« Le poids de cette négligence rongeait la conscience de Boukary. Il avait pourtant aperçu ces trois gamins naïfs, dont son fils de cinq ans, s’aventurant à proximité du fleuve sacré. C’était jour de marché. Le notable avait bu du dolo à satiété. Flânant en sifflotant, il s’était ensuite nonchalamment assoupi dans le creux d’un baobab. Il les avait pourtant entendus appelant au secours avant de se noyer dans un silence assourdissant. Cela faisait à présent trois jours que son âme était hantée par les cris stridents de ces enfants. Il quitta sans crier gare nuitamment le village. Durant toute la nuit, tout le village était à sa recherche. On le retrouvera, pendu à un arbre, dans son champ de sorgho. » A la fin de son récit, Pakré, le patriarche, m’interrogea : « Combien de dirigeants, de responsables, de chefs sont capables de démissionner après avoir été volontairement ou inconsciemment mêlés à un drame ou à des erreurs de jugement ? A mon époque, se pendre suite à un forfait était preuve de courage et non de lâcheté. »
Gilbert Diendéré, le général félon, tout apeuré, après s’être réfugié chez le nonce apostolique pour éviter d’être sommairement exécuté par ses frères d’armes, bombe aujourd’hui le torse au tribunal militaire, toute honte bue. Pour moins que cela, des officiers supérieurs se sont tiré une balle dans le crâne.
Avant lui, c’est son mentor, l’ex-capitaine Blaise Compaoré, qui a fui son pays sous la pression d’une insurrection populaire.
Oumarou Sadou, le désormais ex-chef d’état-major général des armées, devant autant de morts dans le rang de ses soldats du fait des terroristes, devait rendre le tablier pour son honneur. Il a préféré attendre d’être remercié, forcé à débarquer d’un navire sur lequel il brillait par son incompétence à faire avancer l’équipage.
A sa suite, point n’est besoin de perdre de temps pour limoger les ministres de la Sécurité et de la Défense. Ils doivent reconnaître leurs limites à endiguer le terrorisme. Bien évidemment, chaque Burkinabè a un rôle capital à jouer dans cette guerre asymétrique. Cependant, certaines décisions au plus haut sommet impactent la lutte contre « les fous de Dieu ».
Par ailleurs, manquant cruellement de modestie, des ministres de Roch Marc Christian Kaboré, par médias interposés, dans des discours teintés d’arrogance et de suffisance, contribuent à rendre sa gouvernance impopulaire, pire que sous l’ère Compaoré.
Parmi eux, un certain Eric Bougma, alias Bulldozer, qui attribue la paternité de tous les grands chantiers routiers à Roch Marc Christian Kaboré. Le ridicule s’incline devant cette prouesse monstrueusement mensongère du ministre des Infrastructures. Pourtant sur le terrain, la pléthore de chantiers ne rime pas avec qualité des ouvrages. Des routes sans canaux d’évacuation, du bitume à peine revêtu se dégradant en un clin d’œil, des ouvrages dont les délais d’exécution sont largement dépassés…autant de griefs connus au ministère de cet éloquent griot de la république.
Un tour dans le Burkina profond confirme des deals mafieux dans l’exécution des marchés publics. Des entreprises qui peinent à s’assumer se voient attribuer de nouveau des marchés juteux, au grand dam des populations.
Si, devant autant de lâcheté et d’irresponsabilité, le président Kaboré égrène le chapelet du silence et du laxisme, il faudrait craindre, à côté des défis sécuritaires, une grogne sociale perpétuelle qui pourrait lui être fatale.
A l’orée d’un remaniement ministériel, nombreux sont les acteurs politiques à avoir recours aux pouvoirs occultes pour se maintenir sur la barque. Certains toquent à la porte de «Sa Majesté», espérant qu’il puisse intercéder auprès du chef de l’Etat pour leur survie dans le landerneau des régnants.
Entre un entourage compétent et des conseillers suicidaires, Roch doit trouver la solution.
Kadobi Yeda