L’activiste Anaïs Drabo a trouvé la mort dans un accident de la circulation sur la nationale n°1, le mercredi 6 juillet 2022. Son association Hope Isis, née quelques mois avant, se retrouve ainsi orpheline. Pour savoir ce que devient cette association, nous sommes allés à la rencontre de son président par intérim, Youssoufou Sombié, par ailleurs trésorier de l’association. Il assure que leur structure est certes éprouvée, mais continue ses activités la tête haute.
Présentez-nous l'association Hope Isis.
Hope Isis est une association qui, officiellement, a vu le jour en 2022. Elle existait déjà dans l’informel, mais on a eu les documents légaux en 2022.
Quels sont les objectifs de cette association ?
L'objectif de Hope Isis, c'est de venir en aide d'abord aux personnes déplacées internes et contribuer à aider le ministère en charge de l'Action sociale. On se dit que le ministère seul ne peut pas tout faire ; c’est pourquoi nous venons également en aide aux personnes démunies. Vous avez dû voir par moments qu'on est intervenu pour trouver des prothèses à des personnes vulnérables. C'est donc un peu dans ce sens que nous agissons. Mais c'est une activité qu'on a commencée depuis 2018 avec la défunte. On a commencé d'abord avec les mendiants au bord de la route, qui en son temps n'étaient pas trop nombreux. Souvent on passait, soit on donne des habits, ou bien des chaussures, en fonction de ce qu'on peut faire. Après, on est venu en aide aux veilles femmes qu'on accuse de sorcellerie qui sont à Tanghin. Ensuite à une association d'une sœur religieuse qui récupère les déficients mentaux. Nous leur avons apporté aussi une aide par moments. Mais c’est l'avènement des PDI qui a fait connaître plus l'association.
En juillet 2022, vous avez subi cet évènement malheureux, la disparition de la présidente de l'association. Comment est-ce que l'association vit cela ?
C'est vrai que la présidente était beaucoup plus active, parce qu’elle était plus « réseaux sociaux » et ça nous aidait beaucoup, en ce sens qu'elle faisait des publications et lorsqu'elle faisait ses publications on a des personnes sensibles qui nous venaient en aide. Ça, j'avoue que ça va nous manquer, mais pas au point d’entraver le fonctionnement de l'association. Nous avons quelques partenaires structurels, donc on va continuer à mener les activités selon nos possibilités et selon les apports que nous allons avoir. Pour le moment, j'assume l'intérim de la présidence, cumulativement avec mon poste de trésorier. Mais très incessamment on va tenir notre assemblée, pour essayer de renouveler les instances. L'association même est en train de grandir. On a eu l’adhésion de nombreuses personnes, même après le décès de la présidente. C’est le cas par exemple d’un réalisateur de cinéma qui nous a rejoints.
La présidente n'avait-elle pas de projets pour l'association, qui risquent d'en pâtir ou de disparaître avec son décès ?
On a travaillé de sorte à ne pas personnaliser certaines choses. Ce qui fait qu'on était chaque fois ensemble. Donc en permanence, on s'accompagnait pour suivre un peu certaines choses. Mais j'avoue que sa présence physique boostait certaines choses, puisqu'il se peut que certains aient accepté de nous accompagner dans des projets parce que c'était Anaïs Drabo. Ça, c'est sûr que ce sont des projets qui risquent d’en prendre un coup. Sinon, je sais qu'on a un projet avec le ministère de la Jeunesse et on est très avancé avec les techniciens dudit ministère.
Est-ce qu'il y avait des personnes vulnérables, comme des orphelins ou des PDI, qui étaient spécifiquement à la charge de l'association ?
Il n’y a pas de personnes à la charge de l'association de façon spécifique. Pour le moment, on a évité d'aller dans ce sens. Parce que lorsqu'on n'a pas de ressources assez permanentes, il ne faut pas donner l'espoir à ces gens et à un moment donné ne pas pouvoir continuer. Donc nous, on ne le faisait que périodiquement et en fonction des disponibilités. Par contre, on s’occupe d’orphelins de FDS, pour lesquels on est en partenariat avec Go-Paga.
En tant qu'intérimaire, quels sont vos objectifs immédiats ?
On était toujours en deuil. Mais je crois que le 40e jour, c’était avant-hier. Néanmoins on a pu tenir trois rencontres parce qu'il y avait quelques urgences. Il y avait un petit qui avait un problème de prothèse, donc rapidement on a pu gérer ça. Dans l'immédiat, nous avons un projet avec le réalisateur Derek : il s’agit d’une projection de film et de formation des enfants PDI au métier du cinéma. On envisageait commencer en août mais avec les pluies, on a un peu décalé. Parce que là on va faire des projections en plein air dans les sites des PDI en se disant que ça peut les égayer un tant soit peu et ensuite on va former les enfants au métier du cinéma et les amener en deux jours à produire un petit documentaire qu'on va projeter pour eux-mêmes. Ça, ça peut susciter cet espoir de métier du cinéma pour eux. Maintenant on verra ceux qui vont vraiment être efficaces et qui peuvent embrasser ce domaine, on va peut-être les accompagner. Un nombre limité pour le moment.
Est-ce qu'il y a des difficultés de façon spécifique que vit l'association ?
Oui, il y a des difficultés comme dans toute organisation, toute association. Mais on essaie de les surmonter au fur et à mesure.
Quel est votre cri du cœur ?
Mon cri du cœur, c'est la paix. Nous invitons les populations à soutenir le seul gouvernement que nous avons. Jusqu'à preuve du contraire, je ne pense pas qu'on ait deux gouvernements au Burkina Faso. Et c'est une lutte de longue haleine qui est engagée et il faut que chacun à son niveau puisse soutenir pour qu'on en finisse avec le terrorisme. L'autre aspect, c'est vraiment restaurer la cohésion sociale. Je le dis haut et fort : le Burkina a mal à sa cohésion sociale. Nous n'avons pas un problème de réconciliation et c'est même l'erreur. Lorsqu'on parle de réconciliation, c'est qu'on a deux protagonistes, soit c'est religieux, ou ethnique ou même politique mais qui sépare le pays. Jusqu'à preuve du contraire, je ne pense pas qu'on ait ça ici. Mais les gens déplacent ça sur les problèmes de personnes. Donc c'est d'abord un appel à soutenir le pouvoir en place et à contribuer activement même à la lutte contre le terrorisme. Et là je félicite mes esclaves de Gaoua, qui résistent au lieu de subir. Il faut que chacun mette dans sa tête que nous sommes tous en guerre. Et c'est maintenant qu'il faut se lever pour soutenir ces FDS. Si la paix revient, on pourra faire nos disputes politiciennes après. Donc c'est ce cri de cœur que j'ai à l'égard de la population. Parce que quand je regarde, chacun tire la couverture de son côté. On crée des mouvements par-ci par-là, c'est de nature même à soutenir la crise. Et je dirai que c'est même criminel. Parce qu’il n'y a personne qui ne soit pas affecté par le terrorisme au Burkina. Et si on laisse ce terrorisme prendre le pouvoir, on ira où?
Pour finir, je voudrais dire que notre association est ouverte à toute personne qui souhaiterait faire un don. On ne trie pas, on prend tout.
Etienne Lankoandé