Le procès du putsch manqué de septembre de 2015 s’est poursuivi ce jour au tribunal militaire de Ouagadougou. Maîtres Pierre Yanogo et Guy Hervé Kam ont clos les plaidoiries de la partie civile en appelant le tribunal à rendre justice dans ce dossier pour que non seulement les familles des victimes puissent faire leur deuil, que les blessés arrivent à se reconstruire, mais aussi afin que plus jamais pareille chose n’arrive dans notre pays.
Maître Pierre Yanogo, avocat de la partie civile, a dans sa plaidoirie distingué trois catégories d’accusés, selon leur degré d’implication dans le putsch de septembre 2015, et qui leur vaut le chef d’accusation de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat. La première catégorie concerne ceux contre qui la partie civile n’a trouvé aucune charge. Il s’agit notamment du colonel Omer Bationo et du capitaine Gaston Ouédraogo. Quant à la deuxième catégorie, elle regroupe les accusés qui ont posé des actes condamnables mais qui auraient pu leur être profitables selon la tournure des évènements. Est concerné le colonel major Kéré qui, bien qu’étant au courant du rejet par la hiérarchie militaire du putsch, a continué à poser des actes illégaux commandés par le général Diendéré, avant de se raviser et de se repentir au cours du procès. Il en est de même pour le commandant Abdoul Aziz Korogho qui, de l’avis de l’avocat, a posé des actes louables afin d’éviter le chaos et un affrontement entre frères d’armes, du colonel Bamba, lecteur des communiqués télédiffusés, ainsi que du capitaine Ussein Zombré, qui s’est repenti à la barre. Pour ce qui est de la troisième et dernière catégorie, elle regroupe les accusés qui ont commis des actes répréhensibles mais qui n’ont manifesté aucun remords. C’est le cas du capitaine Dao, du colonel Abdoul Karim Traoré et du lieutenant Boureima Zagré. Pour ceux-là, point de clémence de la justice, selon l’avocat.
De l’avis de Me Yanogo, le putsch n’avait pour objectif que d’usurper au peuple sa souveraineté, de châtier les acteurs de l’insurrection et, enfin, de restaurer le pouvoir déchu. Car les raisons invoquées par le général Diendéré et ses hommes pour perpétrer le pronunciamiento sont tout simplement inacceptables. Il s’agit principalement de la loi dite Chériff, de la loi régissant les forces armées nationales ainsi que de la dissolution du RSP. Avant de clore sa plaidoirie, Me Yanogo a tenu à rappeler aux accusés que ni les magistrats, ni le parquet, encore moins les avocats de la partie civile, n’étaient leurs ennemis. Tous sont là pour dire le droit et rendre justice aux victimes, a-t-il tenu à préciser. « Vos vrais ennemis, ce sont ceux qui ont planifié le putsch. Sachez déterminer le rôle de chacun », leur a-t-il recommandé.
Maître Guy Hervé Kam, dernier avocat de la partie civile à plaider, à tenu à souligner que ce procès, comme certains accusés l’ont affirmé, n’était pas celui du RSP ou du régime Compaoré, encore moins un procès politique ou un acte de vengeance. Aux accusés civils qui disent que c’est un jugement politique qui vise à mettre à l’écart des opposants politiques, Me Kam a rappelé que c’est plutôt leur soutien matériel au putsch qui les accable dans ce procès et non leurs opinions. « Les victimes rejettent la vengeance mais refusent l’impunité. Nous demandons une sanction des accusés, non pas pour ce qu’ils sont mais pour ce qu’ils ont fait », a-t-il ajouté.
Ce procès est plutôt, selon l’avocat des victimes, « un non ferme et irréversible du Burkina Faso à l’impunité, afin de tourner une page sombre de son histoire ». Et la réconciliation nationale évoquée par certains accusés à la barre ne saurait empêcher que le droit soit dit et que les coupables soient punis à la hauteur de leurs forfaitures. « Nos clients refusent d’être complices d’une réconciliation amnésique, d’un plan concerté visant à assassiner la justice et à prôner l’impunité. Punir les putschistes, c’est le faire pour que le pays puisse se reconstruire, tourner la page et que plus jamais cela n’arrive », a-t-il martelé. Avant de clore son propos, Me Kam s’est adressé au président du tribunal en ces termes : « En rendant justice, vous aurez fait votre part dans la consolidation de la paix au Burkina Faso ».
L’audience reprendra lundi 17 juin au tribunal militaire de Ouagadougou par les réquisitions du parquet.
Armelle Ouédraogo