Les plaidoiries des avocats des accusés du putsch de septembre 2015 se sont poursuivies ce jour au tribunal militaire de Ouagadougou. Tout en reconnaissant pour certains conseils les infractions commises par leurs clients, ils ont tous sollicité la clémence du tribunal, au regard de certaines circonstances jugées atténuantes. Selon eux, leurs clients n’ont fait qu’exécuter les ordres donnés par le commandement en vue d’assurer leur survie dans une situation exceptionnelle.
Pour l’avocat Adrien Nion, le coup d’Etat de septembre 2015 est arrivé pour deux raisons principales. La première étant que l’insurrection populaire n’était pas allée jusqu’au bout en balayant totalement tous les acteurs du régime précédent. La deuxième raison invoquée est qu’il ne revenait pas aux autorités du conseil national de la transition d’exclure des Burkinabè des consultations électorales. « C’était au peuple de les sanctionner dans les urnes en ne leur accordant pas ses voix. » Me Nion se demande même si les autorités de la transition n’ont pas, en connaissance de cause, provoqué le putsch, vu que la survenue de celui-ci a prolongé la durée de la transition. « Etaient-ils disposés à partir » ? L’avocat de l’adjudant-chef Jean Florent Nion se le demande. Pour ce qui est de son client, le conseil relève que celui-ci a reconnu à la barre les faits d’attentat à la sûreté de l’Etat en faisant étalage de la vérité. Malheureusement, les réquisitions du parquet pour la peine qui est de 15 ans de prison ferme l’ont particulièrement déçu. L’avocat en vient même à regretter d’avoir conseillé à son client de dire la vérité au tribunal si toutefois celui-ci venait à appliquer la peine requise par le parquet. Il a invité le tribunal à faire preuve de clémence et de bienveillance envers son client en le renvoyant à ses fonctions de militaire. L’accusé Jean Florent Nion, qui a été appelé par le président du tribunal à se prononcer, a promis que de pareils faits n’arriveraient plus si on lui offrait la chance de rester dans l’armée. Il assure qu’il préférera mourir en refusant d’exécuter les ordres plutôt que de les exécuter et de se retrouver de nouveau devant un tribunal. « Je demande votre clémence. J’ai 46 ans et si on me condamne à 15 ans de prison, ce n’est pas facile, je n’aurai plus droit à la vie », a-t-il plaidé.
Pour Maître Bertin Kiénou, conseil de l'adjudant-chef major Eloi Badiel, son client ne peut être accusé comme auteur de l’attentat à la sûreté de l’Etat mais plutôt comme complice. Il n’a pas participé à la préparation du coup d’Etat, mais a juste procédé à l’arrestation des autorités de la transition. Pour l’avocat, son client est accusé à tort par le parquet d’être celui qui rassemblait les moyens humains et matériels et donnait les ordres. Des moyens qui, selon l’accusé, étaient offerts aux éléments par le commandement. Aussi, en participant à l’arrestation des autorités de la transition, le major Badiel n’a pas agi de son propre chef mais a plutôt exécuté les ordres de ses supérieurs hiérarchiques, en l’occurrence le général Gilbert Diendéré et le sergent-chef Roger Koussoubé. Il ne pouvait se dérober, sous peine de mettre sa vie en danger. Pour ce qui concerne les chefs d’accusation de meurtres et coups et blessures volontaires, Maître Bertin Kiénou affirme que son client n’a commis aucun acte de violence sur une victime et ne peut donc pas être accusé d’avoir blessé ou tué. Toutes ces raisons évoquées constituent pour l’avocat des circonstances atténuantes, que le tribunal devrait prendre en compte au moment de délibérer, afin que son client, qu’il qualifie de militaire exemplaire qui inspirait le respect, puisse se racheter et se resocialiser en continuant à exercer dans l’armée, qu’il dit tant aimer.
Maître Mamadou Sombié, conseil du lieutenant-colonel Bamba, a qualifié son client d’homme apeuré et surpris du putsch. Surpris d’apprendre la tentative de coup d’Etat en cours et apeuré tout en se demandant quoi faire lorsqu’il est proposé pour la lecture des communiqués à la télévision nationale. C’est alors qu’il s’est dit qu’il fallait coopérer afin d’avoir la vie sauve, car craignant la répression de l’ex-régiment de sécurité présidentielle. Son seul crime, c’est d’avoir appelé le capitaine Dao le 16 septembre pour avoir de plus amples informations sur la situation qui prévalait. S’il ne l’avait pas appelé, jamais celui-ci ne se serait souvenu de lui et ne l’aurait proposé pour la lecture desdits communiqués. L’accusé Bamba plaide coupable pour avoir été celui qui a livré les communiqués sur la RTB et pour avoir accompagné le cortège du général Diendéré. Son avocat précise qu’il devrait bénéficier de circonstances atténuantes parce qu’il s’est montré coopératif en se rendant de son propre chef à la gendarmerie et en disant toute la vérité sur les faits. Il ajoute qu’il a aussi eu un comportement irréprochable à la barre et a été honnête. Pour toutes ces raisons, Me Sombié plaide pour que le tribunal adoucisse la peine qui sera infligée à son client, qualifié de repenti par la partie civile. « Cet homme mérite le sursis », a-t-il soutenu.
Armelle Ouédraogo