Depuis quelques années, le Burkina Faso connaît un boom minier et pratiquement chaque année, de nouvelles sociétés d’exploitation s’installent dans des régions du pays. Cet essor fait de l’or le premier produit d’exportation, suivi du coton. Mais l’impact de l’activité minière sur le développement des localités concernées a toujours suscité des polémiques. Gnoumou Boureima Dissa est député-maire de Houndé. Dans les lignes qui suivent, il nous parle de l’impact des mines sur sa commune, de la démarche à suivre pour faire profiter au pays de l’activité minière ainsi que du non-respect du Code minier.
RIB : Comment le Burkina Faso peut-il profiter réellement de son boom minier ?
GBD : Pour que le peuple profite de l’activité minière, il faut qu’on fasse un diagnostic des mines. Je dirai même qu’il faut des assises nationales sur le secteur des mines. Je ne parle pas des sociétés mais du secteur. Car je ne pense pas que le gouvernement connaisse tous les actionnaires des entreprises minières. La deuxième chose, c’est que les sociétés minières ont un poids très lourd sur le gouvernement. Troisièmement, le ministère des Mines n’a même pas les moyens de contrôler les sociétés minières. Dans cette situation, le peuple peut difficilement profiter des retombées de l’exploitation minière.
RIB : Justement, parlant du contrôle du ministère, que dites-vous du débat en cours sur la tentative d’exportation frauduleuse de charbon fin qui s’élève à plus de 300 milliards de FCFA ?
GBD : C’est juste une goutte d’eau dans la mer que les gens ont pu voir. La fraude en matière d’or est réelle dans ce pays. Pourquoi se tiraille-t-on sur le charbon fin alors que des gens sortent avec de l’or fondu sous le nez du gouvernement et du peuple ? Des gens se foutent du peuple burkinabè.
RIB : Que pensez-vous de l’exploitation artisanale d’or au Burkina Faso ?
GBD : Une enquête parlementaire a révélé que 3 millions de Burkinabè vivent de l’orpaillage. Mieux, les orpailleurs investissent directement dans le pays, le peuple profite mieux de cet orpaillage. Là où les gens ne sont pas d’accord avec ce type d’exploitation, c’est le fait qu’il ne soit pas suffisamment contrôlé. Pourtant ce n’est pas vrai car avant il y avait la Compagnie burkinabè des métaux précieux qui avait des comptoirs d’achat et de contrôle de l’orpaillage. Malheureusement elle a été évincée en faveur d’une agence qui, au lieu d’encadrer l’orpaillage, l’a détruit et a déguerpi les orpailleurs des sites au profit de sociétés minières. Et les sociétés minières voient en ces orpailleurs de potentiels concurrents. L’Etat a donc créé des conditions difficiles et lourdes pour les orpailleurs avec plusieurs procédures de demande de permis.
RIB : Vous qui êtes maire, quelles sont les difficultés que vous et votre population rencontrez avec les sociétés minières ?
GBD : La première est que les sociétés minières n’ont aucun respect pour les autorités locales, parce qu’elles ont des contacts haut placés. La deuxième difficulté, c’est que la population se plaint de leur présence car elle ne lui apporte pratiquement rien : les jeunes continuent de chômer, la vie devient très coûteuse, les prix des produits grimpent, les enchères montent…
RIB : Pourtant elles investissent dans le social (écoles, hôpitaux…) ! Qu’en dites-vous ?
GBD : Mais pour y aller il vous faut des moyens. Si vous construisez des écoles, des centres de santé et que la population n’a pas les moyens d’y aller, ça ne sert à rien d’installer les sociétés minières dans ces conditions. Il faut préparer nos populations à accueillir les entreprises minières. Il faut faire profiter aux populations des ressources minières.
RIB : En 2015, un Code minier a été adopté. Mais 5 ans après, il n’est toujours pas appliqué. Vous qui êtes à l’Assemblée nationale, pouvez-vous nous dire ce qui bloque sa mise en application ?
GBD : En ce qui concerne le Code minier, il faudra peut-être nuancer votre propos, car il est en partie appliqué. Au Parlement, notre rôle est de voter les lois ; ce que nous avons fait à travers le Code minier. Le deuxième rôle régalien du Parlement, c’est le contrôle de l’action du gouvernement à travers trois options.
D’abord, l’interpellation par les questions orales : si vous observez, depuis le Parlement a toujours interpellé le gouvernement sur l’application du Code minier mais aussi sur les mines de façon générale.
La deuxième chose, c’est la mission d’information : à ce niveau, les parlementaires se sont rendus dans des mines et au ministère des Mines pour mieux comprendre leur gestion et leur exploitation.
Enfin, il y a les enquêtes parlementaires : rappelez-vous qu’en 2017, le Parlement a présenté un rapport suite à une enquête qu’il a menée dans les mines, suivie de recommandations adressées au gouvernement. Et à la fin de l’année 2018, nous avions mis en place une commission parlementaire pour suivre la question des mines. En gros, je dirai que le Parlement joue bien son rôle sur cette question.
RIB : Nous savons que l’exploitation minière provoque d’importants dégâts environnementaux et même la dégradation des terres cultivables des populations. Ne pensez-vous pas que le fait que le Code ne soit pas véritablement appliqué empire la situation écologique de vos populations ?
GBD : La question de l’environnement dans le secteur minier est un peu réglée dans le Code minier à travers le fonds de réhabilitation environnementale et dans la démarche d’obtention d’un permis d’exploitation, il y a ce qu’on appelle l’étude d’impact environnemental. Mais il arrive que cette étude ne soit pas respectée. Les populations et les propriétaires terriens ne sont alors pas rassurés. Actuellement, le Burkina Faso n’est pas à l’heure de faire le bilan sur l’impact environnemental de l’exploitation. Je vous donne rendez-vous dans 10 ou 20 ans ; vous verrez les véritables impacts de cette exploitation minière sur l’environnement.
RIB : Est-ce que des études n’ont pas prévu ces impacts ?
GBD : Bien sûr, mais les gens, les sociétés minières ne respectent pas les règles du jeu.
RIB : Parlant de respect du Code minier, certains estiment que ledit Code veut faire travailler les sociétés minières à perte et qu’il a été adopté par des gens qui n’ont pas d’expérience sur les questions minières. Que répondez-vous à cela ?
GBD : L’adoption d’une loi respecte des procédures, ces procédures font appel à des experts ; on auditionne des techniciens, le gouvernement et la société civile avant de l’adopter. Alors dire que le Code minier a été adopté par des néophytes, c’est distraire le peuple.
Pema Neya (Stagiaire)