Confrontés aux difficultés de se trouver un logement, les habitants de Ouagadougou se rabattent souvent sur des démarcheurs qui travaillent trop souvent dans l’informel. Conséquences, ces derniers sont souvent accusés de fourberie. Mais les évènements de Ragnongo ont prouvé un fait : l’enjeu du métier est aussi sécuritaire.
« N’y aurait t-il pas une maison à louer dans les parages ? J’en cherche une urgemment » A Ouagadougou, il n’est pas rare de se voir interpellé de la sorte par un nouvel arrivant quelque peu désabusé. Et pour cause, se trouver un logement relève d’un parcours de combattant. Comment pourrait-il en être autrement dans une ville qui abrite à elle seule près de la moitié de la population urbaine du Burkina avec de surcroit une croissance effrénée de la population ? Cette croissance démographique est loin d’être suivie par une croissance similaire en termes de logements disponibles. Du cout, la question du logement est de plus en plus cruciale. L’équation la plus difficile à résoudre est surtout de trouver une maison qui vous corresponde. «Depuis trois mois, je cherche une maison pour m’y loger » indique ce fonctionnaire nouvellement affecté à Ouagadougou. « J’ai confié à des démarcheurs de me trouver une maison mais jusqu’à présent, je n’ai pas de nouvelles » poursuit celui qui par résignation a trouvé comme parade : se promener à travers la ville à la recherche du précieux logement. « Ce n’est pas prudent de donner à un démarcheur pour entreprendre les démarches» conseille Issouf OUEDRAOGO lui-même démarcheur qui confie que dans tous les métiers, il y a des espions y compris dans le sien. « Seul le propriétaire de la maison ou de la parcelle est habilité à payer le démarcheur» précise -t-il. Même s’il n’est pas exclu qu’en guise de remerciement, le client veuille bien donner quelque chose. Toujours est-il qu’il ne revient pas au démarcheur d’exiger quoi que ce soit au client même si la pratique perdure.
Issouf OUEDRAOGO, démarcheur
Quoi que anormale, la pratique qui consiste pour certains démarcheurs à exiger que les clients leur donnent quelque chose peut trouver son explication dans un autre fait que relate M.OUEDRAOGO : «En principe, lorsqu’un démarcheur trouve un client pour l’achat d’une maison où d’une parcelle, c’est 10% du prix de vente qui lui revient. Mais lorsqu’il s’agit de la location d’une maison, c’est à la moitié du prix de la location mensuelle qu’il a droit».Sauf que, plus la somme est élevée, moins les propriétaires sont enclins à respecter le principe au point de négocier que le démarcheur veuille bien accepter les 5%. Certains démarcheurs acceptent malgré eux et la tendance est de vouloir que le client comble le manque à gagner. La possibilité de trouver un logement étant de plus en plus difficile, on peut parier que rétribuer le démarcheur finira par s’ériger en devoir pour les clients. Notre fonctionnaire qui a confié certains de ses effets à ses amis travers la ville n’y verrait sans doute pas d’inconvénient devoir faire un geste à l’endroit d’un démarcheur. D’autant que sa famille est obligée de rester à l’intérieur du pays. Reste à savoir pour combien de temps encore.
Locataires modèles
Les événements de Ragnongo ont mis en lumière l’enjeu sécuritaire que revêt désormais le métier de démarcheur mais aussi celui de propriétaire. On se souvient que les assaillants étaient des locataires qui, pour être solvables, pouvaient être qualifiés de modèles mais dont les comportements pour le moins suspects devraient interpeller plus d’un. Il y a donc lieu que démarcheurs et promoteurs ouvrent le bon œil en s’organisant de matière à ce que tout individu susceptible de troubler la quiétude du pays ne puisse trouver de logis. En somme, en plus de leur solvabilité, les uns et les autres doivent aussi s’assurer que les potentiels locataires sont aussi fiables, question pour les promoteurs de redorer leur blason car ils passent aux yeux de beaucoup comme ceux qui, sur un coup de tête, n’hésitent pas à augmenter le prix du loyer.
Soumana LOURA