15 juin 2019-15 juin 2020 : l’Appel de Manéga a 1 an. Les initiateurs ont fait une halte pour faire le point afin d’entamer les prochaines étapes. Lockmann Sawadogo, à travers cette interview qu’il a bien voulu accorder à Radars Infos Burkina, nous livre sa lecture, une année après l’Appel de Manéga, des prochaines étapes, la commémoration passée.
RB : Quelle est la prochaine étape ?
LS : La commémoration finie, nous allons passer à la structuration de l’ « Appel de Manéga » avec l’installation des » tuteurs de l’Appel de Manéga ». Parce que c’est avec ces tuteurs que nous comptons atteindre les masses. Nous, on veut que ce soit un mouvement de conscience. Que les gens comprennent la nécessité du vivre-ensemble. Qu’ils comprennent que l’Etat est menacé. La prochaine étape va consister à chercher des partenariats. Il y a certains qui se sont déjà annoncés.
RB : Est-ce que vous pouvez revenir sur les motivations qui vous ont amenés à choisir ce thème pour l’an 1 de « l’Appel de Manéga » ?
LS : Le thème de cette commémoration est : « Construire les modèles endogènes pour pacifier et réconcilier », parce que la question de la paix et de la réconciliation repose d’abord sur le bon vouloir, le savoir-faire et le vouloir faire de l’être sur la culture des uns et des autres. Nous sommes dans un espace, un milieu où il y a des valeurs de réconciliation et de pacification qui sont surtout endogènes. Il y a, par exemple, l’alliance par le mariage, la parenté à plaisanterie et les pactes qui existent entre les communautés. Ce sont des valeurs qu’il faut réveiller. Certaines sont plus connues, d’autres oubliées. Par exemple, entre le royaume de Boussouma et celui de Ouagadougou, il y a un pacte de paix pour la simple raison que ce sont les deux royaumes qui se sont le plus combattus dans le passé. Chez les Mossis, on parle de « Wemba » mais à Bobo-Dioulasso on parle de « Guimbi Ouattara » qui a été un précurseur de la paix. A Bobo-Dioulasso, l’étranger est chez lui et on lui donne à manger. Ce sont des valeurs endogènes qu’il faut essayer de faire ressortir. Vous verrez que si on le fait, les distanciations ou les différences culturelles, politiques et sociales vont disparaître parce qu’il y a quelque chose de plus fondamental. On a pris l’exemple de Kaya et de Manga qui ont construit un modèle à partir de la parenté à plaisanterie après 32 ans de conflit de différend. Les gens de Manga et de Kaya ne se mariaient pas entre eux. Chaque fois qu’ils se rencontraient, ils changeaient d’identité pour éviter l’hostilité. 32 ans après, ils se sont réconciliés en instituant la parenté à plaisanterie qui n’existait pas entre les deux communautés. C’est un modèle qu’on peut dupliquer ailleurs.
RB : Pourquoi avez-vous misé sur la parenté à plaisanterie comme mécanisme de réconciliation endogène ?
LS : La parenté à plaisanterie a l’avantage d’être transversale et pratiquée partout au Burkina Faso. Par exemple, entre les Bissas du Centre-Est et les Gourounsi du Centre-Ouest, la parenté à plaisanterie existe, bien que ce soient des aires géographiques différentes. Idem entre les Samo dans le Sourou et les Mossis au Plateau central. Comment se fait-il que malgré la distance, il y ait toujours un lien entre ces communautés ? Imaginez qu’on arrive à créer une dynamique avec la parenté à plaisanterie et qu’on l’institutionnalise, qu’on trouve des moyens de la formaliser dans des textes de la loi ! Ce serait un autre texte à côté de la Constitution.
Propos recueillis par Obissa