vendredi 22 novembre 2024

22e  anniversaire de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo : « L’avancée significative du dossier doit permettre d’espérer une issue favorable », Harouna Yoda, procureur du Faso

assass une13 décembre 1998 - 13 décembre 2020. Cela fera 22 ans que le journaliste d’investigation Norbert Zongo et ses trois compagnons ont été assassinés sur la route de Sapouy, dans la région du Centre-Ouest, au Burkina Faso. En prélude à cet anniversaire, le Centre national de presse Norbert-Zongo (CNP-NZ), pour son 3e numéro du club de la presse, a invité Harouna Yoda, procureur du Faso près le Tribunal de grande instance (TGI) Ouaga I, pour un exposé sur l’état des lieux du dossier Norbert Zongo en justice 22 ans après.

Le procureur Yoda, avant de rendre compte de l’évolution procédurale du dossier Norbert Zongo tout au long des 22 années, a informé les hommes de médias que le dossier étant toujours en cours, « le sacro-saint principe du secret de l’instruction fait qu’on ne peut pas aller au-delà de certaines limites ».

Le 13 décembre 1998, Norbert Zongo, Ernest Zongo, Blaise Ilboudo et Abdoulaye Nikiéma sont retrouvés morts dans un véhicule de marque Toyota de type Land Cruiser en feu.

Le 31 décembre de la même année, le juge d’instruction du TGI de Ouagadougou est saisi d’un réquisitoire introductif du procureur du Faso près ledit tribunal pour « recherche des causes de la mort ». Le juge d’instruction procède à des auditions, à la commission d’un certain nombre d’experts en incendie et aboutit à des indices graves et concordants pouvant laisser penser que la mort des occupants de ce véhicule n’était pas accidentelle.

Le 6 janvier 1999, les avocats des ayants droit des victimes déposent une plainte avec constitution  de partie civile au cabinet du juge d’instruction pour « assassinat ».

assass 2Dès les premiers moments du drame de Sapouy, il a été créé une Commission d’enquête indépendante (CEI) qui a déposé son rapport en avril 1999.  Ledit rapport concluait à « l’assassinat » des occupants du véhicule 4X4.

Le 21 mai 1999, le procureur du Faso près le TGI de Ouagadougou ouvre une information judiciaire contre X pour assassinat. Le 2 février 2001, Marcel Kafando est inculpé par le juge d’instruction pour « assassinat et destruction de biens mobiliers».

L’instruction a suivi son cours et abouti le 18 juillet 2006 à une ordonnance de « non-lieu » rendue par le juge d’instruction.  Cette ordonnance a immédiatement été  attaquée par les avocats des ayants droit des victimes devant la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Ouagadougou, qui a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction le 18 août 2006. Le dossier est classé pour non-lieu. 

Dans une décision rendue le 28 mars 2014, la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) avait déjà déclaré que l'Etat burkinabé avait "failli à ses obligations" en ne traduisant pas en justice les meurtriers de Zongo.

Le 5 juin 2015, la CADHP ordonne à l’Etat burkinabè de « reprendre » l’enquête sur les meurtres de Norbert Zongo et de ses trois compagnons. Elle lui ordonne également de verser 25 millions de francs FCFA à chacun des conjoints, 15 millions à chacun des enfants et 10 millions à chacun des mères et pères de Zongo et de ses compagnons d'infortune.

« Puis est survenue l’insurrection populaire des  30 et 31 octobre 2014. Dès lors, la donne change. Le dossier étant déposé au greffe, il n’y a que des charges nouvelles qui peuvent entraîner sa réouverture », a déclaré le procureur. 

assass 3

Le 16 décembre 2014, les avocats des ayants droit des victimes adressent au procureur du Faso de Ouagadougou une requête aux fins de réouverture d’information. Cette requête des avocats était fondée essentiellement sur des documents trouvés au domicile de François Compaoré qui seraient de nature à incriminer ce dernier.

Le 7 avril 2015, l’information a donc été  rouverte par une ordonnance rendue par le juge d’instruction en charge du cabinet N°4 du TGI de Ouagadougou. Des dizaines de personnes ont été entendues comme témoins et beaucoup d’actes d’instruction  ont été posés. Ce qui a abouti à la mise en examen de quatre (4) personnes dont Yaro Banagoulo, Kombasséré Christophe et Nacoulma Wempasba pour des faits d’assassinat et de destruction volontaire de biens le 9 décembre 2015 et Compaoré François faisait l’objet d’un mandat d’arrêt international émis  le 5 mai 2017 pour infraction d’incitation à la commission d’une infraction, en l’occurrence l’assassinat.

Le juge d’instruction rédige une demande d’extradition de François Compaoré à l’adresse des autorités compétentes de la France. Le frère cadet de l'ancien président Blaise Compaoré est ainsi interpellé le 29 octobre 2017 à l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle à Paris et par la suite placé sous contrôle judiciaire.

La première audience concernant l’extradition de François Compaoré a commencé le 13 décembre 2017. En 2018, la Cour d’appel de Paris autorise son extradition vers le Burkina Faso.

Par la suite, la Cour de cassation française a rejeté le pourvoi en cassation formulé par les avocats de François Compaoré.

« C’était le terme de la course justice judiciaire de la procédure. Ce qui permettait à l’autorité exécutive française de prendre sa décision de permettre l’extradition de François Compaoré », a relevé le procureur. 

En mars 2020, le gouvernement français signe un décret portant extradition de François Compaoré au Burkina.

« Les avocats de ce dernier ont décidé d’attaquer cette décision devant le Conseil d’Etat de la France. Nous attendons que le Conseil d’Etat vide son contentieux», a affirmé M. Yoda 

Pour Harouna Yoda, une procédure judiciaire n’est pas un long fleuve tranquille. « Nous sommes pour le moment en train de suivre le cours de ce dossier. La question fondamentale aujourd’hui, c’est comment faire pour que le dossier avance et aboutisse à un jugement. Il est suffisamment avancé et cela doit permettre d’espérer une issue favorable », a soutenu l’homme de droit.    

Est-il possible de juger les autres accusés sans François Compaoré ? Le jugement par contumace est-il possible dans l’affaire Norbert Zongo ? Ce sont les deux principales questions sur lesquelles les journalistes sont restés sur leur soif. « Des voix plus autorisées que la mienne se sont déjà prononcées sur cette question », a dit en guise de réponse le procureur du Faso près le TGI Ouaga I. 

Aly Tinto

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