Les membres de l'Assemblée législative de transition (ALT), au cours d'une séance plénière ce mardi 21 novembre 2023 à Ouagadougou, ont examiné et voté à l'unanimité le projet de loi organique portant attributions, composition, organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la communication (CSC).
"Pour les défenseurs de la liberté de presse et d'expression, ce 21 novembre 2023 est un triste jour à l'image du 19 novembre 2019 où le Parlement a voté la loi modificative portant Code pénal", a déclaré le secrétaire général adjoint du Syndicat autonome des travailleurs de l'information et de la culture (SYNATIC), Aboubacar Sanfo, à l'issue de l'adoption de la loi.
Pour lui, c'est "une remise en cause des acquis démocratiques concernant la liberté d'expression et de presse" qui avait été dénoncée par les organisations professionnelles de médias il y a quelques semaines suite à l'adoption de l'avant-projet de loi par le gouvernement lors du Conseil des ministres du 4 octobre dernier. "Malheureusement, les inquiétudes que nous avions soulevées sur les différents aspects n’ont pas été prises en compte par les députés car les votes ont maintenu les dispositions relatives à la nomination du président du CSC par le Chef de l'État", a-t-il déploré, ajoutant cela aurait des conséquences sur la vie de l'institution et sur la régulation des médias.
Cette loi prévoit un renforcement des sanctions contre des journalistes, notamment le retrait de la carte de presse par le CSC. Eu égard à cela, M. Sanfo dit inviter les journalistes à exercer leur métier avec professionnalisme.
"Si un journaliste a fauté, il est normal que la loi s'applique à lui. Mais concernant cette disposition de la nouvelle loi relative au retrait de la carte de presse, nous estimons que ce n'est pas au CSC de prendre de telle sanction. Il s'agit du comité technique de la carte presse qui est amené à statuer sur le retrait ou non d'une carte de presse qu'il a délivrée à un journaliste", a-t-il notifié.
Pour le ministre de la Communication, représentant le gouvernement, l'adoption de ce projet de loi par les députés à l'unanimité des 70 votants est « la preuve qu'à l’Assemblée législative de transition il y a également une prise de conscience des enjeux de la régulation de la communication publique en général ».
À l'en croire, cet avant-projet de loi organique permet désormais d'avoir une instance de régulation plus forte, plus indépendante, avec plus de moyens et qui garantit d'avoir une instance en phase avec les enjeux et les grands défis du moment.
De plus, le ministre Ouédraogo dit ne pas voir en quoi cet avant-projet de la loi va ouvrir la voie à un musellement de la presse, comme le prétendent les professionnels des médias.
"Je pense que tant qu'un journaliste ou un média n’enfreint pas la loi, il n'a rien à craindre parce que le Conseil supérieur de la communication (CSC) qui sera issu de ce projet de loi va travailler dans le strict respect de la loi, d’après ce que les textes ont prévu", a-t-il soutenu.
Et de rassurer que " les journalistes n'ont pas à s'inquiéter tant qu'ils travaillent dans le respect de la réglementation et que leur travail ne porte pas atteinte à la réputation des individus qui peuvent porter plainte, à la cohésion nationale et que leur travail n'est pas porteur de germe de crise et de rupture de l'harmonie sociale de notre société".
Selon le rapport de la commission des affaires générales, institutionnelles et des droits humains présenté au cours de la séance plénière, l'une des raisons justifiant la nomination du président du CSC par le chef de l'État est que l'institution fait face à une absence d'autonomie financière, ce qui fragilise son indépendance.
À ce sujet, Hama Ly, député du groupe des forces vives des régions, s'est interrogé sur pourquoi chercher forcément l'autonomie financière pour le CSC.
De son point de vue, "ce n'est qu'une modalité dans l'apport au niveau des ressources de la structure. Le mode de gestion, c'est l'autonomie de gestion en attendant les ressources de l'État. Ce que nous craignons ici, c’est que cette autonomie financière ne cache d'autres calculs tels qu’aller se tailler des barèmes avec des émoluments qui ne respectent pas les réalités du pays".
En outre, pour lui, les raisons invoquées par le gouvernement concernant l'élection du président du CSC par les membres "ne sont pas très pertinentes car nous avons vu des membres du CSC qui ont élu leur président et l'autorité, en son temps, avait refusé de prendre le décret pour le nommer".
"Nous avons vu aussi qu'à un certain moment, les membres du CSC n'ont pas pu élire leur président et que le président du Faso a violé les textes en nommant le président du CSC", a-t-il ajouté.
Toutefois, si le chef de l'État nomme le président du CSC, ce dernier doit avoir envers lui « un devoir d'ingratitude, c'est-à-dire qu'il n'est plus sous sa coupe et doit trancher les questions dans le respect des textes », a-t-il insisté.
Flora Sanou