dimanche 24 novembre 2024

Pouls des marchés à la veille des fêtes : la température à son plus haut niveau

marchés uneEn cette veille de fêtes de Noël et du Nouvel An, les marchés de la ville de Ouagadougou sont bondés. En plus de la préparation spirituelle, les uns et les autres mettent les petits plats dans les grands en fonction de leur poche pour réussir ces fêtes de fin d’année. La vie chère décriée ces derniers temps par nombre de Burkinabè n’a pas pu refroidir cette fièvre festive qu’il est coutume de voir à l’approche des fêtes de fin d’année.

Il est 11h lorsque nous arrivons au « marché du dix » dans le quartier Hamdalaye de la ville de Ouagadougou ce lundi 24 décembre 2018. Pas moyen de se frayer un passage pour garer son engin. Après dix minutes de tohu-bohu et de bousculade, nous parvenons enfin à avoir le ticket prisé qui sécurisera notre engin, le temps de notre reportage. Habituellement cédé à 100 francs CFA, le ticket de parking est passé aujourd’hui à 200 francs CFA et selon certains témoignages, cela dure depuis le 20 décembre dernier, quand les gérants de parking ont constaté que l’affluence n’était plus des moindres. Si Tyché, la déesse grecque de la chance, était avec nous, tel ne fut pas le cas  de Mme Ouédraogo qui a été obligée de faire quelques achats avec les marchands parterre et ambulants, dans l’impossibilité de se garer. « Je suis arrivée vers 10h30, mais jusqu’à 11h, je n’ai pas eu de place pour garer ma moto. Toutefois, j’ai pu acheter quelque chose au-dehors. Après Noël, je vais venir assez tôt pour pouvoir faire le maximum de boutiques afin de ravir mes enfants », a-t-elle confié.

marché 2En tout état de cause, les premiers à qui profite cette folle ambiance de fête dans ce marché sont les parkeurs. Moumouni Kafando, gérant de parking, nous a confié avoir doublé son chiffre d’affaires depuis que les fêtes approchent à grands pas, même s’il reste évasif sur sa recette journalière. « Je ne vais pas vous donner exactement mon chiffre d’affaires journalier, mais sachez qu’il a au moins doublé. Je remercie le ciel en tout cas », a-t-il déclaré.

C’est de partout que les clients viennent pour faire leurs derniers achats de Noël. Des vêtements, des objets d’ornement, des chaussures, des cadeaux pour les enfants, tout est prisé en cette période. Une situation qui réjouit les commerçants, qui se frottent pour la plupart les mains. « J’ai dû doubler mon stock pour faire face à la demande. Durant cette période, je reçois le double, voire le triple, du nombre de clients que je recevais d’habitude. Tout est presque fini. Il faut que je fasse de nouveau venir des produits après Noël, sinon je serai en rupture de stock pour la Saint-Sylvestre », explique Hamidou Ouédraogo, commerçant de chaussures et de produits divers.

Dans ce tohu-bohu, c’est l’occasion rêvée, pour certains individus aux intentions malveillantes, de faire aussi de « bonnes affaires ». Au milieu de ce monde fou qui se coince, certains pickpockets profitent de la bousculade pour soustraire les sacs à main et porte-monnaie des femmes qui sont les plus nombreuses à envahir les marchés. « Hier j’étais ici, mais je n’ai pas pu acheter grand-chose, car quelqu’un a mis sa main dans mon sac sans que je m’en rende compte et a retiré mon porte-monnaie. Ce qui fait que je suis de nouveau là aujourd’hui pour terminer mes achats. Mais cette fois-ci j’ai tout le temps les yeux sur mon sac pour ne pas revivre la même mésaventure », confie Bernadette Ilboudo, venue acheter des habits pour ses enfants. Et une autre cliente, à côté de nous, de lancer sans que nous ayons eu besoin de lui adresser la parole : « Je suis venue faire mes achats pour les fêtes,  mais franchement ce n’est pas simple. Les gens sont trop nombreux. Même pour passer,c’est tout un problème. Les petits voleurs en profitent pour dérober les porte-monnaie. Il faut que les responsables des marchés revoient leur copie pour mieux sécuriser les gens dans les marchés à l’approche des fêtes ». Des commerçants, conscients de cette situation, essaient parfois d’attirer l’attention de certaines clientes qui sont souvent négligentes avec leur « mine d’or ». « Héy ! pagba (femmes en mooré) ! tenez bien vos sacs, car il y a des voleurs partout », entend-on de temps en temps dans les bousculades.

Après le « marché du dix », nous nous sommes rendue à « Nabi yaar », aux 1200 logements, et à « Katre yaar », vers le SIAO. Là aussi, la ferveur des fêtes était très perceptible. Entre condiments, accessoires de mode et de décoration, la clientèle, en majorité féminine, se bouscule devant les articles. « J’évite, autant que possible, de sortir à cause des embouteillages. Sur les grandes artères, la circulation est très dense.  Du parking jusqu’au marché, difficile de se frayer un passage. Chacun veut faire ses achats. Les gens ont les nerfs à fleur de peau. Il suffit d’un oui ou d’un non pour que certains se crient dessus ; d’autres en viennent même aux mains et j’en ai été témoin », relate Mme Kantiono, venue payer des condiments et des articles de mode.

Si les gens se bousculent sur les produits proposés, ce n’est pas pour autant que tout leur est accessible. Pendant que certains commerçants estiment que les produits sont à la portée de tous cette année, les acheteurs crient à l’inflation des prix due, selon eux, à la fièvre de la fête. Tout en montrant du doigt une paire de chaussures pour enfant, Bernadette Ilboudo se plaint. « Hier quand j’étais là, cette chaussure coûtait 2 000 francs CFA. Aujourd’hui, on me dit qu’il faut débourser 3 000 francs pour l’avoir. C’est exagéré. Les commerçants savent que les gens n’ont pas d’argent et malgré tout, ils font de la surenchère », lâche-t-elle, furax. « Outre ceux des effets d’habillement, les prix des condiments aussi ont connu une hausse. Le haricot vert par exemple, qu’on pouvait avoir les années précédentes à 300 francs le kilogramme, marché 3est passé à 500 francs cette année. Idem pour les oignons et autres légumes », dénonce également Mme Kantiono. « Malgré tout, nous allons, en fonction de nos moyens, essayer de faire plaisir à nos familles, surtout aux enfants, d’autant plus que la fête de Noël leur est principalement consacrée », dit-elle, résignée.

Comme le dit littéralement un proverbe moaga, « un lièvre ne peut grossir plus que sa peau ». Ainsi, quelle que soit l’ampleur des besoins, chacun doit savoir et pouvoir les ramener aux limites de sa bourse, car selon un dicton populaire, après les fêtes, il y a une vie. En effet, l’essentiel ce n’est pas de fêter avec faste, mais de préparer son cœur et son esprit à entrer dans la nouvelle année avec sérénité.

 

Candys Solange Pilabré/ Yaro

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