À la lumière des procès-verbaux des dépositions des témoins absents, notamment les dépositions des Ghanéens mais des hommes de confiance du président Thomas Sankara du Burkina Faso, on est en droit de penser à un complot international. Plusieurs éléments permettent d'en déduire, même si les exécutants sont des Burkinabè. Retour sur les dépositions lues le mercredi 5 janvier 2022.
Depuis 1985, la mort du père de la Révolution burkinabè était devenue imminente, étant donné que les hostilités ont commencé dès le début de la Révolution en 1983. Dans sa déposition, Étienne Zongo, l'aide de camp de Thomas Sankara au moment des faits, déclare que Blaise Compaoré disait tout à Honoré Nabéré (Ancien chef d'état-major général des armées, ndlr) en ce qui concerne le projet d'assassinat de Thomas Sankara. En effet, il soutient que le 15 octobre 1987 il était à Fada avec Naberé pour avoir des informations, malheureusement il est arrivé à Ouagadougou 15 mn après la fin des coups de feu au Conseil de l’entente. Selon l'aide de camp du capitaine Thomas Sankara et Jerry John Rawlings, ancien président du Ghana, Thomas Sankara faisait trembler même des grandes puissances. Dans sa déposition lue le mercredi 5 janvier, Rawlings fait savoir qu'une fois Thomas Sankara l'avait invité à prendre part à la commémoration de l’anniversaire de la Révolution à Bobo-Dioulasso. Et dans son discours, Thomas Sankara avait dit qu'il va travailler à ce que le Burkina Faso et le Ghana deviennent un seul pays. C'est à partir de ce discours qu'il a su que Thomas Sankara avait signé son arrêt de mort. Car la France ne veut pas entendre qu'un pays francophone et un pays anglophone vont s'unir. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé au Togolais Gilchrist Olympio, fils du premier président Sylvanus Olympio, qui voulait unir le Togo et le Ghana. C'est avec ce Gilchrist même que Blaise Compaoré a comploté pour attaquer le Togo en 1986. Nordor Kelly, ancien ambassadeur du Ghana au Burkina Faso, souligne également que le discours que Sankara a tenu envers l'ancien président français François Mitterand en 1986 l'a mis en danger. De même, lors d'une cérémonie, l'ambassadeur des États-Unis de l'époque, Léonardo, a pris son adjoint en aparté pour lui dire que les jours de Thomas Sankara étaient comptés, mais c'est après la mort de Sankara qu'il a appris cela.
Étienne Zongo, quant à lui, dit qu'en 1987, avant le 15 octobre, il a croisé Blaise à Paris qui était allé voir Jacques Foccart, le Monsieur France Afrique, alors que ce dernier détestait Thomas Sankara. Et c'est là que lui, il s'est dit que c’est fini pour Sankara, car c'était les services secrets français qui protégeaient Blaise et lui assuraient que s'il tuait Sankara, il n'y aurait rien comme procès, car ce sont eux qui «ont fait» Lumumba du Zaïre, Sylvanus Olympio du Togo et Marien NGouabi du Congo et rien ne s'est passé. Étienne Zongo continue en disant que le 8 octobre Blaise a invité Sankara chez lui, prétendant qu'il était malade. Mais en réalité c'est là-bas que les Hyacinthe Kafando l'attendaient pour l'abattre et c'est à ce moment qu'un journaliste français du nom de Stephan Smith l'a appelé dire qu'il a entendu que Thomas Sankara a été assassiné et qu'il voulait se rassurer avant de passer l'information.
En ce qui concerne les pays qui sont impliqués dans l'assassinat de Thomas Sankara, les dépositions de Jerry John Rawlings, Nordor Kelly, Étienne Zongo et Sikata Kodio sont unanimes, la Côte d'Ivoire et le Togo sont certes au premier plan, mais la France, les États-Unis et la Libye y sont aussi pour quelque chose. L'ambassadeur Kelly soutient que le rôle de Kadhafi est mystérieux dans l'affaire. Une chose qui peut se comprendre avec la déposition de Rawlings où il dit que 2 ou 3 jours après la mort de Sankara, Kadhafi l'a invité pour qu'ils échangent sur l'avenir de la Révolution en Afrique. A sa surprise, il y trouve Blaise qui a essayé d'expliquer qu'il n'est pas responsable de la mort de Sankara. Quant à Kadhafi, il a tenté de calmer tout le monde en disant que la Révolution doit continuer même sans Sankara. À la fin de la réunion, Kadhafi demande qu'ils prennent une photo de famille. Mais le Ghanéen a refusé catégoriquement, car prendre une photo de famille avec Kadhafi et Blaise serait cautionner l'assassinat de Thomas Sankara aux yeux du monde entier. Surtout qu'il était l'un du trio de la Révolution en Afrique avec Sankara et Kadhafi. Selon l'aide de camp de Thomas Sankara, au moment des tensions entre Sankara et Blaise, à l'époque l'ambassadeur de Libye Madani lui aurait signifié qu'ils ont choisi Blaise au lieu de Sankara. Toujours selon Étienne Zongo, Thomas Sankara était détesté dans la sous-région. Ainsi, une fois lors d'un sommet des chefs d'Etat de la Cédéao à Abuja, la présidence tournante devait revenir au Burkina Faso, mais la plupart des pays membres n'étaient pas pour. Cela a provoqué des tensions pendant une heure avant que le calme ne revienne. Et ce jour-là, feu Norbert Zongo était de la délégation burkinabè. Lui aussi aurait dit en aparté que Thomas Sankara ne devrait pas prendre la présidence car il serait tué.
Barthélémy Paul Tindano