Actuellement, le gouvernement est à couteau tiré avec la coordination des syndicats du ministère de l’économie, des finances et du développement qui réclame la satisfaction de sa plateforme revendicative, comportant sept points. Si au point de presse du gouvernement du mardi 05 juin 2018, les autorités ont affirmé que c’est seulement sur un point que le consensus n’est pas trouvé, la coordination, elle dit n’avoir eu de satisfaction sur aucune de ses revendications. Dans cette interview accordée à Radars Info Burkina, le secrétaire général du Syndicat national des agents du ministère de l’économie, des finances et du développement (SYNAFIED), Mohamed SAWADOGO, donne le son de cloche de la coordination par rapport à ce bras de fer qui perdure et qui handicape fortement l’économie nationale.
Radars Info Burkina : Au point de presse du gouvernement du 05 juin 2018, le gouvernement a noté que concernant la plateforme revendicative de la coordination des syndicats du ministère de l’économie et des finances, sur sept points de revendication, le gouvernement a réussi à plus ou moins s’accorder avec la coordination sur cinq points. Est-ce que vous reconnaissez cela ?
Mohamed SAWADOGO : Nous nous portons en faux par rapport à ce que le gouvernement est en train de faire comme campagne mensongère. C’est une campagne mensongère que le gouvernement est en train de mener actuellement contre les agents du ministère de l’économie, des finances et du développement. On les prend au mot. Ils ont dit qu’il y a cinq points sur lesquels où nous sommes en train d’aller vers un accord. Cela veut dire que pour le moment, il n’y a pas d’accord. C’est du français qui est bien parlé et ce qu’il a dit ne souffre pas de débat. A ce jour, aucun point ne peut être considéré comme un point d’accord. C’est depuis plus d’un mois que le gouvernement est en train de faire cette communication pour faire croire à l’opinion qu’il y a cinq points d’accord. Repartez voir les comptes rendus des Conseil des ministres. A chaque fois, il ressort qu’il y a cinq points sur lesquels le gouvernement et la coordination se sont accordés. Depuis un mois et demi jusqu’à nos jours, toujours la même chanson. Il n’ ya un accord tacite entre les deux parties. Pourtant, l’administration ce sont des écrits. Les hommes sont passagers donc il faut des écrits pour pouvoir acter la bonne foi, le sérieux et la responsabilité de chacun. S’il n’y a pas d’écrit, il faut accepter avec nous qu’il n’y a pas d’accord, d’autant plus que nous ne pouvons pas organiser une conférence de presse pour dire que nous avons eu cinq points d’accord. Et si après, le gouvernement revient dire que sur ces points, il n’y a jamais eu de consensus, qu’est ce que nous on peut dire ? Les paroles en l’air, nous, nous ne sommes pas dans cette optique.
Mohamed SAWADOGO, secrétaire général du Syndicat national des agents du ministère de l’économie, des finances et du développement (SYNAFIED)
RIB : Mais à en croire le gouvernement, le point sur lequel il n’arrive pas à s’accorder avec la coordination, c’est la question du statut sécurisant. Qu’en est-il exactement concernant ce point « sensible » et qu’implique ce point ?
MS : Nous nous sommes accordés sur aucun point. Par rapport au statut sécurisant, il concerne essentiellement les avantages que nous avons de par et d’autres au niveau des différents régies. Actuellement, il ya un arrêté qui encadre cela. Pourtant, nous sommes des financiers et cela implique que cet aspect soit encadré par des textes de haute portée, c'est-à-dire un décret signé par le président du Faso, ou une loi qui sera entérinée à l’Assemblée nationale pour pouvoir nous sécuriser davantage. Au niveau du statut sécurisant et des différents avantages dont on a acquis, on voit que chaque matin, chacun se lève, sans même connaître ce que c’est que le fonds commun, primes de rendement et autres, il demande sa suppression. Ce sont des avantages que l’on a et qui sont clairement consacrés par les directives de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) qui stipulent qu’il faut donner des avantages particuliers aux agents des finances. En plus de cela, le Code de transparence dit qu’il faut mettre à l’abri du besoin les agents qui recouvrent les recettes et qui font les dépenses de l’Etat. Le texte anti-corruption adopté au niveau du Réseau national de lutte contre la corruption (REN-LAC), adopté en 2015, abonde aussi dans ce sens. Tout administrateur de service financier, inspecteur des impôts, inspecteur du trésor ou inspecteur des douanes, avant sa prise de service a obligation de déclarer ses biens, car c’est un domaine sensible où du jour au lendemain on peut passer de 5 francs CFA à dix milliards de francs CFA. Cela on peut le faire. Mais pour des convictions personnelles et des questions d’autopsie financière, nous avons demandé qu’on puisse donner les moyens aux financiers d’être à l’abri du besoin, car à chaque fois, ils sont en contact avec l’argent, soit pour percevoir les impôts ou faire les engagements des fournisseurs lorsqu’ils gagnent un marché public et ce sont eux qui montrent les indicateurs de croissance du pays. Cette déclaration des biens avant la prise de fonction implique qu’on est comme des membres du gouvernement. Aussi, nous sommes assimilables aux banquiers de la fonction de la fonction publique. Ce qui veut dire que le fonds commun n’est pas quelque chose qui est tombée comme cela. Actuellement, le fonds commun du Mali dépasse nettement celui du Burkina Faso, idem pour le Sénégal. C’est pour dire que sur le plan international, tous les financiers perçoivent ces différents avantages.
RIB : En clair, le SYNAFIED n’est pas prêt à renoncer au fonds commun lors de la grande conférence sur les conditions de rémunération des agents de l’Etat qui aura lieu du 12 au 14 juin prochain ?
MS : Naturellement, ce point ne peut pas être touché. Cette conférence concerne les salaires et les indemnités et le fonds commun n’est ni un salaire, ni une indemnité. C’est un avantage particulier
RIB : Ce que recherche le gouvernement recherche à travers l’organisation de cette conférence, c’est le rétablissement de l’équité et de la justice dans le traitement salarial, car aujourd’hui, il y a des corps dont leurs indemnités dépassent de 150% leur salaire. Convenez-vous avec le gouvernement que cela n’est pas juste ?
MS : Madame le ministre ne connait même pas aujourd’hui le salaire d’un fonctionnaire de catégorie A au ministère de l’économie, des finances et du développement. Demandez-le-lui. Actuellement, nous avons les plus bas salaires de la fonction publique. Même les indemnités on n’en aucune en dehors de ce que nous confère la loi 081, qui est du reste la même chose que tout le monde. Par exemple, si on prend mon cas, j’ai un salaire de deux cent quarante mille (240 000) francs CFA en tant qu’administrateur des services financiers, de catégorie A, 3e échelon avec quatorze (14) ans de service. Ce que les gens ne comprennent pas, c’est qu’au niveau des finances, on n’a pas un salaire particulier. Si l’on peut nous donner des salaires particuliers qui sont considérables, on est prêt à faire fie des fonds communs et autres avantages. On n’est pas attaché aux fonds communs. Seulement, c’est un avantage qui a été acquis de hautes luttes. Ce sont des protocoles d’accord qui ont été signés, donc lorsqu’on dit qu’on va remettre en cause les fonds communs, c’est d’abord remettre en cause la parole du gouvernement. Ce sont des accords entre deux parties, donc on ne peut pas revenir aujourd’hui pour les remettre en cause. Quand les gens s’excitent par rapport à la question du montant, il faut qu’ils jouent balle à tard, car lorsqu’on veut comparer le fonds commun d’aujourd’hui, à celui d’il y a vingt (20) ans, il faut avoir aussi le courage de faire la comparaison entre le budget d’aujourd’hui et de celui d’il y a vingt (20) ans. Il y a vingt (20) ans de cela, le budget était peut être à 700 milliards. Aujourd’hui, il est de deux mille milliards. Ce sont les efforts des services de recouvrement, de dépenses qui font un travail considérable au niveau du contrôle financier et des marchés publics. C’est aussi ceux des services des douanes, du trésor et des impôts pour renflouer les caisses de l’Etat.
RIB : Le gouvernement compte mettre le point concernant le statut sécurisant sur la table des pourparlers de juin prochain. Est-ce que vous êtes d’avis avec cette décision du gouvernement ?
MS : Nous l’avons dit et répété, nous ne sommes pas partie prenante de cette conférence sur la rémunération des salaires des agents publics de l’Etat que compte tenir le gouvernement. Nous avons dit que ce n’est pas un cadre où nous, on peut s’y retrouver. C’est du djandjoba que le gouvernement veut aller faire et nous, nous ne sommes pas d’accord, donc nous n’y prendrons pas part. Et si dans ce cadre, on touche à un point de nos revendications ou à nos avantages, nous n’allons pas nous laisser faire. C’est le gouvernement qui est en train de mettre actuellement de l’huile sur le feu, car les communications de madame le ministre n’est pas du genre à apaiser les cœurs. Bien au contraire, elles amènent le raidissement du mouvement.
RIB : Votre ministre de tutelle, lors du point de presse du gouvernement tenu le mardi 05 juin 2018, dénonce la manière dont le syndicat mène son mouvement d’humeur. Une manière qu’elle qualifie à la limite de terrorisme, car les grévistes, tiennent des propos de terreur qui empêchent ceux qui veulent venir au service en dépit de la grève de le faire. C’es ce qui explique notamment le dispositif sécuritaire qui est donné de voir devant la devanture du ministère. Quelle est votre réaction par rapport à cela ?
MS : Ah ! Merci beaucoup de l’information. Nous, nous ne savions pas qu’en tant qu’agents du ministère de l’économie et des finances qui travaillons pour le développement de ce pays, nous sommes des terroristes. On ne savait pas que madame le ministre travaillait avec des terroristes depuis deux (02) ans. Nous ne savons pas que nous qui sommes là en train de demander l’application d’un protocole d’accord, sommes des terroristes, et que le gouvernement négocie avec des terroristes et amènent des terroristes pour travailler pour le développement de ce pays. Nous sommes navrés de cela. C’est un mot à combattre. Mais de toute façon, elle n’a qu’à s’attendre à assumer la responsabilité de ses mots.
RIB : Assumer la responsabilité de ses mots, qu’est ce que cela implique ?
MS : Cela implique que naturellement, il n’y a plus d’apaisement. Si actuellement, on est en train de nous assimiler à des terroristes, c’est le comble des combles et nous en prenons acte. Nous allons donc agir en conséquence. Si madame le ministre travaille avec des terroristes et signent des documents pour des terroristes, donc elle-même, est la première des terroristes que l’on doit combattre afin qu’elle quitte rapidement le pays pour ne pas commettre des dégâts. En tant que responsable, si elle a osé dire que nous sommes des terroristes, cela est très grave.
RIB : En clair, est ce à dire que ces propos risquent de durcir la lutte ?
MS : Naturellement, cela risque de durcir davantage la lutte, car ce sont des propos de va-t-en-guerre.
RIB : Toutefois pour l’apaisement du climat et la paix sociale, le gouvernement appelle à ce que chaque acteur mette de l’eau dans son vin et ce, pour l’intérêt national
MS : nous, on n’a plus de vin, on a du bissap actuellement ! Et le bissap est tellement dilué à cause de madame le ministre. On comprend maintenant l’acharnement de la police sur nous. Aller jusqu’à emmener des agents la Brigade anticriminelle, armés de kalachnikovs contre nous, c’est trop. On comprend de ce fait l’esprit de ce gouvernement qui assimile les structures syndicales à des terroristes.
Propos recueillis par Candys Solange PILABRE/ YARO