusieurs messages pour donner une autre vision de l’Afrique au monde. Selon lui, ce film a consisté à « mettre le doigt sur quelques éléments très importants. Il s’est agi de mettre la lumière sur une gamine qui a assez de force et qui peut être mieux que le gamin ou l’équivalent au moins ; malheureusement cette société ignore cette réalité. Je pense que c’est le message qui ressort le plus mais en plus il est évoqué une kyrielle de problèmes qu’il y a aussi bien en Côte d’Ivoire que dans d’autres pays africains ».
Pour une des cinéphiles, Oumou Pascale Ouédraogo, étudiante en année de licence en communication à l’Université catholique de l’Afrique de l’Ouest (UCAO) Côte d’Ivoire, la petite Haïla dans ce film a bien incarné son rôle. « L’actrice Haïla a très bien joué son rôle. Je la félicite et l’encourage, car elle est vraiment une relève sûre pour le cinéma africain », félicite-t-elle, avant de s’émouvoir : « Elle m’a fait pleurer. J’ai vraiment beaucoup aimé son rôle ».
Pour la sœur Joséphine Gouba de la congrégation des sœurs de l’Immaculée conception de Ouagadougou et par ailleurs étudiante en deuxième année de communication à Abidjan, « le film est très émouvant, je loue la bravoure de Francis et celle de Haïla surtout. Ce que m’a beaucoup marquée, c’est le fait qu’elle ait dit à son père que certes elle est une fille, mais qu’il ne serait pas déçu d’elle car elle peut pleinement remplir le rôle d’un garçon».
De l’avis de certains avertis du domaine comme Jean Pierre Ilboudo, homme de culture burkinabè et représentant de l’UNESCO en République démocratique du Congo, ce film est de bonne facture : « D’abord le scénario est très bien maîtrisé, car l’histoire est bien racontée, d’un point de vue de la photographie on sent que le cameraman et le directeur de la photo sont des grands professionnels. Je peux dire aussi que les séquences dans un plan sont rapides, elles tournent autour de 10 à 20 secondes. Cela crée ce que l’on appelle une dynamique et c’est extraordinaire car vous êtes assis et la fin du film vous surprend. Je pense que c’est un excellent film et Apolline Traoré mérite des félicitations pour son chef-d’œuvre ».
Pour un film en compétition au FESPACO, « Desrance » d’Apolline Traoré en est un, car le scénario allie panafricanisme et bravoure d’une femme comme celle de la princesse Yennenga. Bonne chance à la réalisatrice et que le meilleur gagne !
Saâhar-Iyaon Christian Somé Békuoné