Pour des raisons d'insécurité, la Société minière de Taparko (SOMITA-SA), dans la commune de Yalgo, a fermé ses portes, mettant au chômage des centaines d'employés. Radars Info Burkina s’est entretenu avec Issaka Yaméogo, président du réseau des communes minières du Burkina Faso, par ailleurs ancien maire de ladite commune, sur l'impact de la fermeture de cette mine.
Radars Info Burkina : Est-il normal qu'on ferme des mines industrielles comme c'est le cas de la SOMITA ?
Issaka Yaméogo: La raison même de la fermeture de ces mines dont on fait cas aujourd'hui, c’est l'insécurité dans nos zones. Et la fermeture de cette mine est vraiment un coup très dur pour la collectivité et pour toute sa population environnante, y compris des employés qui étaient des locaux et même des nationaux. Il faut savoir qu'aujourd'hui on dénombre plus de 800 personnes qui sont en train de partir au chômage : ceux qui avaient des emplois directs et indirects et même des emplois contractuels journaliers et bien d'autres prestataires qui étaient aussi en sous-traitance avec la mine. Aujourd'hui, la fermeture de cette mine aura nécessairement un impact sur l'économie locale. Car vous savez, quoi qu'on, dise l'existence d'une mine dans une zone a un impact économique, bien qu'il y ait aussi un impact négatif. Négatif dans le domaine de l'environnement mais ça contribue quand même à un certain niveau à l'économie locale. Hormis cela, la collectivité elle-même recevait des taxes à travers l'exploitation de cette mine. Aujourd'hui, Yalgo est l'une des communes, parmi tant d'autres, qui recevait la patente minière, le fonds minier pour le développement local, les taxes superficiaires. Et nous pouvons dire que ces contributions constituaient plus de 90% du budget réel de la collectivité. En effet, nous sommes dans une zone à forte insécurité si bien que depuis 2017 nous n’avons même pas pu faire un recouvrement en ce qui concerne les taxes locales. C'est donc vous dire qu'aujourd'hui cette fermeture vient ramène la commune à un niveau incroyable.
Radars Info Burkina: Est-ce que la raison invoquée par les responsables est valable?
Issaka Yaméogo : Oui, nous trouvons qu'elle est valable parce nous vivons la réalité. Aujourd’hui si vous prenez la RN3 qui mène jusqu'à la mine dans notre commune, vous verrez que l'accessibilité est devenue très problématique. En outre, la mine a fait des extensions, donc il y a une distance importante entre celle-ci et les zones de travaux, là où les employés travaillent. C'est dire qu’en réalité, avec la situation actuelle dans nos zones, le risque est grand qu'il y ait des actes de meurtre si vraiment la mine doit continuer à travailler. C'est vrai que nous voyons tout ce que nous perdons, mais il y va de la sécurité de nos frères employés dans la mine.
Radars Info Burkina : Est-ce que ce serait acceptable si le gouvernement décide de la fermeture des mines artisanales ?
Issaka Yaméogo : Aujourd'hui, c'est le gouvernement qui est le premier responsible en ce qui concerne la vie même de la Nation. Dans cette lutte contre le terrorisme, si le gouvernement dans sa prise de mesures trouve qu'il est nécessaire que les sites d'orpaillage soient fermés, on n'a pas à protester. Néanmoins, il faut savoir qu'aujourd'hui il y a un nombre important de jeunes Burkinabè qui travaillent sur les sites d'orpaillage. Aujourd'hui, c'est vrai que les ressources d'exploitation industrielle génèrent des ressources directement à l'État au niveau des collectivités, mais il faut savoir aussi que l'exploitation artisanale aujourd'hui génère aussi des ressources directes, même s'il n'y a pas de retour des taxes auprès des collectivités, auprès de l'Etat, au niveau de la communauté ; ça contribue à la vie de ces jeunes. Aujourd’hui par exemple ma commune abrite un nombre important de jeunes qui sont sur les sites d'orpaillage. Nous pouvons dire que 75 à 80% des jeunes de ma commune sont des orpailleurs. Certes c'est à l'État de prendre des mesures pour aller à la fermeture si c'est nécessaire,mais il faut un certain niveau de grande réflexion et de prise de dispositions. Aujourd'hui, la question qu’on se pose est suivante : est-ce que nous avons les moyens de fermer ces sites? Où iront ces orpailleurs qui travaillent sur ces sites ? Aujourd'hui, beaucoup de PDI sont sur les sites d'orpaillage. Notre province compte aujourd'hui plus de 161 000 PDI réparties dans nos communes respectives. Et on a traversé une saison qui a été très lamentable. Aujourd'hui le sac de mil de 100 kg, dans ma commune, coûte plus de 40 000 F. Si on ferme ces sites d'orpaillage, où veut-on que ces jeunes et ces PDI aillent ? Quelles sont les dispositions qui seront prises ? Moi, je pense que c'est un mal nécessaire que nous devons soigner avec beaucoup beaucoup de précautions.
Barthélémy Paul Tindano