« Au Burkina Faso, on ne peut pas parler d’idéologie de partis politiques, parce que la réalité du terrain est tout autre. Le parti au pouvoir, le MPP, se proclame social-démocrate, mais en réalité c'est un parti libéral », dixit Chrysogone Zougmoré. Tout comme lui, nombreux sont ceux qui trouvent que les partis politiques au Burkina allient difficilement théorie et pratique.
De nos jours, parler d’idéologie de partis politiques relève de l’utopie au Burkina Faso. C’est du moins ce qui ressort du rapport du Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD). Dans son rapport d’études publié en 2009 intitulé « partis et système de partis politiques », le CGD a dressé une liste de cinq idéologies dans lesquelles s’orientent les partis politiques au Burkina Faso. De ces cinq tendances, il faut signaler que le Burkina Faso n’a pu expérimenter que deux. La tendance libérale dont le courant conservateur a été expérimenté sous Maurice Yaméogo et celle sociale-démocrate aussi expérimentée par le Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP) sous Blaise Compaoré. Il se trouve qu’étant donné que ces tendances idéologiques sont bien différentes, leur exercice a conduit la première république à un soulèvement populaire en janvier 1966, et on souvient que la quatrième république, sous la houlette de Blaise Compaoré, a été balayée par une insurrection populaire en octobre 2014. De nos, le Mouvement du Peuple pour le Progrès, parti au pouvoir se réclame du courant des sociaux-démocrates tout comme le CDP, pendant que sur le terrain, des observateurs estiment qu’aucun signe de cette idéologie ne se fait sentir. Pour Grégoire Traoré, secrétaire général du Syndicat national des agents des impôts et des domaines (SNAID), la loi de finances 2019 a beaucoup de similitudes avec celle des libéraux de 1966, à savoir la taxation tous azimuts.
Pour Chrysogone Zougmoré, « ce qu’il faut retenir comme similitudes, c’est surtout l’austérité imposée aux peuples à travers les taxes les impôts et l’augmentation du prix des hydrocarbures. C’est exactement le même scénario qui s’écrit comme il en a été en 1966 ». De l’avis de ce dernier, un parti social-démocrate sur le terrain devrait travailler à alléger la souffrance de la masse populaire. Mais il constate que depuis 2017, la situation économique du pays va de mal en pis. Il conclut alors que ces derniers, contrairement à ce qu’ils clament, sont purement capitalistes.
A propos de ce qui est des idéologies des partis politiques, Bassolma Bazié, secrétaire général de la Confédération générale du travail du Burkina (CGT-B), pense qu’il y a ce que les hommes disent et ce qu’ils font. Pour lui « C’est trop facile de crier sur tous les toits que l’on est social-démocrate pendant que dans les faits on est autre chose. Quand on vient augmenter les taxes de façon vertigineuse, on augmente le prix des hydrocarbures, on privatise tout, de sorte que des enfants n’arrivent pas à fréquenter, dans les hôpitaux des citoyens n’arrivent pas à se soigner. Est-ce des pratiques sociales-démocrates ? » Pour lui, une des preuves de la pratique du capitalisme du parti au pouvoir, c’est bien la loi de finance 2019.
Nombreux sont donc ceux qui pensent que les pratiques des partis politiques au Burkina Faso ne respectent pas leurs orientations politiques. Il y a souvent des alliances guidées par les intérêts et non l’orientation idéologique. Nous pensons donc qu’à défaut d’une école des sciences politiques, une familiarisation à ces courants avant toute orientation aidera les partis politiques.
En rappel, depuis l’indépendance de l’actuel Burkina Faso, il y a eu cinq tendances idéologiques que scrutent les partis politiques, à savoir le libéralisme conservateur et le libéralisme social, la social-démocratie et le communisme des sociaux-démocrates adoptés par le CDP, le MPP et plusieurs autres partis politiques. Et une autre idéologie prônant la prise en compte de nos valeurs culturelles pour un développement populaire.
Saâhar-Iyaon Christian Somé Békuoné