Plusieurs chantiers dans les villes et villages du Burkina Faso sont en souffrance pendant que leurs délais d’exécution ont été largement dépassés. Qu’est-ce qui pourrait bien expliquer le retard d’exécution de ces marchés et comment les entrepreneurs réparent-ils le préjudice de ce retard ? Afin d’en savoir davantage sur la question, nous avons rencontré deux entrepreneurs qui expliquent dans les lignes qui suivent les conditions dans lesquelles ils exécutent leurs marchés. Dans le souci du respect de l’équilibre de l’information, nous vous proposerons aussi le son de cloche de la Direction générale du contrôle des marchés publics sur le sujet dans nos prochaines éditions.
Issa Traoré, entrepreneur en bâtiment et travaux publics depuis une vingtaine d’années, relate les conditions dans lesquelles il a exécuté certains marchés. Selon lui, l’exécution de plusieurs marchés publics est un parcours du combattant pour bon nombre d’entrepreneurs. De l’obtention du marché au payement de la facture en passant par l’exécution, rien n’est facile. Tout d’abord, le montage du dossier pour postuler à l’appel d’offres n’est pas du tout aisé. Passé cette étape, quand on est attributaire du marché, on fait face à une autre difficulté qui est celle du déblocage des fonds pour le démarrage des travaux. Pour certains marchés tels ceux de l’administration publique pour lesquels un pourcentage doit être versé aux entreprises attributaires, notre interlocuteur précise que cela est rarement effectif. La vraie difficulté, c’est souvent le déblocage tardif des fonds qui met l’exécution de certains marchés en retard. « Par exemple pour certains marchés, il y a un pourcentage de 30% qui doit être débloqué pour le début des travaux. Mais généralement, nous sommes obligés de démarrer les travaux sur fonds propres. Ce qui fait qu’à un moment donné nous sommes à cours de ressources financières et cela devient un peu compliqué de respecter le délai d’exécution. Concrètement, notre entreprise a exécuté un marché de construction de voies reliant un chef-lieu de province à la frontière du Ghana. Pour un délai d’exécution de mois, nous avons finalement fait près de 24 mois. Les causes étaient dans un premier temps le manque de finances et dans un second l’installation de la saison pluvieuse à cette période.
Souvent nous nous retrouvons créditeurs de notre banque, de nos fournisseurs et nos employés, et ce qui est vraiment déplorable, c’est la corruption des différents acteurs qui participent au dépouillement, un passage obligé si on veut espérer avoir d’autres marchés à l'avenir », nous explique-t-il longuement.
Jean Baptiste Porgo, ayant construit des bâtiments pour la normalisation de certaines écoles dans des départements du Sud-Ouest, confirme ces dires. Pour lui, il y avait quatre bâtiments à réaliser et l’exécution de son marché s’est faite sous très forte pression. Celui-ci indique que l’appel d’offres auquel il a participé a été fait par la mairie. Et pour cela, il devait tout réaliser sur fonds propres et attendre le remboursement. En pareilles circonstances, il a été obligé de trouver une main-d’œuvre à sa portée, de recruter les techniciens qu’il a trouvés sur place. Conséquence, il a dû reprendre certaines parties du bâtiment pendant qu’il n’avait que trois mois pour livrer le bâtiment à la rentrée scolaire prochaine puisque c’était pendant les vacances. Finalement, il a débordé de deux mois puisque les élèves sont revenus des vacances avant qu’il n’ait terminé la construction des bâtiments.
Pour ces deux entrepreneurs, malgré les difficultés qu’ils traversent pour exécuter les marchés, difficultés dont ils estiment ne pas être seuls responsables, ils font souvent l’objet de pénalités qui s’élèvent au 2000e du coût total du marché par jour. Ce qu’ils qualifient d’injuste de la part de l’Etat.
Saâhar-Iyaon Christian Somé Békuoné