72 heures après la rencontre entre les anciens chefs d’État Blaise Compaoré et Jean Baptiste Ouédraogo et l’actuel président, Paul Henri Sandaogo Damiba, Radars Info Burkina est allé sur le terrain pour recueillir les avis des citoyens sur ce huis clos présidentiel qui s’est tenu malgré la polémique qu’il avait suscitée.
Pour certains citoyens, il n’y a pas de dissensions entre les Burkinabè au point qu’on ait besoin de parler de réconciliation. Ce sont des politiciens qui luttent pour leurs intérêts. Donc cette rencontre n’a été, à leur avis, que du folklore.
Selon Augustin Hien, dans le fond, la rencontre pourrait constituer une violation et un mépris de la justice car l’ancien président Compaoré a été condamné par la justice burkinabè pour des faits qui lui sont reprochés. Sa venue à cette rencontre est donc ridicule, voire insultante, a ajouté M. Hien. « C’est un échec pour le président Damiba et son gouvernement, car ils ont perdu le peu de considération que le peuple leur portait. Cette rencontre ne peut rien changer à la situation actuelle du pays. C’est juste un processus pour restaurer l’ancien système et gracier le président Compaoré. C’est une manière d’imposer la réconciliation », a-t-il ajouté.
Par ailleurs, il pense que la rencontre est louable de par sa forme car c’était pour la recherche de solutions avec l’ensemble des devanciers en vue de trouver la paix qui est une priorité majeure pour le Burkinabè, au regard des innocents civils et militaires qui meurent d’une part et d’autre part du nombre croissant des Personnes déplacées internes (PDI).
Pour un autre citoyen ayant requis l’anonymat, cette rencontre est de prime abord un échec car c’est une rencontre qui prévoyait de réunir 6 chefs d’État et seulement 3 qui ont pu prendre part. Partant des objectifs visés que sont la cohésion sociale et la réconciliation nationale, c’est également un échec car la majorité des Burkinabè n’ont pas apprécié la manière de faire des gouvernants, indique celui-ci. « La rencontre avait sa raison d’être mais la façon de faire n’a pas été la bonne. Aux yeux de tous, c’est la restauration de l’ancien système. Une personne qui est poursuivie par la justice foule le sol burkinabè et repart tranquillement sans que l’autorité judiciaire agisse ; c’est de l’impunité tout simplement ». La réconciliation nationale mise en avant pour justifier cette rencontre n’est pas du goût de celui-ci, car il estime que ce n'est pas une priorité pour le peuple burkinabè. A la question de savoir si l’on peut espérer une réconciliation entre les Burkinabè il répond : « Les Mossé n’ont pas de griefs contre les Gourmantché ni les Dioula contre une quelconque ethnie, pour ne citer que ceux-là. Il n’y a pas de problème ethnique ni de problème religieux, donc il n’y a pas de fracture sociale. C’est purement politique. Ce sont des clans au sommet qui sont ‘’divisés’’. La priorité des Burkinabè, ce n'est pas la réconciliation mais la lutte contre des maux sociaux comme la faim, la pauvreté et le chômage. La réconciliation est purement politique », a-t-il souligné.
A la différence de ceux-ci, d’autres pensent que cette rencontre a été une réussite. C’est, par exemple, le cas d’Hamidou Kindo, qui estime que malgré l’absence de 3 anciens présidents, la rencontre a pu se tenir, ce qui est déjà une victoire. L’urgence, pour lui, c’est de sauver le pays avant de penser aux questions judiciaires.
Par ailleurs, pour Boureima Traoré, ce n’est ni un échec ni une réussite. C’est un bon départ vers un succès. « Ce n’est pas ce qu’on avait prévu, donc l’objectif n’est pas atteint. Cependant, on ne peut pas dire que c’est un échec dans la mesure où ça n’avait jamais été fait. Donc en matière de processus, c’est une petite avancée en brisant le tabou qui est la venue de Blaise Compaoré au Burkina, car personne ne s’imaginait cela. Ce n’est pas forcément un échec mais ce n’est pas non plus une réussite. C’est plutôt une petite victoire d’étape, car on était dans une situation de réconciliation sans acte indiqué », a-t-il affirmé.
En rappel, le président du Faso, Paul Henri Sandaogo Damiba, s’est entretenu avec les anciens chefs d’État Jean Baptiste Ouédraogo et Blaise Compaoré le vendredi 8 juillet 2022 à Ouagadougou. Cette rencontre a porté principalement sur la recherche d’une paix durable pour le Burkina Faso. Initialement, cinq anciens chefs d’État étaient attendus, à savoir Blaise Compaoré, Jean Baptiste Ouédraogo, le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida, Michel Kafando et Roch Marc Christian Kaboré.
Flora Sanou