jeudi 21 novembre 2024

Régression du Burkina Faso en matière de liberté de la presse : « Occuper le 38e rang est une prouesse, au regard des réalités de la presse burkinabè », Boureima Ouédraogo

gression uneLe Burkina Faso perd 2 places, se classant 38e sur 180 pays avec un score de 23,47 dans le classement mondial de la liberté de la presse, édition 2020, effectué par Reporters sans frontières (RSF). Le pays, qui était classé 36e en 2019, passe à la 38e place en 2020, soit une régression de 2 places. Pour avoir une lecture de cette situation, Radars Info Burkina s’est entretenu avec Boureima Ouédraogo, président de la Société des éditeurs de presse privée (SEP), et le journaliste d'investigation et écrivain burkinabè Atiana Serge Oulon.

Selon le président de la SEP, cette régression était prévisible. « Parmi les facteurs explicatifs de ce recul, il y a la révision du Code pénal intégrant des dispositions liberticides au nom de la lutte contre le terrorisme et l’absence incompréhensible de décrets d’application de la loi portant accès à l’information et aux documents administratifs. Si l’on y ajoute l’environnement économique de plus en plus précaire de la plupart des entreprises de presse, l’on ne pouvait pas espérer un meilleur classement. Je crois qu’occuper le 38e rang est une prouesse, au regard des réalités de la presse burkinabè », a-t-il avancé.

« Malheureusement, rien ne semble être entrepris par l’Etat pour accompagner ces entreprises en difficulté dont certaines ont fini par mettre la clé sous le paillasson. gression 2Certes, il y a encore la subvention à la presse privée et les lignes de crédits au niveau du Fonds d’appui à la presse privée (FAPP), mais elles ne semblent pas être des réponses structurantes et durables aux difficultés des médias. En outre, l’on peut noter un retour des velléités de contrôle de l’information et surtout des tensions permanentes dans les médias publics qui sont de nature à compromettre la liberté et l’indépendance des professionnels évoluant dans lesdits médias. Enfin, l’on peut noter que malgré les avancées, l’Affaire Norbert Zongo reste pendante et plusieurs organes de presse font l’objet de harcèlement et d’intimidations à travers des procès dont l’équité et l’impartialité sont plus que douteuses. Au regard de tout cela, je crois que la note et le classement du Burkina sont conformes à la réalité. Nous sommes en net recul. Et j’ai bien peur que ce ne soit le début de la fin de la forte percée du Burkina résultant des réformes opérées sous la Transition. Car, on ne voit rien venir avec ce pouvoir », a regretté M. Ouédraogo.

gression 3Pour le journaliste d'investigation Atiana Serge Oulon, cette place est bonne à prendre dans la mesure où le Burkina est dans le top 50 en matière de liberté de presse dans le monde. « Mais à défaut de progresser, le pays devrait garder le cap », a-t-il ajouté.

Quelles sont les perspectives pour le rayonnement de la liberté de presse au Burkina ? A cette question, Boureima Ouédraogo répond : « Il faut améliorer l’environnement juridique, institutionnel et économique de la presse. Cela veut dire qu’il faut d’abord opérer des réformes du Code pénal pour l’expurger des dispositions liberticides y inscrites au nom de la lutte contre le terrorisme, réviser les lois portant régimes juridiques de la presse écrite, en ligne et audiovisuelle ; adopter les décrets d’application de la loi portant accès à l’information publique et aux documents administratifs, etc. Cela permettra aux professionnels des médias d’accomplir en toute indépendance et sérénité leur tâche de collecte, de traitement et de diffusion de l’information. Ensuite, il faudra revoir les mécanismes d’appui aux entreprises de presse privée. Enfin, on devra travailler à instaurer une culture de la redevabilité et de la transparence dans la gouvernance quotidienne de l’Etat. »

M. Oulon, tout en estimant que l'Etat doit revoir sa copie en matière de réformes réalisées par l'exécutif, a affirmé que la liberté de presse s'acquiert par le courage, l'audace et la détermination des journalistes. « Il faut donc poursuivre la lutte, autant pour les journalistes que pour les défenseurs de la liberté de presse», a-t-il conclu.

Aly Tinto

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