Le 3 décembre 2022, dans un communiqué, le porte-parole du gouvernement burkinabè annonçait la suspension, jusqu’à nouvel ordre, de la diffusion des programmes de Radio France Internationale (RFI) sur toute l’étendue du territoire national. Ce 5 décembre, nous avons recueilli l’avis du président d’Œil d’Afrik, porte-parole du Collectif des organisations de la société civile pour le Sahel (COSC/Sahel) et par ailleurs directeur général adjoint d’Horizon FM, Larba Israël Lompo, sur ce sujet. Il s’est également prononcé sur la réaction de Newton Ahmed Barry à cette décision gouvernementale et sur les menaces de mort contre ce dernier.
Selon Larba Israël Lompo, président d’Œil d’Afrik, la suspension de Radio France Internationale (RFI) n’est pas une surprise ; cela devait arriver tôt ou tard. « J’ai su que cela arriverait tôt ou tard le jour où le président Emmanuel Macron a appelé le groupe France Médias à jouer un rôle de désinformation au profit de sa politique en Afrique ». Et d’ajouter qu’il s'attendait à ce que ces médias français « s'engagent dans une démarche peu déontologique envers les régimes militaires en Afrique ». Mais de là à devenir le relais d'une propagande terroriste, c'est trop osé, a-t-il déclaré. Pour lui, il n’y a plus de juste milieu : soit on est des amis, soit on est des ennemis.
« Il faut seulement que nous comprenions que nous sommes dans une guerre bipolaire où, si tu n'es pas avec nous, nous nous allierons à tes ennemis et chacun dans cette guerre doit être traité soit en ami et allié, soit en ennemi», a-t-il souligné.
Tout compte fait, il est de ceux-là qui pensent que comme c’est le Conseil supérieur de la communication (CSC) qui est le régulateur agréé, c’est de cette institution que devait venir cette mesure de suspension.
S’agissant de la réaction de Newton Ahmed Barry (NAB) qui a parlé de violation de la loi, Larba Israël Lompo dit le comprendre parce que celui-ci a fait une analyse professionnelle et juridique en tant qu'homme des médias.
Notre interlocuteur soutient également qu’à l’inverse de NAB, il ne s’attend pas « un respect strict de la loi et des procédures administratives de la part de dirigeants que la kalachnikov a plébiscités à la tête de l'Etat dans un contexte aussi difficile ».
Il déplore le fait que les sorties de Newton Ahmed Barry se fassent très souvent lorsque l'image de la France est écornée. « Nous avons tous suivi les dérives de communication de Macron envers les Africains et les Chefs d'État africains, je n'ai pas encore lu un texte d'indignation de sa part. Est-il au courant de l'interdiction infligée à RT-France par les autorités françaises ? A-t-il condamné cette jurisprudence ? » s’interroge-t-il.
De plus, pour lui, la liberté d'expression et la liberté de la presse n'existent que parce que le palais de Kosyam n'est pas occupé par les terroristes et si cela n'est pas encore arrivé, c'est parce qu'il y a une mobilisation générale de la population.
Par ailleurs, concernant les menaces proférées contre Newton Ahmed Barry suite à sa réaction sur la suspension de RFI, Larba Israël Lompo dit être inquiet et ajoute que si rien n’est fait, le Burkina est sur un chemin à l’issue incertaine.
« C’est dommage que nous nous retrouvions dans une situation de pensée unique. Nous avons affaire à une nouvelle génération d'activistes dont la culture de la violence est en train de devenir leur principe de combat et de communication. Si rien n'est fait pour les recadrer, le pays risque de basculer sur un chemin à l'issue incertaine », a-t-il prévenu.
Et de conclure : « Newton Ahmed Barry est un journaliste qui a fait une analyse technique. Alors, que celui qui n'est pas d'accord avec ce qu’il a dit écrive aussi pour exposer ses arguments. Nous n'avons pas besoin de revivre un 13-Décembre. »
Flora Sanou