Pour la première fois, un haut gradé de l’armée française s’exprime ouvertement sur le génocide rwandais.
Interrogé par Mediapart et Radio France, Jean Varret dénonce une sous-estimation du risque de génocide à l’époque, sous la pression d’un lobby militaire. "La tragédie était annoncée", regrette l’ancien chef de la Mission militaire de coopération. "J’ai lancé ces premiers avertissements aux autorités françaises dès 1990, concernant le risque d'un génocide au Rwanda", poursuit-il.
Le militaire, aujourd’hui âgé de 84 ans, dit avoir suggéré dans une note au président François Mitterrand en 1993 le désengagement des forces françaises face à la détérioration de la situation.
L’application de la déclassification du dossier, un préalable
"Ce serait bien que les promesses d’ouverture des archives faites par le président François Hollande en 2015, mais qui n’ont pas étés suivies en pratique, soient bien réalisées pour qu’on ait l’ouverture des archives de l’Elysée, du ministère des Affaires étrangères et du ministère de la Défense, pour qu’on puisse faire un vrai travail d’historien, un vrai travail de chercheur afin de mettre à plat tout ce qui s’est passé lors du génocide rwandais et arrêter d’entretenir les soupçons. Parce que plus on ferme les archives, plus on entretient les soupçons", a déclaré François Graner de l’association Survie.
Paris a officiellement décidé de déclassifier le 7 avril 2015 à Kigali des archives de l’Elysée de 1990 à 1995 lors de la commémoration du génocide.
Un statu quo en perspective
Le politologue Jean Claude Mputu redoute que les aveux du général Jean Varret aient peu d'influence dans le réchauffement actuel des relations diplomatiques entre la France et le Rwanda : "Quand on voit qu’on assiste à une lune de miel entre le France et le Rwanda. Le président Emmanuel Macron est invité à la commémoration du génocide le 7avril à Kigali, ce qui constitue un geste fort des autorités rwandaises. Nous connaissons par ailleurs le soutien que la France a apporté à Louis Mushikiwabo à la tête de la francophonie. Donc, nous pouvons le voir, les raisons d’Etat vont au-delà des querelles, au-delà de l’histoire, au-delà parfois malheureusement de la vie des citoyens."
Le rôle de la France dans le génocide rwandais qui a fait, selon l’ONU, au moins 800 000 morts, entre avril et juillet 1994, reste un sujet sensible qui fait toujours l’objet de tensions entre Paris et Kigali.