Au Burkina comme partout ailleurs, le foncier fait l’objet de taxation. Ainsi, les baux locatifs sont soumis à une taxe, payable aux services des impôts. Cette taxation est une source de protection pour les parties en contrat de bail, diront les services des impôts. Cependant, force est de reconnaître que la plupart des bâtiments locatifs échappent à l'impôt et sont sources d'abus du plus fort sur le plus faible. Isidore Sanfo et ses colocataires en ont fait les frais. Leur histoire révèle la triste réalité dans ce secteur.
Isidore Sanfo est locataire d'une maison de type « chambre salon » dans une cour commune cinq portes, comme disent ceux qu'on appelle les « démarcheurs » dans ce milieu. Depuis plus de six ans, il vit dans cette maison au cœur du quartier Wemtenga de Ouagadougou. Un logement qui a commencé à connaître de sérieuses dégradations. Le crépissage se détache de jour en jour, la toiture abrite des chauves-souris, bref, le confort n’est plus au rendez-vous. Et pour Isidore et ses colocs, ce n'est plus la joie quand un étranger leur rend visite.
C’est dans cet état d’inconfort qu’un jour de vendredi du mois de septembre, M. Sanfo et ses colocataires reçoivent une correspondance de leur bailleur. Une correspondance qui va nourrir leurs espoirs. « Dans celle-ci, il était question de l’augmentation prochaine du loyer de 5 000F CFA. Ainsi, il allait passer de 20 000 à 25 000 F CFA », raconte Sanfo. Mais, s’empresse-t-il d’ajouter, « le bailleur a précisé qu'il y aurait des travaux de réfection de l'ensemble des logements avant ladite augmentation ». Chose qui les a réjouis, selon lui, puisque les maisons étaient dans un état avancé de décrépitude. « Les réfectionner était une excellente chose, même si cela impliquait une augmentation du loyer », a-t-il poursuivi. Pour en avoir le cœur net, les locataires ont même envoyé une délégation chez leur bailleur qui leur a donné l’assurance que le loyer révisé n’entrerait en vigueur que trois mois plus tard et cela, après la rénovation des maisons.
Mais deux mois plus tard, aucune réfection ne se profilait à l'horizon. A la date butoir, toujours aucun signe du bailleur. A la surprise générale ce dernier a plutôt décidé d’encaisser le loyer révisé alors même qu'aucune réfection n'avait été entamée. « Nous avons voulu opposer notre refus et faire savoir nos droits en tant que locataires mais on a été tout de suite désarmés », raconte Isidore. En effet, d’après lui, le bailleur leur a simplement rétorqué que ce sont ses maisons, donc tout locataire opposé à l’augmentation peut déménager. Et ce serait sans délai parce qu'ils auraient été prévenus des nouveaux frais locatifs trois mois à l’avance. « Les négociations furent vaines », se désole Isidore. « On a voulu savoir du côté des services étatiques si l'on pouvait se faire protéger, mais on nous apprit au service IRF des impôts que dans ce cas de figure, seuls les locataires qui sont liés au bailleur par un contrat de bail sont à l’abri d'une augmentation arbitraire de loyer », raconte Isidore Sanfo.
L'arroseur arrosé
« Que faire ? » se demandaient-ils. Attraire le bailleur véreux en justice ? Cela s'avérait risqué d’autant plus qu’ils n’avaient aucun document juridique en leur possession. Les locataires optent alors à l’unanimité de ne payer que l’ancien loyer, ce qui met le bailleur hors de lui. Il accepte finalement de négocier avec ces derniers, mais par personnes interposées. Dans ces tractations, ce sont cinq mois qui se sont écoulés avant que le nouveau loyer n’entre vraiment en vigueur.
La protection du citoyen compromise
Ainsi vont les choses au Burkina. Quand ce ne sont pas des locataires qui sont victimes d’abus de la part de bailleurs sans scrupule, ce sont ces derniers qui sont confrontés à des locataires de mauvaise foi. Chaque année l’Etat burkinabè perd des centaines de millions de F CFA à cause de toutes ces maisons mises en location et qui ne sont soumises à aucun impôt. Au service Impôt sur le revenu foncier (IRF) de la direction du Centre des Impôts de Ouaga 5, on apprend que le contrat de bail est une entente entre le bailleur et le locataire. Aucune des deux parties ne peut signer le contrat de façon unilatérale sans le consentement de l’autre. Et le service des impôts n’y peut rien. La direction de ce service informe que par moments, les impôts font des excursions dans certains quartiers de Ouagadougou, au cours desquelles ils le demandent aux bailleurs.
L’Etat gagnerait à se pencher sérieusement sur cette question pour non seulement assurer une protection à ses citoyens, mais aussi établir une justice fiscale. L’abus réside aussi dans la fixation des loyers au mépris de la valeur nominale du logement.
Etienne Lankoandé