Trois témoins étaient à la barre ce 18 novembre dans l’affaire Thomas Sankara et autres. Il s’agit des Prs Jean-Marc Palm et Etienne Traoré et du Dr Arsène Bongnessan Yé.
Le Pr Étienne Traoré, responsable syndical au moment de l’assassinat de Thomas Sankara, est venu témoigner de ce qu’il sait de l’exécution de Thomas Sankara et de ses 12 compagnons. Son témoignage, il l’a livré après celui du Pr Jean-Marc Palm, témoin convoqué par la partie civile. A la barre, Etienne Traoré a dit se rappeler qu’au matin du 16 octobre 1987, c’est-à-dire le lendemain du coup d’État du 15, Blaise Compaoré l’a fait appeler pour lui expliquer ce qui s’était passé. « Le 15 octobre, les premiers coups de feu m'ont trouvé dans une station d'essence. J'ai rallié le domicile d'un grand frère jusqu'au matin. Vers 7h, Blaise Compaoré a envoyé Victor Sanfo me chercher. Je suis allé le trouver seul dans son bureau et il n'avait pas l'air triste. Il m'a expliqué qu'ils s’étaient tirés dessus et que Thomas Sankara était mort », a confié le Pr Traoré. C’est ainsi que Blaise lui aurait confirmé la mort de son ami Patrice Zagré dans cette fusillade. « Blaise Compaoré m'a dit ce même 16 octobre, quand il m'a reçu, que Gilbert Diendéré a levé la main et ses hommes ont compris qu'il fallait attaquer, donc ils l'ont fait », a-t-il ajouté. Pour M. Traoré, la thèse de l’accident était plausible et vraie. C’est ainsi qu’il donna son accord pour poursuivre le processus de révolution en occupant le poste d’inspecteur d'État. Mais un événement viendra diviser les deux collaborateurs : l'assassinat de Jean Baptiste Lingani en 1989. « J'ai demandé à voir Blaise et il a refusé. C'était la première fois que Blaise refusait de me voir et il a envoyé Salif Diallo me parler. Ç’a été l'élément clé de notre séparation », a soutenu le témoin à la barre. C'est après une introspection qu'il dit s’être rendu compte du complot ourdi par Blaise Compaoré. « Blaise complotait. Si j'avais su qu'il avait des problèmes avec le CNR je n'allais jamais aller avec lui. Je me suis trompé. En réalité, l'assassinat de Thomas était prémédité. J'ai compris en fait que Chantal, l'épouse de Blaise, avait une mission : diviser Thomas et Blaise. Elle a été envoyée par le président ivoirien d'alors Félix Houphouët Boigny qui voulait éliminer Sankara. Elle a été pour beaucoup dans la détérioration des relations entre les deux hommes. Blaise a trahi notre confiance », a rapporté le Pr Étienne Traoré.
A sa suite, c’est le médecin-militaire Arsène Bongnessan Yé qui est passé à la barre. Il était directeur des services de santé au moment de la Révolution. Selon le récit du Dr Arsène Bongnessan Yé, les événements du 15 octobre l’ont trouvé dans son bureau en tenue de sport. C’est le coup de fil d’un de ses amis qui aurait attiré son attention. « Je me suis empressé d’endosser une tenue militaire pour rallier ma base au camp Guillaume Ouédraogo », dit-il. Il dit qu’il y est resté jusqu’au petit matin avant de rallier le Conseil de l’entente pour avoir de plus amples informations. « Avez-vous senti ces évènements venir ? » demande le président du tribunal. « Si quelqu’un qui était membre du CNR dit qu’il n’a pas senti le coup venir, c’est qu’il y a problème. On était informé qu’il y avait des divergences. J’ai personnellement rencontré Thomas et Blaise ; tous deux m’ont assuré qu’il n’y avait rien mais je savais que ce n’était pas vrai », a-t-il répondu. « Je regrette la façon dont les choses se sont terminées. Pour des divergences, le problème aurait pu être réglé autrement », déplore le Dr Yé.
L’audition d’Arsène Yé se poursuivra le lundi 22 novembre. Après lui, sont attendus à la barre Boukari Douamba, Patrice Ouédraogo et Victor Zongo.
Sié Mathias Kam