En 1965, fut inaugurée l’une des plus imposantes bâtisses de l’époque en plein cœur de la ville de Ouagadougou, à savoir la maison du Peuple, devenue aujourd’hui un édifice à la fois historique et symbolique servant de repère géographique. Malheureusement, son état de dégradation actuelle exige une réfection profonde. Retour sur l’histoire du siège du premier parti politique unique devenu un patrimoine national.
Au-delà de sa dimension historique, la maison du Peuple est un bâtiment très sollicité pour l’organisation d’activités politiques (congrès, meetings, réunions) mais aussi culturelles (concerts, festivals, expositions…), selon Rosalie Kaboré, directrice des Equipements sportifs et touristiques, des Loisirs et de la Publicité de la commune de Ouagadougou.
Aujourd’hui, ce lieu présente un état de délabrement et un décor très inquiétants. Des fissures se remarquent sur les bâtiments, les toilettes externes construites depuis plus de 50 ans sont hors d’usage et la toiture, perméable, rend la tenue d’activité dans la salle en période pluvieuse impossible. La peinture dégradée rend la couleur méconnaissable et bien que la maison ait été arrachée au parti au profit de l’Etat depuis plus de 50 ans, on peut encore lire sur le mur « la maison du parti », d’où l’urgence de sa rénovation.
Une urgence que la mairie mesure. A en croire Rosalie Kaboré, une étude sur la réfection a déjà été menée au niveau communal. Actuellement, la mairie est à la phase de mobilisation des ressources pour sauver cette bâtisse devenue plus qu’un symbole de la ville de Ouagadougou.
En rappel, c’est le 18 octobre 1965 que le parti l’Union démocratique voltaïque (UDV), section du Rassemblement démocratique africain (RDA) ,a inauguré le bâtiment qui lui servira de siège dans le centre de Ouagadougou et dont la grandeur était à l’image de ce parti qui se voulait unique au lendemain des indépendances.
Les Ouagavillois découvrent un édifice imposant pouvant contenir 3 000 personnes, un salon d’honneur, deux vastes pavillons, une piste et une cabine technique de retransmission radiophonique, ainsi que des restaurants et bars sur une grande cours qui s’étend sur superficie de 42 000 m². Avec une architecture originale mise en forme par des ingénieurs centrafricains qui ont eu la charge de sa construction, la toiture, coiffée par des persiennes de forme pyramidale, laisse échapper la lumière mais joue aussi un rôle de climatisation naturelle. A l’entrée de l’édifice, deux imposantes statues d’éléphants renvoyant au symbole du RDA et sur le mur l’inscription « Maison du Parti » sont encore visibles aujourd’hui. Mais le parti unique n’aura bénéficié de ce joyau que quelque 5 mois. En effet, le 03 janvier 1966 intervint le soulèvement populaire qui balaya le régime du premier président, Maurice Yaméogo. Les militaires au pouvoir procèdent alors au transfert de l’édifice à l’Etat. Ce, après avoir mené des enquêtes qui indiquent qu’il n’y avait aucune trace de la contribution de l’UDV-RDA à la construction de ce palais.
En juillet 1968, la maison du Parti devient officiellement la maison du Peuple et est érigée par la même occasion en établissement public à gestion autonome. A la faveur de la révolution d’août 1983, elle sera réquisitionnée par les tribunaux populaires pour qu’y soient jugés d’anciens dignitaires et ceux qui avaient des comportements réactionnaires. Finalement, c’est à la commune de Ouagadougou que reviendra sa gestion en 2008.
Les années passent, les régimes se succèdent, et la maison du Peuple se voit changer de nom, de tutelle et d’utilité, qui a évolué de la politique à la culture. Aujourd’hui encore, malgré les stigmates du temps, elle garde une sérénité partielle et continue de se voir défier par des artistes et politiques qui veulent tester leur cote de popularité. C’est le cas de l’artiste ivoirien Tiken Jah Fakoly qui ne dissimile pas sa joie d’avoir fait le plein de cette salle au début de sa carrière musicale. Il en est de même de Black so Man, considéré comme le premier artiste burkinabè à avoir fait le plein de cette salle. S’il est vrai que la maison du Peuple résiste aux effets du temps, sa sérénité reste toutefois éprouvée par des imperfections qui attendent d’être corrigées par les autorités communales, afin de préserver la mémoire historique de la ville mais aussi d’offrir au monde culturel et aux autres acteurs une salle digne de ce nom.
Pema Neya (Stagiaire)