dimanche 24 novembre 2024

Droits de retransmission de la CAN : quand les Africains ont de la peine à suivre les matchs sur les chaînes nationales

caf uneDepuis le 21 juin 2019, les villes africaines vibrent au rythme des compétitions de la 32e Coupe d’Afrique des Nations de football (CAN). Pour diffuser les matchs en direct, les télévisions doivent s’acquitter des droits de retransmission auprès des sociétés étrangères. Mais la somme à débourser n’est pas à la portée de toutes les chaînes de télévision. Au Burkina Faso, seule la télévision publique nationale diffuse les matchs de la CAN 2019 sur la Télévision numérique terrestre (TNT). Par conséquent, les gens qui suivent cette chaîne à travers le bouquet Canal + n’ont pas accès aux matchs pendant les heures de compétition. Certains téléspectateurs ont désinstallé leur antenne parabolique Canal +. Nous avons rencontré des journalistes sportifs, des patrons de chaînes privées et acteurs de la société civile pour savoir leur lecture de cette dépendance des droits de diffusion vis-à-vis de l’extérieur.

Pour la première fois de son histoire, la CAN se joue  en Egypte à 24 équipes. Les Africains seront bien servis devant leur écran de télévision, du 21 juin au 19 juillet. Mais la question qui demeure est l’acquisition des droits de retransmission des matchs par les chaînes de télévision africaines. A l'approche de chaque édition du grand rendez-vous du football africain, les passionnés du sport se demandent s’ils pourront suivre les matchs.  En effet, les coûts des droits de retransmission ne sont pas accessibles à tous, si bien qu’au Burkina Faso la télévision nationale est l’unique chaîne qui diffuse les matchs par voie terrestre. Depuis le début de la compétition, il est donné de constater que les téléspectateurs de la chaîne publique nationale ne parviennent pas à suivre les compétitions à travers le bouquet Canal +. Par conséquent, certains amoureux du ballon rond, mécontents, ont lancé sur les réseaux sociaux une campagne invitant à la  désinstallation de l’antenne Canal +.

caf 2Germain KO, fan de football, l’a déjà fait. « C’est un ras-le-bol qui m’a poussé à désinstaller mon antenne parabolique Canal+. En effet, j’en ai assez des comportements trop mercantiles et peu respectueux de cette société vis-à-vis du consommateur que je suis. Figurez-vous que depuis que la CAN a commencé, toutes les chaînes africaines qui diffusent les matchs sont automatiquement cryptées dès le début des rencontres, et ce jusqu’à ce que le match finisse. Cela est inacceptable parce que quand je prenais mon abonnement, la société ne m’a pas signifié que certaines chaînes seront cryptées dès qu’il y a match de football», s’indigne Germain Ko.

Pour Serge Bayala, activiste, président du  mouvement « 2 heures pour nous, 2 heures pour Kamita», cette situation de dépendance des sociétés étrangères est déplorable. « C'est un constat fortement regrettable parce qu’on est  à la 32e CAN. On peut admettre qu’à la première on n’avait pas encore l'équipement, la ressource humaine, on peut tolérer la dixième parce qu’on  n’est pas encore capable de le faire. Mais la 32e c'est plus d'un quart de siècle, c'est  fort regrettable que l'Afrique attende que son image, l'image de ses joueurs, de ses terrains, de son propre événement viennent encore d'Europe et lui soient servies comme il y a 50 ans, 58  ans. A l'heure où la technologie sonne à la porte de tous les peuples et de toutes les nations, est-ce que ce n’est pas un aveu d'impuissance ou un manque de vision ou  par mépris pour l'image que nous voulons avoir de nous-mêmes ? Ce n’est pas un déficit de compétences nationales qui fait que nous sommes obligés de maintenir ce schéma de la honte. C'est tout simplement parce que les autorités politiques n'ont pas encore compris la portée de nos images, n'ont pas compris le sens que véhicule l'image ni l'importance du contrôle de son image », regrette Serge Bayala.

Si tel est l’avis de l’activiste, nous avons rencontré un journaliste sportif pour comprendre davantage cette situation de coûts élevés et de dépendance de l’extérieur pour la diffusion de la CAN. «Nous dépendons  de l'extérieur pour la diffusion parce que le plus souvent, les droits de retransmission appartiennent  à des entreprises étrangères. Depuis quelques années, les prix des droits de retransmission ont considérablement augmenté. Ce n'est pas une entreprise africaine qui a les droits ; pour la CAN, les droits appartiennent à Lagardère qui est une entreprise suisse. La Confédération africaine de football (CAF) vend les droits très cher et les diffuseurs à leur tour les revendent encore plus cher», explique John-William Somda, journaliste sportif.

caf 3Pour que beaucoup de chaînes, surtout privées, puissent pouvoir s’acquitter des droits de retransmission de la CAN aux prochaines éditions, la négociation avec la CAF demeure la seule alternative.

«Si un jour une entreprise africaine a la capacité de concurrencer Lagardère, on pourrait peut-être dire qu'il faut diminuer les prix des droits.  Mais aujourd'hui, vu le montant que Lagardère débourse, une entreprise africaine qui va payer plus que cette société ne va pas diminuer les prix, sauf si c'est une entreprise philanthropique. Je pense qu'il faut que les chaînes africaines en groupe essaient de faire une contre-proposition à la CAF. De toute façon, ce n’est pas la CAF qui fixe les droits, mais la société qui a payé pour  l’exclusivité. Donc il faut  aller en groupe négocier avec ce  diffuseur sur l’accessibilité des coûts», suggère John-William Somda.

Quant à Yirmalé Fréderic Somé, directeur général de chaîne privée 3TV, il souligne que les droits de diffusion sont encadrés par des réglementations internationales  que les chaînes sont obligées de respecter. « C’est la réglementation internationale. Nous sommes obligés de la respecter. Mais nous pouvons peut-être mener un combat pour la réduction du tarif en faveur des médias privés », affirme-t-il.

En rappel, Lagardère sports est une société spécialisée dans la gestion des droits marketing et audiovisuels sportifs. En vertu d'un accord conclu entre Lagardère sports et la CAF en juin 2015, l'exclusivité des droits de retransmission au profit de Lagardère a été prolongée jusqu'en 2028.

Pour une chaîne voulant diffuser la CAN, le tarif s’élève à 1,5 million d’euros, soit environ 975 millions de francs CFA.

Aly Tinto (Stagiaire)

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