Le 24 novembre dernier, le gouvernement a annoncé le report de la Semaine nationale de la culture (SNC) en raison du difficile contexte sécuritaire actuel du pays, de la nécessité d’une remise en état des infrastructures et des équipements, ainsi que des contraintes budgétaires actuelles. Cette décision fait suite à une évaluation de l’état des préparatifs de l’événement ainsi qu’à une rencontre entre le ministère de la Communication et les acteurs culturels le 14 novembre 2022. Suite à ce report, une équipe de Radars Info Burkina s’est entretenue avec quelques acteurs du domaine de la culture, en l’occurrence Sayouba Guiré, fondateur de la troupe Naaba Abga, et le Dr Lassina Simporé, archéologue et gestionnaire de patrimoines culturels. Ils se prononcent sur le sujet.
Sayouba Guiré, fondateur de la troupe Naaba Abga (troupe de danse traditionnelle) et du centre Guiré Naaba Abga (centre de chorégraphie), a été lauréat de la SNC en danses chorégraphique et traditionnelle en 2016 et en 2018. Depuis 2018, sa troupe est lauréate en danse traditionnelle. Il dit regretter ce report au regard des dépenses qu’il a déjà eu à effectuer au titre des préparatifs de cette grand-messe culturelle.
« Nous étions déjà prêts pour la SNC (location de la salle, décors, tenues…). Nous étions prêts à aller à Bobo puisqu’on était à deux jours de la manifestation et les préparatifs nous ont coûté très cher. Quand tu consacres des mois à la préparation d’un événement et que finalement il est reporté, c’est à la fois énervant et décourageant », déplore notre interlocuteur. .
En cas d’annulation, si le gouvernement pouvait au moins rembourser l’argent injecté dans les préparatifs, ce serait un soulagement pour nous autres, selon M. Guiré. Mais il s’empresse d’ajouter : « L’État dit toujours qu’il va le faire, mais ce n’est jamais le cas. »
Par ailleurs, il dit comprendre qu’avec la situation nationale il ne soit pas facile d’organiser cette manifestation mais propose que tous les acteurs de la chaîne discutent pour trouver une date convenable ou laisser en stand bye l’événement en attendant que la situation s’améliore pour le relancer.
Le Dr Lassina Simporé, archéologue, gestionnaire de patrimoines culturels et enseignant-chercheur à l’université Joseph Ki-Zerbo, lui, s’est plus attardé sur les raisons invoquées par le gouvernement burkinabè pour justifier ce report.
A son avis, si l’État a reporté la SNC, c’est peut-être qu’il n’avait pas le choix ; peut-être que c’était le moindre mal. Mais qu’à cela ne tienne, il soutient qu'on devrait tenir la SNC justement à cause du contexte sécuritaire particulier actuel. « Il ne faut pas perdre du vue que ceux qui attaquent notre pays recherchent justement ce genre de décision », a-t-il fait remarquer.
Pour lui, il fallait tenir coûte que coûte cet événement culturel majeur pour montrer la résilience de l’État et éviter qu’on ait l’impression, surtout à l’extérieur, que la situation du Burkina est si catastrophique qu’on ne peut plus rien faire.
En ce qui concerne « la nécessité d’une remise en état des infrastructures », le Dr Simporé pense qu’il faut rayer cet argument. « Nous qui connaissons la situation de la SNC depuis qu’elle s’est installée à Bobo-Dioulasso, nous disons que les artistes ne sont pas encore mis dans de bonnes conditions pour prester, certes, mais les choses ont évolué. La SNC pouvait bien se tenir comme ce fut le cas de la dernière édition, en attendant de meilleures conditions », a-t-il affirmé.
De plus, il est possible que le report soit lié « aux contraintes budgétaires actuelles », selon l’enseignant-chercheur. Cependant, celui-ci dit être étonné parce qu’il s’agit d’une « activité du budget de l’Etat en année paire. Ce sont des choses à faire et à exhiber comme preuve que le pays vit malgré tout ».
S’agissant de l’annonce tardive de ce report, l’avis de Lassina Simporé est que les cadres qui étaient chargés d’assurer la continuité du service auraient dû donner l’information plus tôt pour éviter les désagréments. « Par exemple, nous avions anticipé des cours en prévision de la tenue de la SNC, organisé des réservations et des arrivées d’amis à Bobo-Dioulasso sans compter les longs moments de répétitions et d’autres types de dépenses », a-t-il ajouté.
Pour lui, le report des manifestations culturelles et artistiques, dont la SNC, est une perte pour l’économie burkinabè, mais si le gouvernement a opté de le faire malgré tout, c’est qu’il a ses raisons.
Flora Sanou