Le président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a effectué une visite au Niger et au Burkina Faso, deux pays touchés par une crise humanitaire sans précédent consécutive à la spirale de la violence. Il est arrivé au Burkina Faso le samedi 12 septembre, et il s'agit là de sa 2e visite en une année. Après s’être rendu à Kaya dimanche matin pour s’imprégner des problèmes humanitaires de la région du Centre-Nord, Peter Maurer a convié les hommes et femmes des médias à un point de presse le lundi 14 septembre 2020 à Ouagadougou.
L’escalade de la violence ces dernières années au Burkina Faso et dans d’autres pays du Sahel a engendré une grave crise humanitaire. A la date du 8 août 2020, le Burkina Faso enregistrait 1 013 234 personnes déplacées internes (PDI). 294 centres de santé de même que 2 512 écoles sont fermés.
Peter Maurer, principal animateur de la conférence de presse, avait à ses côtés Dominik Stillhart, directeur des opérations du CICR, Patrick Youssef, directeur des opérations pour la zone Afrique du CICR, Laurent Saugy, chef de la délégation CICR Burkina, et Denis Bakyono, président de la Croix-Rouge burkinabè (CRBF).
Plus de 42 % de toutes les activités du CICR s’effectuent sur le continent africain. « Dans ce contexte, le Sahel est aujourd’hui une préoccupation majeure à cause de la convergence des différents développements que nous avons vus depuis longtemps mais qui se sont encore accentués et articulés ces dernières années », a affirmé le président du CICR.
Il est donc venu dans le but de mobiliser la communauté internationale afin qu'elle porte un regard plus différencié sur cette région. « Afin de ne pas la regarder seulement sous l’angle COVID-19 mais aussi de voir sa complexité et donc de répondre d’une manière généreuse à nos attentes », a-t-il avancé.
A l’issue de sa visite à Kaya, son constat est que les besoins sont exponentiels et grandissants encore et que la possibilité de réponse ne l’est pas encore. « Malheureusement j’arrive à un constat que j’hésite à faire, mais qui est assez réaliste. Nous pensons qu’il faudra encore probablement des semaines, des mois, voire des années de soutien à ces populations vulnérables», a déclaré le patron du CICR.
Il a pu constater également que ces populations, que ce soit au Niger ou au Burkina, sont « un modèle de solidarité et d’humanité qu’on voit rarement dans d’autres parties du monde ».
« J’ai aussi été réconforté de voir les communautés locales, en tant qu’hôtes des communautés déplacées, être les premières initiatrices d’une action humanitaire d’envergure », a apprécié Peter Maurer.
Il a annoncé que le CICR a alloué, il y a quelques semaines, 9 milliards de francs CFA supplémentaires à son budget opérationnel pour la région du Sahel afin qu’on puisse agir urgemment face aux besoins.
«Une réunion de levée de fonds se tiendra le 20 octobre en Europe et je viens d’assurer aux donateurs qui l’ont convoquée, surtout les pays comme l’Allemagne et le Danemark, que le CICR y participera aussi pour demander de focaliser l’attention internationale sur les besoins humanitaires au Sahel », a ajouté M. Maurer.
Au cours de son périple sahélien, le président du CICR a pu se rendre compte de l’important travail fait sur la ligne de front par la Croix-Rouge du Burkina et celle du Niger qui, dans une synergie d'actions, portent assistance aux personnes vulnérables dans les domaines de la santé, de l’eau, de l’alimentation, etc. Ce fut l’occasion pour M. Maurer de les remercier pour « le travail extraordinaire».
Peter Maurer s’est entretenu avec le président du Niger, Mahamadou Issoufou, ainsi qu’avec le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, ce lundi.
« Opérer et agir dans un contexte de conflit, où il y a des groupes armés fragmentés, demandent des échanges continus structurés, ouverts et transparents du côté des autorités et surtout aussi du côté du CICR. J’ai eu l’occasion, avec les deux présidents, d’affirmer encore une fois notre intérêt à continuer à développer ces relations sur le respect du droit, la protection des civils, des détenus, sur les personnes disparues, sur la réunification des familles, sur l’utilisation de la force, sur les arrestations en respect des principes d’humanité », a relevé le président du CICR.
A propos des accusations portées par le média français Valeurs actuelles sur le CICR au Burkina, il dira que « le CICR ne se retrouve ni dans les mots ni dans les faits tels que présentés, ni dans les accusations portées contre lui ».
« Plus de 66 millions de personnes au monde vivent dans des territoires contrôlés par des groupes armés non étatiques. Ces populations ont des besoins. Et si un acteur neutre, impartial et indépendant ne peut pas répondre à ces besoins, elles se trouveront dans des pénuries encore plus difficiles. Encore une fois, nous connaissons la délicatesse. Nous voulons agir en toute transparence avec toutes les parties en conflit et surtout avec les autorités d’un pays mais nous nous joignons aussi à l’intérêt de ces autorités d’être toujours ici pour l’ensemble de leurs populations même ceux et celles qui ne sont pas sous leur contrôle. C’est ça, la fonction d’une organisation telle que le CICR », a conclu Peter Maurer.
Aly Tinto