Le procès Thomas Sankara et 12 autres tombés le 15 octobre 1987 se poursuit au tribunal militaire de Ouagadougou. C’est la phase des plaidoiries et ce jeudi 3 février 2022, la partie civile a poursuivi sa démonstration sur la culpabilité des accusés. Lors de leur passage à la barre, ces derniers, dans leur ensemble, n’ont pas reconnu les faits qui leur sont reprochés. C’est donc le moment pour les avocats des victimes d’apporter des preuves de la culpabilité des personnes mises en cause dans ce jugement.
C’est à tour de rôle que les avocats de la partie civile ont fait leurs exposés pour démontrer, éléments concrets à l’appui, en quoi les accusés sont coupables des faits d’assassinat, d’attentat à la sûreté de l’État, de recel de cadavre ou de subornation de témoin. A écouter les plaidoiries, les dossiers les plus emblématiques de ce procès sont ceux du général Gilbert Diendéré, de Jean-Pierre Palm ou encore de Tibo Ouédraogo.
Pour Me Anta Guissé, avocate de la partie civile, Jean-Pierre Palm a été un acteur clé de ce coup d’Etat, bien que l’officier supérieur de gendarmerie à la retraite s’obstine à ne pas reconnaître les faits. « Tout au long de ce procès, on a vu une attitude nonchalante de sa part, comme si les faits étaient éloignés de lui et qu’il n’avait rien à se reprocher. En fait tout au long du dossier, il y a un certain nombre d’éléments qui, mis bout à bout, montrent qu’effectivement il faisait partie du complot et qu’il a soutenu et aidé Blaise Compaoré, Diendéré et Kafando, ses auteurs, à mettre en place cet attentat et à faire en sorte qu’il soit perpétré. Aujourd’hui, c’était la démonstration de ce qu’il y avait dans le dossier qu’il fallait faire, sans compter les aveux qu’il a faits à une période donnée à des amis qui sont venus témoigner qu’il y avait un complot et qu’il fallait inventer cette histoire de complot de 20h pour justifier l’assassinat et que le but était effectivement de permettre à Blaise Compaoré d’accéder au pouvoir », a soutenu l’avocate. La vérité, c’est ce que les familles des victimes attendent depuis plus de 34 ans. Mais certaines personnes impliquées dans le dossier ont travaillé à brouiller les pistes, une attitude qui constitue d’ailleurs une infraction, selon Me Prosper Farama de la partie civile. C’est le cas, par exemple, du général Diendéré. « Suborner un témoin, c’est essayer par un moyen quelconque (corruption, pression, promesse…) de lui faire dire devant un tribunal autre chose que la vérité pour que cela profite à une personne au cœur de cette affaire. Dans le cas qui nous intéresse, il s’agit de l’un des hommes de main du général Gilbert Diendéré, en l’occurrence Tondé Nida dit Pascal, lequel était son chauffeur quand il était en fonction au Conseil de l’entente (il continue de travailler pour le général Diendéré), qui à un moment donné au cours du procès est allé voir un des témoins clés à charge contre Diendéré, précisément le sous-officier Zetiyenga Abdramane, celui-là même qui dit que Diendéré aurait convoqué une réunion à laquelle il a participé et déclaré clairement à un petit groupe d’officiers qu’il était question d’arrêter le président Sankara parce qu’il projetait d’assassiner Blaise et les autres dans la soirée de 20h », raconte Maître Farama. La mission de cet ancien chauffeur de Diendéré c’était donc, à en croire l’homme en robe noire, de convaincre Zetiyenga de dire qu’il n’était pas au Conseil le 15 octobre 1987. Cependant, ce denier a pris le soin d’enregistrer la conversation et est ensuite allé la faire écouter au juge.
Les audiences se poursuivent la semaine prochaine, toujours avec les plaidoiries de la partie civile.
Barthélémy Paul Tindano