Le 24 février 2022, une offensive générale aérienne, maritime et terrestre a été déclenchée sur l'ensemble du territoire ukrainien par les forces armées russes. Ce vendredi 24 février 2023 marque le premier anniversaire de cette invasion russe en Ukraine. Pourquoi cette guerre perdure ? En quoi est-elle une ‘’opération spéciale’’ comme l’a dit Vladimir Poutine ? Quelle est sa répercussion sur l’Afrique, particulièrement sur le Burkina ? Peut-on espérer la fin de la guerre dans un futur proche ? Sur ces questions, une équipe de Radarsburkina.net s’est entretenue avec Antoine Somdah, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Burkina auprès de la Fédération de Russie, de 2014 à 2022, et Dr Kassem Salam Sourwéma, maître assistant en sciences politiques à l’université Thomas Sankara.
L’invasion de l’Ukraine par les forces russes a engendré d’énormes conséquences dont celles humaines. Les pertes militaires ukrainiennes, selon l’état-major norvégien, sont estimées à plus de 100 000 tués et blessés, à la date du 22 janvier 2023. Les pertes militaires russes, selon le gouvernement ukrainien à la date du 21 février 2023, sont de 144 440 « soldats éliminés ». Selon le décompte formel du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, les estimations de pertes civiles sont de 7110 tués et 11547 blessés à la date du 30 janvier 2023. Malgré ce lourd bilan humain parmi tant d’autres, la guerre ne semble pas près de finir.
L’ex-ambassadeur Antoine Somdah estime que c’est une crise très complexe parce qu’elle a été préparée depuis la dislocation de l’Union soviétique. Cette guerre continue, dit-il, parce que l’Occident dans sa stratégie voulait affaiblir la Russie et militairement. « Plus ça dure, plus on pense qu’à un moment donné, la Russie manquera d’armement, de munitions pour faire la guerre et donc elle va perdre. Mais c’est un rêve parce que la Russie est une grande puissance et est la seule puissance capable de tenir tête à ces pays », a-t-il clamé. Il ajoute qu’elle continue parce que les Occidentaux ont armé l’Ukraine pour massacrer les républiques séparatistes de Donetsk et Louhansk.
Selon Dr Kassem Salam Sourwéma, la guerre continue pour plusieurs raisons. D’abord, pour lui, on peut considérer qu’il ne semblait pas s’agir pour la Russie de détruire l’Ukraine dont elle considère certaines régions comme le Donbass comme étant russophones au même titre que la Crimée qu’elle a annexée en 2014. Ensuite, il y a la résistance ukrainienne soutenue par la quasi-totalité des puissances occidentales qui lui fournissent armes, munitions, logistique et appui-conseil, donnant l’impression que la Russie est confrontée à l’ensemble du bloc occidental de jadis.
De plus, la guerre continue du fait de l’échec de la stratégie de la guerre éclair que les Russes pensaient mener rapidement afin de passer à l’occupation des terres conquises et veiller à ce que l’Ukraine ait un statut neutre qui ne menace pas la survie de la Russie. Enfin, elle continue parce que la Russie est une puissance militaire, sinon elle aurait été vaincue depuis longtemps face aux soutiens dont bénéficie l’Ukraine.
L’opération spéciale dont parle le président ukrainien, selon l’ambassadeur Somdah et le politologue Sourwéma, est en fait une opération méthodique qui permet de neutraliser les forces nazies qui sont des racistes.
« L’opération spéciale en Ukraine est la dénazification et la démilitarisation pour obliger l’Ukraine à être neutre en détruisant son armée. Sinon si c’est une guerre, en une semaine la Russie bousille tout et on n'en parle plus », a expliqué M. Somdah.
Et le politologue de renchérir : La guerre est qualifiée par Vladimir Poutine d’ « opération spéciale en Ukraine », parce qu’il ne s’agit pas pour ce dernier de faire la guerre pour détruire tout, mais de dégager le gouvernement en place à Kiev et favoriser ainsi l’installation d’un gouvernement plus favorable à la Russie comme l’était le gouvernement de Viktor Ianoukovytch, destitué par le Parlement en 2014.
Concernant l’idée d'un rapprochement entre la Russie et le Burkina, Dr Sourwéma argumente qu’au regard de l’actualité de nos relations avec la France, les rapports pourraient connaître un regain de vitalité et de vivacité, ne serait-ce que sur le plan militaire.
Cette guerre a un grand impact sur l’Afrique et particulièrement sur le Burkina à divers niveaux, selon la conviction de Dr Sourwéma. Il y a la flambée des prix des denrées de première nécessité sur le continent africain à cause du blocage des céréales ukrainiennes. A cela s’ajoute l’augmentation du cours des produits pétroliers qui pourrait être liée à cette crise.
En outre, au regard du soutien dont bénéficie l’Ukraine des pays occidentaux, on peut aussi envisager une baisse des aides fournies (l’aide publique au développement par exemple) à l’Afrique et au Burkina Faso.
Par ailleurs, il pense que la crise peut aussi être une opportunité pour l’Afrique, notamment les pays africains producteurs de pétrole qui pourraient voir dans cette guerre une aubaine pour mieux vendre leurs produits.
Sur le plan géopolitique et diplomatique, cette guerre va probablement modifier la carte mondiale avec la percée progressive de l’influence russe en Afrique, a-t-il conclu.
Quant au diplomate Somdah, lui, tout en abondant dans le même sens que Dr Sourwéma, souligne aussi que cette guerre contribue à appauvrir davantage les plus pauvres, à affaiblir les États africains. Il y a un risque de convoi d’armement à partir de l’Ukraine sur le marché noir et cela est un danger pour les pays en proie au terrorisme.
Sur la question d’une probable fin de guerre, Antoine Somdah pense que la Russie a gagné la guerre depuis le début et donc pour qu’il y ait une fin, il faudra que l’Ukraine négocie avec elle. « Le pilier de l’équilibre du monde, c’est la Russie. La guerre va finir mais l'Ukraine sera obligée de négocier », a-t-il soutenu.
Flora Sanou