Après avoir subi le saccage de manifestants le 1er octobre 2022, l’institut français de Ouaga, celui de Bobo et l’ambassade de France ont mis la clé sous le paillasson. Cette fermeture a sans conteste des répercussions sur plusieurs secteurs de la vie économique du pays, dont le monde culturel. Certains artistes ont confié à Radars Info Burkina que la fermeture de l’institut est certes un manque à gagner, mais n’est pas supérieure à la volonté du peuple burkinabè qui aspire à un changement radical.
L’artiste chanteur Don Sharp de Batoro explique que l’institut français est un cadre d’expression artistique au-delà de la politique. Et pour les artistes burkinabè qui avaient leur programmation à cet institut, c’est un coup dur parce que ces spectacles seront supprimés. « Il y a alors un manque à ce niveau », a-t-il soutenu. L’artiste chanteur Ahmed Awobé partage le même point de vue. Selon lui, plusieurs artistes burkinabè se produisent à l’institut français. Ce qui fait que sa fermeture va beaucoup jouer sur ces derniers. Pour lui, les artistes ont du mal à trouver des plateaux, des cadres d’expression au regard du contexte national et du faible financement des infrastructures culturelles.
Qu’est-ce que cet institut offrait aux acteurs culturels burkinabè ? « C’est juste le cadre d’expression », répond Don Sharp de Batoro. « Et c’est un cadre qui permet aussi aux artistes d’avoir des relations extérieures et donc des opportunités en dehors du Burkina », a-t-il poursuivi. Mais, précise-t-il, « ce n’est pas l’unique cadre, bien évidemment ». Sur le sentiment qu’il éprouve face à la fermeture de cet institut, Ahmed Awobé déclare : « Si le centre est fermé, bien évidemment on n’est pas content de cela mais c’est une réaction du peuple que personne ne peut maîtriser. Depuis longtemps c’est le système de la France qui fait que les gens sont de plus en plus hostiles à ce pays. Ce n’est pas envers les Français et, Dieu merci, les gens ont toujours su faire cette différence ». Si Awobé Ahmed s’indigne de cette fermeture, ce n’est point parce qu’il estime que l’institut français est le seul ou le cadre par excellence d’expression pour les artistes burkinabè. « Il y a le CENASA, l’institut burkinabè, qui accueillait pas mal d’artistes burkinabè et plein d’autres salles dans la ville de Ouagadougou et à travers le pays. Mais c’est toujours un cadre de moins », s’explique-t-il.
Comme lui, R-Paall, à l’état civil Sawadogo Rawal, n’est pas content de la situation. « On n’est pas content qu’on aille brûler quoi que ce soit mais il faut aussi comprendre les frustrations du peuple. Depuis combien de temps il vit dans des problèmes comme la pauvreté, la famine et maintenant l’insécurité, alors que la France est omniprésente dans sa vie ?» s’interroge-t-il. H-Massé abonde dans le même sens. « Quand on dit qu’un pays est souverain et c’est l’ancien colon qui a toujours sa main dans tous les aspects de votre politique, ça révolte. Donc si les gens s’en sont pris à l’ambassade ou à l’institut français, c’est la France même qu’ils visent. C’est parce qu’ils ne peuvent pas avoir la France elle-même », affirme-t-il. Pour H-Massé, la situation est déplorable mais est un appel aux Africains à s’assumer. « Si la France, qui est à des milliers de kilomètres, a son institut ici et que le Burkina lui-même n’a pas d’institut, cela nous interpelle en tant que pays souverain. Sinon, ce n’est pas bien de brûler, mais ça doit servir à quelque chose dans notre combat actuel », a-t-il déclaré.
Etienne Lankoandé