L’audition des témoins dans le cadre du procès Thomas Sankara et 12 autres a pris fin ce 11 janvier au tribunal militaire, délocalisé à la salle des Banquets de Ouaga 2000. Le colonel major à la retraite Moussa Diallo, par ailleurs magistrat militaire, et le journaliste Stephen Smith sont les derniers à avoir fait leur déposition par visioconférence. Si le journaliste a dit ne pas savoir grand-chose du coup d’Etat qui a coûté la vie au père de la Révolution burkinabè, le magistrat militaire, lui, a donné plus de détails sur les tragiques événements du 15 octobre 1987.
Très proche de Thomas Sankara, au moment des faits il était le commandant du 5e groupement de gendarmerie et par ailleurs adjoint du commandant de la gendarmerie nationale, avec pour supérieur hiérarchique Ousséni Compaoré (ancien ministre de la Sécurité, ndlr). Le colonel major Moussa Diallo, puisque c'est de lui qu'il s'agit, a déclaré au cours de son audition en tant que témoin que le général Gilbert Diendéré était bien au Conseil de l’entente pendant l'attaque dudit lieu et que lui, Moussa Diallo, a même passé un coup de fil à Gilbert Diendéré à la demande d'un Nigérien, du nom de Moussa Ganda, qui était dans son bureau. Pendant que les deux hommes communiquaient, la ligne a été interrompue. Il ajoute qu’ensuite il a rappelé au standard et celui qui a décroché a dit simplement "ça tire ici", et lui-même entendait les tirs. Pour le colonel major, le concepteur du coup d'Etat est Blaise Compaoré ; Gilbert Diendéré en est le superviseur et les exécutants sont Hyacinthe Kafando et ses hommes.
Toujours d’après Moussa Diallo, à un moment donné la gendarmerie avait mis sur écoute Blaise Compaoré et cela a permis d'intercepter certaines informations relatives à l'assassinat de Thomas Sankara. Et quelques jours avant le 15 octobre, un certain Jonas Somé a appelé Blaise pendant qu'il était à Pô pour lui dire de passer à l'action, sinon les gens allaient finir par savoir ce qui se tramait. Cependant il précise que lorsqu'il a voulu faire écouter l’élément sonore à Thomas Sankara pour l’en convaincre, celui-ci n’a pas voulu, arguant qu'il était déjà au courant. De même, la gendarmerie avait un élément infiltré parmi les opposants vivant en Côte d'Ivoire. C'est ainsi que Jean Claude Kamboulé, qui était leur responsable, avait déclaré que le président Houphouët-Boigny lui a dit un jour de se calmer car Blaise allait bientôt prendre le pouvoir au Burkina Faso.
En ce qui concerne la thèse d'un complot qui se préparerait le 15 octobre à 20h contre Blaise Compaoré et ses hommes, le magistrat militaire répond que c'est insensé et ridicule d’y croire, car personne n'osait attaquer Blaise Compaoré à cause de Thomas Sankara justement. Quant aux rumeurs selon lesquelles ce sont des éléments incontrôlés de Blaise Compaoré qui sont allés attaquer le Conseil de l’entente, le colonel major à la retraite martèle que c'est une insulte à l'intelligence populaire, car si tel avait vraiment été le cas, il y aurait eu des enquêtes et les auteurs auraient été condamnés. Or, il n’en a rien été, ceux-ci sont restés à leurs postes et sont même devenus plus tard de hauts responsables de l'Administration.
Après l’audition du témoin Moussa Diallo par visioconférence, ce fut celle du journaliste Stephen Smith, à l'époque correspond du journal Le Monde et de Radio France internationale (RFI). Il a été le premier journaliste à avoir Blaise Compaoré au téléphone juste après le coup d'État du 15. Il affirme que la tension entre Thomas Sankara et Blaise Compaoré était réelle, mais ne dit ne pas avoir des informations sur l'implication d'autres pays dans ce coup d’Etat. L'audience est suspendue et reprend demain mercredi avec la présentation des pièces à conviction et ensuite la parole sera donnée aux victimes.
Barthélémy Paul Tindano