samedi 23 novembre 2024

Procès du putsch de septembre 2015 : l’ex-député du CDP accueille le témoignage de Moïse Traoré Nignan comme du pain béni

tem uneL’audition des témoins se poursuit au tribunal militaire de Ouagadougou. Après  l’ex-1er vice-président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), Achille Tapsoba, c’est  Moïse Traoré Nignan, 3e vice-président du parti, et  l’adjudant-chef Harouna Mandé qui étaient à la barre pour témoigner de ce qu’ils ont vu et vécu lors des évènements du 16 septembre 2015 et jours suivants.

Débutée le mercredi 30 janvier 2019, l’audition d’Achille Tapsoba, ancien 1er vice-président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), en sa qualité de témoin dans le cadre du procès du putsch de septembre 2015, a repris ce vendredi matin.  Confronté aux déclarations de son camarade politique, l’ex-député Salifou Sawadogo est retourné dans le box des accusés sans accorder les violons avec son frère politique. Toutefois, si le témoin a tout le temps martelé que la deuxième réunion dont fait cas son camarade politique dans la soirée du 16 septembre 2015 n’a jamais eu lieu, il a fini par reconnaître avant de quitter la barre qu’il y a quand même eu des échanges informels. « En termes de réunion au sens propre, il n’y en a pas eu. C’était des échanges informels », a-t-il fini par lâcher.

Sur la même question des actions des cadres du CDP pendant les évènements du 16 septembre 2015 et jours suivants, Moïse Traoré Nignan, 3e vice du parti de l’épi et de la daba, a aussi été appelé à la barre pour donner son témoignage. Le 16 septembre 2015, il affirme être rentré chez lui après la réunion de la matinée du secrétariat permanent du parti. Toutefois, il note qu’il serait possible que des militants restés au siège aient eu à échanger entre eux sur la situation nationale et sécuritaire qui prévalait dans la soirée, notamment l’arrestation des autorités de la Transition à quelques jours de l’ouverture de la campagne électorale. Il ajoute que c’est au cours de la réunion du matin que le président du parti, Eddie Komboïgo, est allé chercher de l’argent pour la conception des dossiers de candidature. Mais à la question de Me Guy Hervé Kam de la partie civile de savoir si l’argent a été sorti pendant ladite réunion, le témoin n’a pas pu donner de réponse précise. « Il s’est absenté pendant la réunion et je crois que c’est pour chercher l’argent qu’il nous fallait. Il ne va pas exhiber l’argent comme cela pendant la réunion, donc je n’ai pas, mais je crois que c’est ça, il est allé chercher », a-t-il répondu ambigument après moult relances de l’avocat.

« Les 20 millions de francs CFA à polémique »

tem3Quant à la somme de 20 millions de francs que l’ancien 3e vice-président du CDP, chargé des relations avec les partis, a remise à son frère politique, Salifou Sawadogo, alors 4e vice-président du CDP, chargé des relations extérieures, le témoin explique qu’elle avait été sollicitée par le parti à ses amis en vue de faire face à la campagne électorale qui s’annonçait à grands pas. C’est donc une coïncidence, pour lui, si la mobilisation de ce fonds a pu être effective pendant les évènements du 16 septembre 2015 et jours suivants. « En aucun cas, cette somme n’était destinée à soutenir le coup d’Etat. J’ai remis les 20 millions de francs CFA à Salifou Sawadogo. Si l’argent était destiné aux activités habituelles du parti entrant dans le cadre des élections, la situation sécuritaire du moment fait que l’argent a pu être utilisé à d’autres fins, notamment la sécurisation des domiciles des camardes du parti eu égard à ce qu’ils avaient vécu pendant l’insurrection populaire d’octobre 2014. Cet argent m’a été remis par Emile Kaboré et  devait entrer dans le cadre du partage entre alliés du Front républicain », a-t-il expliqué.

A la question de Me Kam de savoir qui lui a demandé de remettre cette somme à l’ex-député et à quelles fins, ce cacique du CDP a maintes fois mis en avant la défaillance de la mémoire pour dire qu’il ne s’en souvenait pas. Mais devant l’insistance de l’homme à la robe noire, il a fini par lâcher : « Il n’y a pas eu de réunion formelle sur la question, mais la décision n’est pas de mon seul chef. Je crois que j’ai eu quelques-uns des camarades au téléphone, notamment Achille Tapsoba, et c’est après concertation qu’il a été décidé de remettre cette somme à Salifou Sawadogo pour qu’il s’occupe des urgences du moment, notamment de la question sécuritaire des camarades du parti et de leurs biens dans ce contexte de coup d’Etat ». Pour lui donc, la thèse du parquet sur le fait que cette somme devait permettre de faire du CDP le bras politique des putschistes est à balayer complètement.

Ce témoignage du 3e vice-président de l’ancien parti au pouvoir est pour l’accusé ex-député Salifou Sawadogo, du pain béni, car selon lui, ces déclarations concordent avec les siennes. « Je salue la bonne probité de Monsieur Moïse Nignan, car dans bien des déclarations qu’il vient de faire, je me reconnais. J’ai même été surpris qu’il reconnaisse m’avoir remis la somme des 20 millions. Il pouvait nier l’avoir fait comme d’autres ont nié à cette barre que je leur ai donné de l’argent, notamment pour la sécurisation des domiciles. Lors de la rencontre du 16 au soir, Moïse n’était pas présent, donc il sera difficile qu’il  dise mot là-dessus », a reconnu le 4e vice-président du CDP. Toutefois, il signe et persiste que la somme des dix millions lui a été remise dans la soirée du 16 septembre 2015, lors de la rencontre informelle qu’il y a eu après avoir eu vent de l’arrestation du président de la Transition et de ses ministres. « Ce montant des dix millions, je l’ai bien reçu dans la soirée du 16. Je suis formel là-dessus », a-t-il insisté avant d’ajouter :«  Pour les 20 millions, la période était particulière pour qu’on me les remette  pour des activités entrant dans le cadre de la campagne, car personne à cette date ne pouvait encore dire à quel moment allaient se tenir les élections. C’est Achille Tapsoba, Hermann Yaméogo, Léonce Koné, et Emile Kaboré qui étaient au courant du partage. Achille Tapsoba m’a informé que je devais recevoir 20 millions pour la sécurisation des domiciles et pour soutenir les camarades pour les fêtes ». Ce qui fait dire à son avocat qu’il a l’impression que les camarades politiques de son client se sont alignés sur une déclaration commune.

L’adjudant-chef Harouna Mandé serre la vis à l’adjudant-chef Moussa Nébié, dit Rambo

Avant le passage de ce cacique du CDP, c’est l’adjudant-chef Harouna Mandé qui a été appelé pour livrer son témoignage. Et selon ses déclarations, il a été appelé au téléphone le 16 septembre 2015 par le sergent-chef Arzouma Kambou aujourd’hui adjudant-chef pour aller au domicile de l’ancien président de l’Assemblée nationale, feu Salifou Diallo, car il avait vent que des sympathisants du CDP voulaient incendier sa résidence. Il dit s’être exécuté et c’est au rond-point du monument des Martyrs qu’une trentaine de jeunes du CDP rassemblés lui ont dit qu’ils répondaient de l’adjudant-chef Moussa Nébié dit Rambo. Plus tard, il dit avoir reçu un coup de fil de l’adjudant-chef Kambou lui disant de fuir, car il aurait entendu Rambo prononcer son nom dans une de ses conversations. Le lendemain il fut rappelé par son interlocuteur de la veille afin de faire vite pour rallier le domicile de l’ex-président de l’Assemblée nationale, car les pyromanes étaient déjà en route. « Il m’a appelé de courir vite au domicile de Salifou Diallo, car les jeunes étaient prêts à brûler. Arrivé au monument des Martyrs j’entendais des tirs, beaucoup de tirs. J’ai mesuré les forces en actions et j’ai fait un repli stratégique. Entre-temps, l’adjudant-chef Hervé Dabilgou, garde du corps de Salifou Diallo, m’a appelé pour dire qu’il a été blessé au bras lors de la résistance aux pyromanes et était en partance à la clinique Souka pour des soins. Après 30 à 40 minutes,les tirs ont cessé et je me suis rendu sur les lieux trouver le domicile en flammes. Sur les lieux, il y avait le major Badiel, Oelkouri Koessé et les sapeurs-pompiers qui tentaient d’éteindre les flammes », a-t-il expliqué.

tem2Si l’adjudant-chef Arzouma Kambou, le major Badiel et Ouelkouri Koessé reconnaissent ces déclarations du témoin, l’adjudant-chef Moussa Nébié rejette en bloc tout ce qui a été dit le concernant. « Je suis tellement écœuré. A aucun moment, je n’ai appelé quelqu’un si ce n’est la dame Guelwaré. Je n‘avais pas de relation avec les jeunes au monument des martyrs. Je ne savais même pas que Mandé était là-bas. Comment aurais-je donné des instructions le concernant ? Je n’étais pas le coordonnateur des manifestants au monument des Martyrs », a-t-il martelé.

Pour le parquet, Rambo est allé vite en besogne, car personne ne l’avait identifié, ni accusé d’être le coordonnateur des manifestants. Quoi qu’il en soit, le témoin et l’adjudant-chef Arzouma Kambou sont catégoriques et insistent sur le fait que les jeunes au monument des Martyrs ont dit être avec l’adjudant-chef Nébié Moussa et que celui-ci a tenu une conversation dans laquelle le nom de Mandé a été cité.

Candys Solange Pilabré/ Yaro

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