Le procès Thomas Sankara et ses 12 compagnons se poursuit à la chambre criminelle du tribunal militaire de Ouagadougou, délocalisée à la salle des banquets de Ouaga 2000. L'audience de ce lundi 7 février 2022 était consacrée aux plaidoiries de la partie civile et de l'agent judiciaire de l'État. Il s'est agi pour la première citée d'apporter les éléments constitutifs qui culpabilisent notamment l'accusé Gilbert Diendéré qui, jusque-là, nie les charges qui pèsent contre lui.
Dès sa prise de parole, Maître Farama s'est adressé au général Gilbert Diendéré, à qui il a présenté ses excuses au cas où il aurait tenu des propos blessants à son endroit. Selon cet avocat de la partie civile, l’un de ses enfants lui a tenu ces propos surprenants : « Papa, tu as quel problème? » «Je n'ai aucun problème», lui répond Maître Farama. « On m'a dit que tu t'en prends à des gens et que cela va te coûter cher», reprend l'enfant. Ces propos de son enfant, selon l'avocat, l'ont amené à réfléchir profondément.
Poursuivant son intervention, Me Prosper Farama a affirmé que la justice est le socle de la cohésion sociale, mais qu’on ne peut pas parler de justice si les gens refusent de dire la vérité. Ces militaires étaient intouchables, mais aujourd'hui ils sont comme les autres. Pour l'avocat, il faut que les accusés aient le courage d'assumer leurs responsabilités en disant la vérité. « On pardonne à quelqu'un qui demande pardon. Même Dieu nous dit d'avouer nos fautes avant d'être pardonné. Aucun accusé ici n'a rien avoué et on demande aux victimes de pardonner », déclare Maître Farama. Selon lui, le général Gilbert Diendéré est un homme calme, très intelligent, même s'il a perpétré un coup d’Etat qualifié de «plus bête du monde». Cependant, il a un défaut, ajoute l’homme en robe noire : c'est un homme qui n'assume jamais ses responsabilités. À titre d'exemples, l'avocat a rappelé que la première fois où il a rencontré Diendéré dans un procès, c’était il y a plus de 20 ans, à l’occasion du procès David Ouédraogo, chauffeur de François Compaoré. Diendéré a été appelé comme témoin en sa qualité de commandant du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), impliqué dans le meurtre de David Ouédraogo. Diendéré avait tout nié. Ensuite, il y a eu l'affaire Dabo Boukari, un étudiant torturé au Conseil de l’entente et dont le corps a été retrouvé vers Pô. Là encore, le général avait refusé d'assumer ses responsabilités.
Même scénario lors du procès sur le putsch manqué de 2015. Et c'est le cas également à ce procès. De l’avis de l'avocat de la partie civile, il est clair que le général Gilbert Diendéré est coupable de complicité d'assassinat et d'attentat à la sûreté de l’Etat, même si l’officier général veut faire croire qu'il ne sait rien de l'assassinat de Thomas Sankara et de ses 12 compagnons, perpétré le 15 octobre 1987.
L’audience se poursuit le mardi 8 février 2022.
Barthélémy Paul Tindano