dimanche 24 novembre 2024

Procès du putsch de septembre 2015 : Le général Bassolet plaide non coupable

bassolé uneAprès trois semaines d’interrogatoire, le général Gilbert Diendéré, présumé cerveau du coup d’Etat du 16 septembre 2015, a cédé sa place au général Djibrill Yipéné Bassolet, inculpé également dans le cadre de cette affaire. Dès l’entame de son audition, le général de gendarmerie a plaidé non coupable. Son conseil, prenant la parole, a dénoncé une instruction en faux contre un certain nombre d'actes de la procédure. Du coup, au lieu d’assister aux explications de l’accusé, le tribunal a eu droit à un débat procédural, notamment sur le travail de l’expert qui incrimine le général.

 

« Je ne reconnais pas les faits. Je plaide non coupable », a déclaré le général Yipéné Djibrill Bassolet à l'entame de son interrogatoire ce mercredi 19 décembre 2018. Il est poursuivi dans le cadre de ce procès du coup d’Etat du 16 septembre 2015 pour complicité d'attentat à la sûreté de l'Etat, meurtres, coups et blessures volontaires et trahison car ayant, en intelligence avec des forces extérieures, voulu déstabiliser le pays le 16 septembre 2015 et jours suivants.

bassolé 2Avant que l’accusé ne puisse expliquer en quoi il estime être blanc comme neige dans cette affaire, il a été interrompu par ses conseils, qui ont souhaité attirer l'attention du juge Seydou Ouédraogo et de ses pairs du tribunal sur une plainte qu'ils ont déposée. En effet, par cette plainte, Me Dieudonné Bonkoungou et ses confrères défenseurs du général de gendarmerie dénoncent une instruction en faux contre un certain nombre d'actes de la procédure. Les actes qualifiés de faux par ces avocats sont principalement le rapport d'expertise du 29 octobre 2015 à la cote i497 et celle i554 du dossier ainsi que la prestation de serment de l'expert à la cote i526 dudit dossier. Pour eux, il y a dans le dossier deux rapports de l’expert qui ne se ressemblent pas. Ils dénoncent aussi le fait que l’expert ait mené sa mission sans pour autant prêter serment ; d’où cette dénonciation de l’authenticité du travail qui en est résulté, qu’ils qualifient de faux. Ils souhaitent donc que, conformément à l'article 629 du Code de procédure pénale, le tribunal examine cette saisine avant que les débats ne se poursuivent.

Mais cette demande de sursis à statuer passe mal pour le parquet militaire, qui estime que c’est une énième manœuvre de la défense visant à empêcher que son client soit entendu sur les faits qui lui sont reprochés. « Pourquoi c’est à la veille de son interrogatoire que sa défense se rend compte que des actes de la procédure sont faux ?» a-t-il questionné avant d’ajouter que « cela montre que des gens ne veulent pas que leur client soit interrogé. On brandit ainsi à tout moment des éléments procéduraux pour arrêter les choses ». En définitive, pour Alioun Zanré et ses pairs du parquet, les dispositions de l’article 629 du Code de procédure pénale n’obligent le tribunal ni à surseoir, ni à statuer, ni à poursuivre l’interrogatoire de l’accusé en attendant que la juridiction saisie rende son verdict. En outre, pour le parquet cette question a été vidée au niveau de la chambre de contrôle de l’instruction, qui avait balayé ces arguments des conseils de l’accusé et les a déboutés.

Le parquet, dans sa logique, a été appuyé par les avocats de la partie civile, qui prient le tribunal de débouter la défense afin qu’on puisse s’attaquer au fond. « Pour nous, il n’y a pas lieu de surseoir à des questions qui ont été déjà tranchées. Il n’y a pas de base légale qui dit d’écarter les pièces attaquées… Sauf à nous apporter d’autres preuves plus solides et plus sérieuses, il n’y a pas lieu d’ordonner le sursis », a clamé Me Prosper Farama. Et Me Guy Hervé Kam d’aller plus loin en affirmant que la défense du général Bassolet fait de l’abus de procédure en ne déposant cette plainte qu’à la veille du passage de son client, alors que le rapport de l’expert a été communiqué depuis décembre 2016.

Il faut noter qu’avant ces débats sur la plainte pour faux, la défense du général avait suscité la polémique dès l’entame de l’audience de ce jour en demandant un renvoi de la comparution de son client à cause de l’ambiance et de la ferveur des fêtes de fin d’année qui vont empêcher certains avocats étrangers constitués aux côtés de l’ancien ministre des Affaires étrangères d’être sur le sol burkinabè à bonne date pour le défendre. Une requête qui a été contestée par le parquet militaire et les avocats de la partie civile, qui estiment que si ce dossier était important aux yeux des avocats absents de l’intéressé, ils allaient prendre les dispositions nécessaires pour être là et pouvoir défendre convenablement leur client. Pour eux, il y a des accusés qui veulent connaître leur sort afin de pouvoir reprendre leur vie, surtout professionnelle. Par conséquent, la liberté de ces derniers ne doit pas être foulée aux pieds à cause de l'ambiance des fêtes. Pour le parquet et la partie civile, accorder cette demande de renvoi remettrait en cause l'équité et l'égalité dans le traitement dont doivent jouir tous les accusés. Dos au mur, les avocats du général Bassolet, par la voix de Me Yéri Thiam du barreau du Sénégal, ont retiré leur demande et clos ainsi l’incident.

bassolé 3Eu égard à cette première volonté de repousser le grand déballage de son client, le parquet a conclu que la demande de sursis demandée par la défense de l’accusé est une autre manœuvre pour obtenir plus de temps. « C’est du même au pareil, parce que la défense de M. Bassolet avait initialement sorti un élément qui n’a pas prospéré et ils l’ont réintroduite dans leurs poches au regard des arguments avancés par le parquet et la partie civile. Ils présentent maintenant cela autrement. Implicitement, ils remettent la première requête à jour », a déclaré le ministère public.

A noter que le général Bassolet, las de ce ping-pong procédural, a demandé qu’on aille dans les débats au fond. Ce qui a été perçu par la partie civile comme une contradiction flagrante entre un accusé et ses conseils qui, eux, demandent de surseoir. Mais pour les avocats de l’accusé, cette déclaration de leur client n’est qu’une réponse au parquet qui estime que tout est fait à dessein pour que les débats au fond ne se fassent jamais.

Il faut rappeler que l’incrimination de l’ex-ministre des Affaires étrangères est fondée sur des interceptions d’échanges téléphoniques. Lesquelles communications ont pour la plupart eu lieu entre lui et le président de l’Assemblée nationale ivoirienne pour conforter le coup d’Etat de septembre 2018. Ce sont ces interceptions d’échanges téléphoniques que la défense remet aujourd’hui en cause.

bassolé 4Après avoir laissé la latitude à toutes les parties d’opiner sur la question, le président du tribunal a décidé de rendre son verdict le vendredi 21 décembre 2018 à 10h. Il a aussi annoncé qu’à l’issue de l’audience du 21 décembre, une pause serait observée afin de permettre aux uns et aux autres de souffler. Le 07 janvier 2019 est la date retenue pour la reprise du procès. Toutefois, il faut noter qu’avant de rendre son verdict sur la demande de sursis, le juge Seydou Ouédraogo devra trancher sur la demande de liberté provisoire déposée par l’accusée Minata Guelwaré, qui estime que les conditions carcérales ont considérablement abîmé sa santé.

Candys Solange Pilabré/Yaro

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