Après plusieurs semaines d’interruption imputable à la suspension de la participation des avocats aux assises nationales, le procès du putsch manqué de septembre 2015 a repris ce jour 11 juin. Devant le tribunal militaire de Ouagadougou, les avocats de la partie civile ont plaidé, arguments à l’appui, afin que justice soit rendue à leurs clients et qu’aucun crime commis pendant ce coup d’Etat manqué ne reste impuni.
C’est Me Prosper Farama qui a ouvert le bal des plaidoiries pour le compte de la partie civile. Revenant sur le contexte historique, politique et social qui a abouti au putsch de septembre 2015, il a dépeint la présidence de l’ancien chef de l’Etat Blaise Compaoré comme ayant été marquée par le sang et la mort. Un ensemble de crimes, dont celui du journaliste Norbert Zongo, qu’il attribue à la garde de sécurité présidentielle. Et d’ajouter que celle-ci n’a pas hésité à prendre les armes en 2015, sous des prétextes fallacieux, au regard des privilèges perdus suite au départ du président Compaoré. Un pronunciamiento qui a ôté la vie à des dizaines de Burkinabè et laissé de nombreuses séquelles à d’autres. Pour Me Farama, ces crimes commandent que justice soit rendue et dans une société civilisée comme la nôtre, aucune entorse à la loi ne doit rester impunie. C’est pourquoi, soutient-il, sur la base des faits, ceux contre qui il existe des éléments solides de preuves doivent être condamnés à la hauteur de leurs forfaits, et les innocents relaxés. « Au sortir d’ici, il faut que nous puissions dire : ‘’plus jamais ça dans nos pays’’ », a-t-il ajouté.
L’avocat de la partie civile a tenu à se prononcer sur un ensemble de préoccupations exprimées par des accusés à la barre. Certains jugeraient le procès inéquitable, se plaignant d’une justice à deux vitesses. Pour ces derniers, ce sont seulement les « petits soldats » qui sont jugés, alors que la hiérarchie militaire, qualifiée de « gros poissons », n’est pas inquiétée. Et Me Farama de leur répondre que « dans le crime, on n’est ni petit ni grand. On est soit coupable, soit innocent ». A propos de ceux qui, pour justifier les actes qu’ils ont commis, disent n’avoir fait qu’exécuter les ordres, l’avocat affirme qu’ils étaient bien conscients qu’un ordre, ça s’apprécie. « Ces hommes doivent reconnaître les actes graves qu’ils ont posés au lieu de chercher à les justifier. Je pense que si ordre leur avait été donné, même par le chef d’état-major général des armées, de tirer sur des membres de leurs propres familles, ils auraient réfléchi à deux fois avant de s’exécuter », a-t-il martelé. Et Me Ali Neya, également avocat de la partie civile, de faire remarquer les dispositions contenues dans le Code pénal, notamment l’article 30 de la loi, ainsi que les textes régissant le statut du corps militaire, qui interdit aux militaires de commettre des délits portant atteinte à la sûreté de l’Etat, même si l’ordre émane du supérieur hiérarchique. Pour les chefs d’accusation de trahison qui pèsent sur les généraux Gilbert Diendéré et Djibril Bassolé, l’avocat a noté que les écoutes téléphoniques ont permis de rassembler des éléments de preuves solides dénotant des faits graves tels les contacts avec des intelligences étrangères du Togo et de la Côte d’Ivoire, qui leur ont permis d’obtenir du matériel pour le maintien de l’ordre ainsi que d’importantes sommes d’argent. Ces consultations avec les forces étrangères avaient pour objet de solliciter du renfort pour déstabiliser les troupes armées nationales et ainsi consolider le coup d’Etat. Et Me Neya de faire remarquer que le procès n’a rien de politique, comme voudraient le faire croire les avocats de la défense, car les droits des accusés sont respectés.
Évoquant les faits de dégradation aggravée de biens face auxquels on avait du mal à identifier les coupables, Me Louis Dayamba a démontré, à travers plusieurs exemples, que sur la base des déclarations de certains prévenus et des vidéos versées dans le dossier, il était possible d’établir clairement les identités de ceux qui se sont rendus coupables de ces délits.
L’audience reprend le mercredi 12 juin à 9h au tribunal militaire.
Armelle Ouédraogo