L'audience du procès Thomas Sankara et ses compagnons a repris ce lundi 10 janvier à la chambre criminelle du tribunal militaire, délocalisé pour la circonstance à la salle des banquets de Ouaga 2000. Deux témoins, à savoir le Sénégalais Fall et le Français Tery Secretan, ont fait leurs dépositions par visioconférence. Ensuite, le président du tribunal a fait lire le procès-verbal de feu Salifou Diallo, ancien président de l’Assemblée nationale, entendu en 2016 avant sa mort en 2017.
Il était le chef de cabinet du capitaine Blaise Compaoré au moment des faits. Lui, c'est le regretté Salifou Diallo, ancien président de l’Assemblée nationale burkinabè. Dans le procès-verbal lu ce lundi 10 janvier, feu Salifou Diallo déclare que le 15 octobre 1987, il devait prendre part à la réunion au cours de laquelle Thomas Sankara et ses 12 compagnons ont été tués. Mais il précise qu’il se trouve que Sankara l'avait appelé et lui avait dit d'aller prendre une copie du document que lui, Salifou Diallo, avait rédigé à la demande du père de la révolution lui-même. Dans ce document, il était question de la formation d'un parti politique qui regrouperait les différentes organisations qui composent le Conseil national de la révolution. C'est pendant qu’il était au domicile de Blaise Compaoré, ajoute le défunt, que les tirs ont commencé au Conseil de l’entente. Et Blaise a dit que c’était les éléments de Thomas Sankara qui tiraient sur les siens. Dans son P-V, «Gorba» ajoute qu'après l'assassinat de Thomas Sankara, Blaise Compaoré soutenait que la garde rapprochée de ce dernier préparait un coup contre lui à 20h. C'est la raison pour laquelle ses éléments sont allés pour les arrêter, mais les choses ont mal tourné. Une thèse que Salifou Diallo a défendue aussi pendant longtemps avant de savoir que ce n'était pas le cas. Selon lui, en 1988 Blaise Compaoré l'a envoyé auprès d'un ancien chef d'État avec une enveloppe scellée. Lorsqu'il est arrivé, ledit chef d'État a ouvert l'enveloppe et lu la note qu’elle contenait devant lui. Après après avoir fini il aurait lancé : « C'est ce qui arrive à ceux qui s’attaquent aux vieillards ; il reste le bâtard d'Accra». Et ce chef d'État l’aurait mis en garde contre ce qu'il venait de dire.
Ces propos de Salifou Diallo sont mis en doute par la partie civile. Malheureusement, l'intéressé n'est plus vivant pour répondre aux questions que celle-ci aurait bien voulu lui poser. «Ce que Salifou Diallo a dit, nous le pensons, ne cadre pas totalement avec la vérité parce que tous les gardes de Blaise Compaoré ont dit que Salifou Diallo faisait partie des personnes qui, le 15 octobre, ont été le plus en contact avec Blaise Compaoré. En outre, quand il dit qu'il est allé remettre une correpondance à un chef d'État, sous entendu Houphouët Boigny, qui l'aurait ouverte devant lui, disant clairement que c'est ce qui arrive à ceux qui s'en prennent aux vieillards, je pense que si Blaise Compaoré envoie voir un chef d'État avec ce genre de missive qui parle de l'assassinat de Thomas Sankara, c'est que lui aussi est un homme de confiance de Blaise Compaoré », a déclaré Me Prosper Farama.
Avant la lecture de ce procès-verbal, deux témoins, cités par la partie civile, « sont passés à l'écran » pour répondre aux questions du tribunal. Aziz Fall, l’un d’entre eux, est du Collectif justice pour Thomas Sankara. Il dit avoir trouvé plusieurs éléments dans ses recherches qui prouvent que l'assassinat de Thomas a été un complot international. Selon lui, Ablassé Ouédraogo, qui a été ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso, a certainement connaissance de certains documents. Le second, Tery Secretan, journaliste réalisateur, a beaucoup côtoyé le défunt président ghanéen Jerry John Rawlings. C'est lui également qui a transcrit la déposition de Rawlings. Selon lui, les Occidentaux étaient contre Rawlings et Sankara parce que le premier donnait un exemple de lutte contre la corruption au deuxième. Et à un moment donné, le Burkina Faso avait atteint l’autosuffisance alimentaire, ce qui a inspiré également le Ghana qui était en difficulté.
L'audience est suspendue et reprend demain mardi avec le témoignage de Moussa Diallo et la présentation des pièces à conviction.
Barthélémy Paul Tindano