Naïm TOURE, activiste a été interpellé dans l’après-midi du 14 juin dernier et conduit à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou. Il est poursuivi par le procureur du Faso, notamment pour son écrit publié le 13 juin dernier sur facebook, critiquant la lenteur administratives des autorités quant à l’évacuation du Mdl Henri TRAORE, blessé à l’épaule gauche le 22 mai dernier lors du démantèlement des réseaux terroristes à Rayongo. Pour le ministère public, son écrit contient des éléments tendant à démoraliser la troupe et à appeler à la violence. Ce mercredi 27 juin 2018, il était à la barre pour répondre des faits qui lui sont reprochés.
Entreprise de démoralisation des forces armées nationales, proposition non agrée de former un complot contre la sûreté de l’Etat, incitation de trouble à l’ordre public, voilà les trois chefs d’accusation en l’encontre de Naïm Touré, activiste. Des accusations que le prévenu n’a pas reconnues à la barre ce mercredi 27 juin 2018. Et pour sa défense, c’est une batterie d’avocats qui s’est constituée, car pour eux, il ne s’agit pas d’un procès contre Naïm TOURE, mais un procès contre la liberté d’expression. Il s’agit de Me Prosper Farama, de Me Yelkouni Olivier, de Me Silvère kiemtaremboubou, de Me Stéphane OUEDRAOGO, de Me Ambroise Farama, de Me Benao Batibié, de Me Yoni Amado, de Me Minoungou Hermann et de Me LOURE Fidèle.
Tout est parti de la publication qu’il a faite sur les réseaux sociaux, notamment sur facebook, le 13 juin dernier, où en s’appuyant sur un article du quotidien d’Etat Sidwaya, Naïm TOURE dénonçait avec véhémence le fait que près d’un mois après avoir été blessé au front, le Mdl Henri TRAORE soit toujours en attente d’évacuation, pourtant sa santé se dégradait de jour en jour.
Si pour Naïm, son post n’avait pour objectif que d’informer l’opinion publique et de critiquer l’attitude des autorités face à cette lenteur administrative, pour le ministère public, il en est tout autrement. En effet, pour le procureur, Naïm à travers cette publication avait des desseins inavoués, notamment susciter la rébellion au sein des forces armées nationales, démoraliser la troupe et attenter au pouvoir en place.
Mais pour le prévenu, c’est de bonne foi qu’il a fait cette publication afin d’inviter la grande muette à s’exprimer sur ce qui ne va pas dans son corps pour éviter l’accumulation des problèmes. Et pour lui, le Conseil national de la défense est un des cadres par exemple où les forces de défense et de sécurité doivent utiliser pour exposer très souvent leurs préoccupations. C’est pourquoi , il les a appelé à « stopper l’hémorragie ». Et à la question de savoir comment stopper cette hémorragie, l’activiste dit faire référence aux élections de 2020.
« S’ils (les gendarmes) sont bien formés, ce n’est pas un activiste comme Naïm TOURE qui va les démoraliser », a-t-il martelé au procureur qui tentait de démontrer que ce post créait un équivoque et appelait implicitement à une insurrection ou à un putsch. Ce que réfutent les avocats de la défense qui estiment que leur client est poursuivi et accusé sur la base de sous-entendus. Ce qui pour eux n’est acceptable en droit pénal où la loi est d’interprétation stricte.
En effet, pour la défense, « le procureur à penser ce qu’il voulait penser », car nulle part dans son post, Naïm n’a utilisé le mot putsch, violence, rébellion ou insurrection. « C’est juste un Naïm TOURE qui s’indigne », ont-ils expliqué. Pour la défense donc, « Naïm a mis les doigts sur des plaies de notre pays, même s’il n’a peut-être pas mis de gants ». C’est pourquoi, pour Me Prosper FARAMA et ses pairs, ce procès sonne comme une négation à la parole citoyenne. Pour eux, Naïm TOURE est le « Mamadou GASSAMA » du Burkina, car il a contribué à sauver une vie à travers son post.
En outre, pour les avocats de la défense, juridiquement ce dossier est vide, car les articles 106, 108, 109, 111 et 128 sur lesquels se base le ministère public pour poursuivre l’activiste se prêtent mal dans ce dossier. En plus, au Burkina Faso, il n’y a pour le moment pas de dispositions juridiques qui règlementent la notion de « lanceur d’alerte » et de « cyber activiste ». Une situation qui a amené Me BADO a qualifié ses poursuites de « bable-yaaré », car contrairement à ce qu’il laisse croire, le procureur n’a pas d’éléments de représailles en l’encontre de l’activiste. Pour lui donc « on ne peut pas rendre un jugement sur la base de frissons de la chaire » ; d’où le fait que dans cette affaire, le parquet selon lui s’est laissé emporter par l’émotion.
Quoi qu’il en soit le procureur dans ses réquisitions, a demandé au tribunal de condamner Naïm TOURE à une peine d’emprisonnement de douze (12) mois ferme.
Les juges après concertation ont décidé de rendre leur délibéré le mardi 03 juillet 2018.
Rappelons que déjà en 2017, Naïm TOURE à cause de ses publications était poursuivi pour injures et diffamation. Même si dans le fonds, le tribunal en son temps avait jugé qu’il n’y avait pas de diffamation, dans la forme, il avait été condamné à une amende de trois cent mille (300 000) francs CFA.
Candys Solange PILABRE/ YARO