L'audience a repris ce mercredi 12 janvier à la chambre criminelle du tribunal militaire de Ouagadougou. Le tribunal a donné la parole aux experts qui ont fait l'exhumation et l'analyse balistique des restes de Thomas Sankara et de ses 12 compagnons tombés le 15 octobre 1987 au Conseil de l’entente. Si les restes découverts dans certaines tombes ont permis d'en identifier les occupants, ce n'est pas le cas dans d'autres sépulcres où la dégradation était trop avancée. Au cours de cette audience, la parole a également été donnée aux ayants droit des victimes.
Selon le médecin légiste professeur Robert Soudré, la profondeur des tombes des morts du 15-Octobre variait entre 22 et 58 cm. Celle du président Thomas Sankara était profonde de 47 cm. Cette faible profondeur des sépulcres a eu pour conséquence l’importante dégradation des restes trouvés dans les 13 tombes. Par exemple, dans aucune tombe il n'a été découvert un os long en entier. Les vêtements, notamment ceux en cotonnade, étaient très dégradés. Par contre ceux de Thomas Sankara n'ont pas connu une dégradation et on pouvait voir les différents trous faits par les balles tirées sur le président. Selon les experts, Thomas Sankara a reçu plusieurs balles au thorax et à l'abdomen. Dans l'examen des restes et des vêtements, il a été constaté des orifices d'entrée et de sortie. L’explication, c’est que les balles qui l’ont atteint ont perforé son corps et sont ressorties.
Selon le commissaire divisionnaire Missa Millogo, spécialiste en criminologie et des scènes de crimes, les projectiles trouvés peuvent provenir de trois catégories d'armes, à savoir des fusils d'assaut HK, G3 et des pistolets mitrailleurs. L'un des objectifs de ces analyses balistiques était de permettre d’identifier les corps qui se trouvent dans ces tombes, mais la dégradation de certains restes n'a pas permis de faire de tests d'ADN. Par conséquent, les experts se réservent de se prononcer sur la nature de la mort, contrairement aux corps qui ont pu être analysés et pour lesquels ils ont noté une mort violente. Il faut souligner également que dans certaines tombes, des cartes d'identité et des cartes militaires ont été trouvées, ce qui a facilité l’identification de ces victimes-là. De même, pendant l'exhumation, les familles des 13 victimes étaient présentes et certaines ont pu identifier les leurs.
Après l'exposé des experts, le président de la chambre criminelle du tribunal militaire a donné la parole aux ayants droit. Parmi les familles des 13 victimes, 3 ont pris la parole. Selon les représentants de ces familles, la mort est certes inévitable, mais c'est la manière dont leurs proches sont morts et ont été enterrés qui leur fait mal. Cependant, tous espèrent que la vérité sera dite lors de ce procès. "Je ne pouvais pas rater cette occasion de m'exprimer sur la douleur, la peine que moi, sa mère, ses frères et soeurs avons connue à l'époque. Je ne vois pas pourquoi je ne vais pas expliquer à la face du monde ou du pays comment j'ai appris la mort de mon petit frère. J'aurais voulu être là pour l'enterrer. Mais je suis allé trouver qu'on l'a enterré à moins de 30 cm sous terre, et quand les gens ont commencé à piétiner la terre, les habits ont commencé à apparaître. Je pense que ceux qui aiment leurs chiens, leurs chats ne les enterrent même pas comme ça", a déclaré Issa Basseka Sawadogo, grand frère de feu Hamodo Sawadogo, assassiné le 15 octobre 1987 en même temps que Thomas Sankara.
Les familles des victimes disent se réjouir de la tenue de ce procès et remercient tous ceux qui sont intervenus pour qu’il ait finalement lieu. Suspendue, l’audience reprendra le lundi 24 janvier avec les plaidoyers des différentes parties, notamment dans un premier temps la partie civile, dans un second le parquet militaire et, pour finir, la défense.
Barthélémy Paul Tindano