Peu de gens espéraient la tenue un jour d’un procès sur l’assassinat de Thomas Sankara et de ses compagnons, mais certaines personnes y croyaient dur comme fer. Et 35 ans après, l’histoire leur a donné raison. En effet, après la chute de l’ex-président Compaoré, les lignes ont commencé à bouger dans cette affaire. Et aujourd’hui, le verdict sur ce jugement historique est tombé. Pour beaucoup, on doit tirer des leçons de ce procès.
« Nous souhaitons que cela serve de leçon à tout le monde, aux parents des victimes que nous sommes, au public et aux autres. Nous souhaitons que le verdict calme un peu tout ce que nous avions comme ressentiment », tels sont les propos de Mousbila Sankara, qui s’exprime en tant qu’ancien membre CDR (comité de défense de la révolution).
Pour Me Prosper Farama, l’un des avocats de la partie civile, le combat pour la justice et la vérité ne s’arrête jamais à un procès. Et ce procès doit servir d’exemple pour empêcher d’autres personnes d’emprunter le chemin des condamnés. « C’est un jour de délivrance pour le peuple burkinabè, un jour de délivrance aussi pour les familles de ces victimes qui ont souffert le martyre pendant près de 35 ans. L’Afrique tout entière et peut-être le monde se souviendront un jour qu’un peuple s’est battu pendant plus de 34 ans pour que justice soit rendue à des hommes valeureux qui sont tombés le 15 octobre 1987, tués par la barbarie de leurs camarades. Notre espoir aujourd’hui de ce procès, c’est que ce genre de crime odieux n’arrive jamais au Burkina ni ailleurs en Afrique », a-t-il déclaré.
« L’histoire retiendra que Thomas a aimé son pays », déclare Alouna Traoré, le seul rescapé du 15-Octobre parmi ceux qui étaient avec Thomas Sankara. Pour lui, Thomas Sankara a été tué pour avoir aimé son pays. « Nous avons rêvé le Burkina. Ils ont attaqué notre rêve, pensant pouvoir le tuer. 35 ans après, je me rends compte que le rêve burkinabè tient la route, enthousiasme tout le continent et que les lignes sont en train de bouger. Thomas a fait œuvre utile, son exemple est en train d’être suivi », a-t-il martelé.
Mais pour certains, ce n’est que partie remise, car le procès doit se poursuivre. « N'oublions pas que le procès Sankara n’est pas fini. Ce n’est que la partie nationale qui a été jugée. Il reste la complicité internationale. Comme le juge a fait une disjonction de procédure, ce n’est là qu’une victoire d’étape. Il y a encore d’autres étapes à franchir, notamment la réhabilitation de la mémoire de Thomas Sankara en construisant le mémorial Thomas Sankara et en organisant des obsèques nationales dignes de son nom parce que toute l’Afrique nous regarde », affirme pour sa part Luc Damiba du Comité international du mémorial Thomas-Sankara.
Cependant, les avocats de la défense trouvent les peines très lourdes pour leurs clients, mais ils s’en tiennent à la décision du juge Urbain Méda. Maître Mathieu Somé est l’un des avocats du général Gilbert Diendéré, condamné à la prison à vie. « La peine est excessive, de mon point de vue. Etant accusé présent, il (ndlr : Gilbert Dienderé) a pris la même peine que ceux qui étaient absents. J’ai trouvé cela, sans entrer dans les détails, pas tout à fait juste. Parce qu’il est venu quand même apporter sa contribution en s’expliquant devant le juge », a déclaré l’avocat. A l’en croire, un recours pourrait être engagé dans les 15 jours qui viennent si son client juge cela nécessaire, car la loi l’y autorise.
Barthélémy Paul Tindano