La lecture des procès-verbaux des dépositions des témoins décédés a pris fin ce 5 janvier au tribunal militaire. Ce sont les dépositions de Valère Somé, ancien ministre de Thomas Sankara, d’Étienne Zongo, aide de camp du président Thomas Sankara, de Jerry John Rawlings, ancien président du Ghana et proche de Thomas Sankara, de Nordor Kelly, ancien ambassadeur du Ghana au Burkina Faso, et de Sikato Kodio, ancien officier ghanéen qui ont été lues ce mercredi.
Sauf erreur, on peut dire que depuis le début de ce procès, il n'y avait pas encore eu de revélations comme celles faites aujourd'hui. En tout cas, pas sur les instigateurs du coup d'Etat sanglant du 15-Octobre. Personne n'avait encore, de façon explicite, cité le nom de l'ancien président Blaise Compaoré. Les cinq témoins dont les dépositions ont été lues sont unanimes : c'est Blaise Compaoré qui est à l’origine du coup d’Etat du 15 octobre 1987 qui a coûté la vie au père de la Révolution burkinabè, le capitaine Thomas Sankara, et à d'autres personnes. Feu Étienne Zongo, qui était à cette époque-là aide de camp du président Thomas Sankara, révèle dans sa déclaration posthume que Blaise est le cerveau du coup d'Etat qui a coûté la vie au père de la Révolution burkinabè. Il ajoute par ailleurs que la guerre de Noël survenue en 1985 était un complot visant à assassiner le président Thomas Sankara, de même que l'incident survenu entre le Togo et le Burkina Faso dont les autorités togolaises ont accusé Thomas Sankara d'être responsible. Et de préciser que les autorités togolaises étaient au courant de ce qui se tramait. Étienne Zongo précise par ailleurs que tous ces incidents avec les pays voisins étaient planifiés par Blaise Compaoré. Selon cet aide de camp du capitaine Thomas Sankara, Blaise Compaoré voulait prendre le pouvoir depuis 1983.
Dans le procès-verbal d’Étienne Zongo lu, celui-ci déclare que lorsque les éléments de Blaise Compaoré sont venus de Pô le 4 août pour libérer Thomas Sankara, Blaise a dit à Vincent Sigué que lorsqu'ils vont libérer Thomas Sankara, c’est lui Blaise Compaoré qui sera le président et Thomas Sankara son Premier ministre. Mais devant la réaction de Sigué qui voulait se désengager, Blaise Compaoré est revenu à la raison en rassurant Vincent Sigué qu'il ne prendrait pas le pouvoir. Étienne Zongo a ajouté par ailleurs que c'est à cause de cela que Blaise voulait éliminer Sigué parce qu'il avait alerté Thomas Sankara et qu'il savait tout sur Blaise. Un témoignage qui concorde avec la déposition de Valère Somé, un autre compagnon de Thomas Sankara, qui lui non plus ne vit plus. Toujours selon Étienne Zongo, Blaise Compaoré projetait de tuer Thomas Sankara à Tenkodogo quelques jours avant le 15 octobre, et tout avait été planifié pour cela. D'ailleurs, Blaise Compaoré, Henri Zongo et Jean Baptiste Lingani y avaient devancé Sankara et lorsque ce dernier est arrivé, aucune autorité n'est allée l'accueillir. Même propos de la part de Valère Somé qui affirme que ce jour-là, lui il est revenu de Tenkodogo avec Alpha Condé, l'ancien président guinéen qui, lui aussi, affirme que Sankara a été exflitré car il risquait d’être assassiné.
Dans sa déposition, celui qui a été l'une des têtes pensantes du CNR déclare que les civils, notamment les intellectuels, ont été impliqués dans le coup d’Etat du 15 octobre 1987. Il affirme par ailleurs que dans la matinée du 15 octobre, il a tenu une rencontre avec Thomas Sankara et l'ordre du jour portait, entre autres, sur les démarches à entreprendre pour réconcilier Sankara et Blaise mais aussi sur les sanctions à prendre contre Jean Pierre Palm et Jean Marc Palm, car ce sont ces deux là qui ont attisé les tensions entre Sankara et Blaise. Selon Valère Somé, les deux Palm sont fortement impliqués dans l'assassinat de Thomas Sankara et de ses compagnons d’infortune. Ainsi, Blaise a travaillé à mettre ses hommes de confiance souvent au premier plan. Par exemple lui Valère était à Pô et animait la vie politique du CNR, mais entre-temps Blaise l'a remplacé par Salif Diallo qui a mis Blaise en confiance. Concernant les tracts qui circulaient, le chercheur affirme que c'est Pierre Bidima qui en était responsable.
Barthélémy Paul Tindano